Les CPA peuvent contribuer à améliorer la santé mentale de la société
Les CPA peuvent facilement perdre de vue l’étendue de l’influence de leur travail. Leurs fonctions uniques leur permettent pourtant de favoriser la santé mentale et financière, en plus de contribuer à la croissance économique locale. Résultat : des retombées positives considérables pour la société.
Un sondage IPSOS mené en septembre 2023 mettait en relief les conséquences financières et émotionnelles néfastes de l’endettement. Les personnes qui s’estiment fortement endettées risquent plus que les autres de ressentir un stress accru (77 %) et de l’anxiété (72 %), et de couper dans les sorties pour éviter des dépenses (72 %). « Les pressions inflationnistes se font sentir dans la population, surtout chez les gens qui remboursent un prêt hypothécaire ou qui cherchent un logement abordable », soutient Michel Rodrigue, CPA, président-directeur général de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).
Toutefois, lorsque les personnes en situation précaire retombent sur leurs pieds, elles sont susceptibles de contribuer davantage à l’économie canadienne. C’est ici que les CPA entrent en scène : en puisant dans leur arsenal, ils peuvent venir en aide à cette clientèle considérée comme à risque. Flairant une occasion d’affaires, des entreprises de services financiers et de technologie aspirent aussi à améliorer la situation économique de ce segment mal desservi. Et les résultats indiquent que le jeu en vaut la chandelle.
La barrière sociale érigée durant la pandémie et le stress qu’elle a occasionné sur le plan de la santé et des finances ont entraîné de lourdes conséquences en matière de santé mentale. L’anxiété teintait alors les décisions financières, selon ce que révèle une analyse de PMG Intelligence, cabinet spécialisé en études de marché et en science des données. Rob Grein, président-directeur général de PMG Intelligence, croit que les restrictions liées à la COVID-19 ont poussé les gens à prendre des décisions difficiles ou déplaisantes qu’ils auraient évitées en temps normal.
C’est dans de telles périodes que le travail des CPA peut avoir le plus grand impact. « Notre analyse a montré que les gens veulent maîtriser leur destinée financière. Leur meilleure réceptivité aux conseils a pour corollaire d’améliorer leurs connaissances financières, et ainsi, ils gagnent en confiance. » Il en résulte moins de stress mental, physique et financier.
Une autre étude, celle-là réalisée par RiskAnalytica pour le compte de la CSMC, a révélé l’ampleur des problèmes de santé mentale au pays : chaque année, une personne sur cinq vit une situation de crise, et près de la moitié de la population aura souffert d’un problème de santé mentale avant d’atteindre 40 ans.
Au moins une institution financière vise à élargir ses services à une clientèle désireuse de s’affranchir de ses dettes et des prêteurs à conditions abusives. En effet, DUCA Financial Services Credit Union a créé le DUCA Impact Lab, un carrefour d’innovation constitué en organisme de bienfaisance voué à améliorer l’offre de services bancaires, notamment pour les gens endettés.
« Avec la bonne approche, les entreprises de services bancaires peuvent avoir un impact social considérable », croit Keith Taylor, directeur général du DUCA Impact Lab. Sous sa houlette, l’Impact Lab explore de nouvelles avenues et remet en question les idées préconçues sur les clients à risque élevé.
Un exemple? Le programme de prêts à taux référencé de DUCA offre aux personnes aux prises avec des dettes à coût élevé une procédure d’approbation de prêt fondée sur leurs rentrées d’argent plutôt que sur leurs antécédents de crédit. Le programme affiche un bas taux de défaillance malgré le profil des emprunteurs, caractérisé par de faibles revenus et une mauvaise cote de crédit. Il comporte en outre une composante de réduction du taux d’intérêt qui donne aux emprunteurs une certaine marge de manœuvre.
La clientèle qui contribue à la croissance de DUCA depuis 1954 est considérée, sur papier du moins, comme à risque, explique Keith Taylor. « Mais pour nous, il s’agit d’une excellente clientèle. Sans elle, nous ne serions pas devenus l’une des plus importantes coopératives de crédit en Ontario [comptant 17 succursales et plus de 87 000 membres]. » Selon une étude de TransUnion, ce segment négligé représente plus de neuf millions de personnes au pays.
La clientèle du programme de prêts à taux référencé provient en majorité de communautés marginalisées. « Le profil type, c’est une femme de couleur avec des personnes à charge, et dont la cote de crédit et les revenus sont faibles. Souvent, elle aura vécu des difficultés qui ont mené à une détérioration de son crédit et l’ont obligée à faire appel à un prêteur à conditions abusives pour s’en sortir, parce que les institutions traditionnelles lui fermaient la porte. »
Aux États-Unis, la part des ménages noirs et latino-américains non bancarisées et sous-bancarisées s’élève respectivement à 64 % et 47 %, alors qu’ils représentent 31 % de la population. Chez nous, dans un effort pour combattre le racisme systémique, le gouvernement Trudeau a mis sur pied en 2020 une initiative de prêts pour l’entrepreneuriat des communautés noires afin d’aider ces dernières à obtenir des prêts auprès des grandes banques. Depuis, des applications de technologie financière (services bancaires, de crédit ou de placement) ont commencé à s’attaquer aux inégalités. Des plateformes de services financiers comme Chime viennent en aide aux personnes de couleur et à faible revenu en offrant des services à moindre coût et des outils pour établir des antécédents de crédit. La négociation d’actions, habituellement réservée à une clientèle nantie pouvant assumer les frais de courtage, s’est démocratisée. Les applications permettant le fractionnement d’actions, telle Wealthsimple, de même que les comptes sans commission ni exigence de dépôt minimum abaissent grandement la barrière à l’entrée pour les personnes à faible revenu.
« Une augmentation des revenus, pour ces personnes, est susceptible de se traduire par une hausse des dépenses à l’échelle locale », enchaîne Keith Taylor. Il s’ensuit un véritable effet multiplicateur : l’argent dépensé dans la collectivité génère de nouveaux emplois et, par conséquent, des revenus additionnels.
En contribuant ainsi à la stabilité économique, ces retombées renforcent le tissu culturel et social et, par ricochet, le bien-être mental. Des entreprises prospères créeront de nouveaux emplois, qui accroîtront la sécurité financière et le sentiment d’utilité.
Par ailleurs, le soutien dont bénéficient les entreprises locales peut se traduire par un financement accru des programmes communautaires, comme dans le cas du Scadding Court Community Centre, qui vient en aide aux femmes et aux entrepreneurs immigrants d’Alexandra Park (petit quartier du centre-ville de Toronto) depuis 2018. L’organisme a notamment commencé à offrir des ateliers sur le démarrage d’entreprise.
Malgré les obstacles, les CPA peuvent faire œuvre utile. « Les personnes qui ont peu de moyens ont difficilement accès à des conseils. C’est là tout le défi, résume Michael Banham, CPA, vice-président de l’expérience client à PMG Intelligence. Nos recherches indiquent que l’accès à des conseils financiers va de pair avec une situation plus enviable. C’est essentiel dans le parcours vers l’autonomie. »