Illustration d'un rouleau à peinture recouvrant une image d'un incendie de forêt avec de la peinture verte
Durabilité

Exposés à des risques croissants de fraudes ESG, les CPA doivent garder l’œil ouvert

L’attention constante portée à la durabilité entraîne certaines entreprises dans des fraudes ESG (parfois accidentelles) dont les conséquences peuvent être graves.

Feux de forêt, sécheresses… les effets des changements climatiques se font sentir, et les consommateurs se soucient de plus en plus de la durabilité dans leurs décisions d’achat. Selon des données d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, 8 Canadiens sur 10 aspirent à un mode de vie durable, et 65 % ressentent l’obligation morale d’utiliser des produits écologiques.  

Cette sensibilisation a pour effet d’augmenter la pression sur les entreprises, qui doivent afficher une bonne performance sur le plan environnemental, même si la réalité n’est pas à la hauteur des allégations. 

Dans un sondage de KPMG, 89 % des entreprises canadiennes ont déclaré que leurs parties prenantes les surveillent de près pour s’assurer qu’elles accomplissent des progrès concrets vers l’atteinte de leurs objectifs ESG, et 86 % craignent que ces pressions augmentent le risque de fraude ESG au sein de leur organisation. 

« Ces dernières années, les entreprises ont été encouragées à mettre en valeur leurs résultats ESG, soit simplement pour asseoir leur réputation, soit sous l’effet d’incitations monétaires à l’atteinte de cibles ESG spécifiques (carboneutralité, diversité et inclusion, cibles liées à la gouvernance). Les contrôles sont faibles, et les normes n’ont pas encore été établies », explique Myriam Duguay, leader nationale des services d’enquête et de la gestion des risques de fraude chez KPMG au Canada.

Cette combinaison idéale – motivation, occasion et les autres facteurs classiques que sont la rationalisation et la capacité – peut pousser les gens à commettre une fraude. Les limites à ne pas dépasser, claires pour d’autres types de méfaits, sont floues dans le cas des initiatives et de l’information ESG, alors le risque est grand de fournir involontairement des informations trompeuses aux consommateurs et autres parties prenantes. 

Ainsi, 81 % des répondants au sondage de KPMG ont indiqué craindre que leur organisation commette accidentellement une fraude ESG. 

« Les types de fraude sont variés. Dans un contexte où la présentation d’informations sur les facteurs ESG est volontaire, les entreprises peuvent choisir de présenter les informations reluisantes et d’en omettre d’autres. Par exemple, une entreprise peut lancer un produit qui réduit les déchets et s’en vanter, mais omettre d’indiquer l’augmentation parallèle des émissions dues au transport dans sa chaîne d’approvisionnement. Comment savoir si les informations présentées sont complètes?

« Pensons aussi à l’écoblanchiment temporel : des gestionnaires de placements qui procèdent à un rééquilibrage volontaire de leurs portefeuilles pour se défaire de placements non axés sur les facteurs ESG avant la date de clôture. Le portefeuille paraît ainsi plus durable qu’il ne l’est tout en rapportant des rendements associés à des placements traditionnels. 

Toute fraude ESG, intentionnelle ou non, peut avoir des conséquences. Les enjeux sont élevés et croissants. 

L’année dernière, la Securities and Exchange Commission des États-Unis a conclu un règlement de 55,9 M$ US avec une société minière brésilienne accusée d’avoir manipulé des données d’audit de sécurité (mais qui n’a pas reconnu les charges portées contre elle), à la suite de l’effondrement d’un barrage qui a tué 270 personnes et entraîné des pertes supérieures à 4 G$ en capitalisation boursière. En vertu des nouvelles lois renforcées sur l’écoblanchiment de l’UE, qui entreront en vigueur en 2026, les contrevenants s’exposeront entre autres à des amendes pouvant atteindre 4 % de leur chiffre d’affaires. 

Chez nous, le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité travaille à l’élaboration de règles claires en matière d’informations financières liées à la durabilité et d’informations à fournir en lien avec les changements climatiques. Si les Autorités canadiennes en valeurs mobilières incorporent les nouvelles normes dans un règlement, celles-ci deviendront obligatoires. Depuis 2022, les sociétés canadiennes sont assujetties à des pénalités plus sévères en vertu de dispositions modifiées de la Loi sur la concurrence. D’autres modifications sont envisagées pour sanctionner les exagérations environnementales.

Il est grand temps de mettre en place des mesures préventives, à commencer par des pratiques exemplaires d’évaluation, de présentation de l’information et de conformité. 

« Entourez-vous des bons conseillers : les spécialistes versés dans les questions ESG peuvent vous aider à comprendre votre empreinte environnementale, à cerner les points faibles et à établir la meilleure ligne de conduite à adopter pour réduire concrètement votre impact sur l’environnement et la société. Ayez en place un contrôle rigoureux. Songez aussi à la prise en compte des facteurs ESG dans le processus de gestion des risques de l’entreprise, à l’évaluation de la fiabilité des sources de données ESG et à la comptabilisation de toutes les principales sources d’émissions.

« La fraude et les décisions non éthiques liées aux facteurs ESG ressemblent beaucoup à la fraude financière et au détournement de fonds, et les CPA peuvent favoriser l’adoption de pratiques saines pour atténuer le risque de fraude ESG de l’organisation. »