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Unis pour le meilleur et pour (éviter) le pire

Si l’amour rend aveugle, ce sont souvent nos finances qui en font les frais. Deux CPA expliquent pourquoi dans un livre.

« Quand on ne tient pas les cordons de sa bourse, on ne contrôle pas grand-chose, rappellent les auteurs. Pas de liberté financière égale pas de réelle liberté. » (Saint-Jean Éditeur)

Les livres écrits par des CPA sont rares, a fortiori ceux qui parlent d’argent et de couple. C’est néanmoins le sujet chaud, pour ne pas dire tabou, abordé par La Facture amoureuse (Saint-Jean, 2022), du bien connu Pierre-Yves McSween et de son confrère Paul-Antoine Jetté, professeur d’administration au Cégep régional de Lanaudière.

Le livre a déjà fait couler beaucoup d’encre, mais on n’a pas assez souligné à quel point les CPA peuvent être d’excellents pédagogues en littératie financière. Si d’aucuns se sont focalisés sur l’invitation (provocatrice à dessein) des auteurs à demander bilan bancaire et avis de cotisation dès les premiers rendez-vous amoureux, il n’en reste pas moins que « financièrement, un couple se gère comme une entreprise. C’est un processus de création de valeur. » Une sorte d’accroissement des avantages futurs pour les parties prenantes, diraient certains. Or la démarche comporte son lot de pièges et d’angles morts.

AVEUGLEMENT (IN)VOLONTAIRE

Entre ceux qui se retrouvent avec des menottes financières conjugales, ceux qui subventionnent leur partenaire sans le savoir et ceux qui sont victimes de gold diggers (ces partenaires plus attirés par la richesse, le prestige ou le pouvoir que par l’amour), les exemples de relations piégées ne manquent pas.

Et que dire des victimes de violence financière, dans ces couples où la différence de revenus est marquée, où l’un dépend de l’autre et où il y a une centralisation du contrôle de la gestion de l’argent? Vu la diversité des bourreaux de cœurs (passif-agressif, contrôlant, suranalyste, centralisateur, dominateur, épargnant extrême…), difficile de toujours réaliser qu’on en est victime. Et puis l’amour rend aveugle!

Protéger son autonomie financière et ne pas payer le prix du passé de l’autre devraient pourtant être des priorités. « Quand on ne tient pas les cordons de sa bourse, rappellent McSween et Jetté, on ne contrôle pas grand-chose. Pas de liberté financière égale pas de réelle liberté. » Par ailleurs, « s’occuper des finances du couple, c’est turn off. Mais c’est encore plus turn off de se faire avoir par la personne que l’on aime ou que l’on a déjà aimée ».

« L’argent est aussi un outil de mesure de la confiance, disent-ils. Quand il n’y a pas d’argent en jeu, la confiance en l’autre ou la non-confiance n’a pas d’autre impact que la déception. » Mais la donne change pour celles et ceux plus avancés dans la vie qui ont actifs et passifs. Si elle apporte une béquille financière, procure un effet de levier et réduit le stress, la vie à deux permet de partager les risques… et les multiplie, en imposant de faire « un paquet de compromis pour pouvoir en profiter ».

Bien que les jeunes couples aient moins à risquer, cela ne devrait pas les empêcher de définir ouvertement un idéal commun : des objectifs financiers, des habitudes à adopter et des principes directeurs. « Si l’argent est tabou dans ton couple, comment feras-tu pour financer vos projets communs? »

Il faut dire que, au fil du livre, les auteurs pointent un nombre impressionnant d’aberrations du système fiscal et du droit familial.

Pierre-Yves McSween (à gauche) et Paul-Antoine Jetté, CPA et co-auteurs de La Facture amoureuse (Photo de McSween par Maude Chauvin)

UN SYSTÈME MÉCONNU

À tort, les conjoints de fait pensent souvent jouir à peu près des mêmes avantages que les couples mariés, mais c’est faux (en particulier en cas de séparation ou de décès). En s’unissant, ils n’ont entre autres plus droit à diverses exemptions fiscales, ils se font imposer des contraintes supplémentaires pour utiliser le RAP et ils voient chuter certaines allocations pour enfants. « Plus le gouvernement t’aide, plus il te coupe les vivres quand il juge que ton couple te favorise financièrement. »

Ainsi, un parent qui gagne 50 000 $ par année et paie une pension alimentaire à son ex qui gagne 40 000 $ ne pourra pas demander de crédit pour personne à charge, au niveau fédéral, mais la personne qui gagne 100 000 $ par année et ne paie pas de pension à son ex, qui gagne aussi 100 000 $, le pourra. Car oui, croire et savoir sont deux choses différentes, surtout en amour, et nos choix de vie ont des impacts fiscaux importants. En cas d’union, par exemple, un REER est inclus dans le patrimoine familial et sera donc partagé en cas de séparation, alors qu’un CELI ne le sera pas.

Avoir un compte conjoint, déterminer à qui appartient le REEE, répartir la valeur à la revente d’une propriété, financer un congé sans solde, gérer un écart important de richesse… Le livre regorge de cas-problèmes illustrant une chose : « Quand on s’aime, on a probablement plus tendance à s’entendre sur une répartition juste et équitable des biens et des actifs que quand on ne s’aime plus. » Simple truisme? Le livre reproduit au contraire des jugements réels montrant qu’il vaut mieux aborder le sujet tôt que tard. Philosophe, McSween se demande même si prévoir la séparation ne pourrait pas aider à la prévenir.

Et l’amour dans tout ça? Il vous le revaudra. « Protéger ses actifs tout en protégeant l’autre dans le cadre d’un engagement conscient, clair et détaillé, peut s’avérer une bonne façon d’exprimer un amour sincère. » L’amour… cet actif incorporel dont les CPA connaissent bien la valeur réelle.

POURSUIVRE LE DIALOGUE

Pour affiner vos connaissances financières, mettez la main sur un exemplaire de Love and Money: Conversations to Have Before You Get Married, qui a remporté dans la catégorie « livre de l’année » le prix d’excellence 2021 en littératie financière de l’organisme américain Institute for Financial Literacy. Vous pouvez aussi regarder notre webinaire gratuit Parler d’argent avec l’être aimé.