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Bâtiment résidentiel
Fiscalité

Pénalités sévères pour les locations à court terme non conformes

Certaines locations à court terme retranchent des logements du marché; le gouvernement fédéral propose de sévir pour remédier au problème.

Afin de s’attaquer à la grave pénurie de logements qui frappe le pays, le gouvernement fédéral a proposé des dispositions législatives fiscales pour sévir contre les activités de location à court terme d’immeubles résidentiels qui contreviennent à des lois ou règlements provinciaux ou municipaux.

Présentée dans l’Énoncé économique de l’automne 2023 et entrée en vigueur le 1er janvier 2024, la proposition législative prévoit la non-déductibilité des dépenses engagées par les contrevenants pour tirer un revenu de location à court terme. La location non conforme d’immeubles résidentiels pour une durée inférieure à 90 jours consécutifs déclencherait la non-déductibilité des dépenses connexes. Un « immeuble résidentiel » s’entend de la totalité ou d’une partie d’une maison, d’un appartement, d’une unité de copropriété, d’un chalet, d’une maison mobile, d’une roulotte, d’une maison flottante ou d’un autre bien situés au Canada.

« Les mesures de dissuasion financière prévues dans la proposition législative sont sévères », estime John Oakey, CPA, vice-président, Fiscalité, à CPA Canada.

Par exemple, disons qu’un particulier loue son immeuble résidentiel au Canada sur Airbnb à divers occupants au cours de l’année, puis déclare un loyer brut à court terme de 91 250 $ et des dépenses du même montant, ce qui donne lieu à un bénéfice nul, illustre Caitlin Butler, CPA, fiscaliste et membre du comité de rédaction de Video Tax News.

En vertu de la nouvelle mesure, ce particulier devra ajouter 91 250 $ à son revenu imposable pour l’année; il ne sera pas autorisé à déduire ses dépenses. Pour un particulier de l’Ontario assujetti au taux d’imposition marginal le plus élevé de 53,53 %, l’impôt supplémentaire totaliserait 48 846 $ sur une activité qui a généré un bénéfice nul.

« L’incidence de cette non-déductibilité proposée sur le taux d’imposition effectif du revenu de location dépend en grande partie de deux facteurs : le taux d’imposition marginal applicable au revenu du particulier visé et la rentabilité de la location à court terme », explique-t-elle.

« C’est pour les propriétaires dont le revenu se situe dans les tranches d’imposition supérieures qu’un immeuble locatif sans bénéfice sera le plus désavantageux. Compte tenu de la hausse marquée des charges d’exploitation et des taux hypothécaires, il n’est pas rare que les locations à court terme ne soient pas rentables. C’est ce que vivent de nombreux propriétaires. »

Le montant des dépenses refusées sera calculé au prorata du nombre de jours de l’année où l’immeuble a été en location à court terme non conforme.

Pour illustrer l’ampleur de l’impact financier que peut avoir la mesure, John Oakey donne l’exemple d’un contribuable qui aurait loué son immeuble résidentiel à court terme pendant 366 jours en 2024, mais dont la municipalité aurait interdit ce type d’activité au milieu de l’année.

On suppose pour cet exemple que les dépenses engagées s’élèvent à 100 000 $ et le bénéfice imposable, à 20 000 $. Puisque la moitié des dépenses, soit 50 000 $, ont été engagées alors que les locations à court terme étaient interdites, une tranche de 50 000 $ du total ne sera pas déductible, ce qui portera le bénéfice imposable à 70 000 $.

Si le contribuable est assujetti au taux d’imposition marginal le plus élevé en Nouvelle-Écosse, soit 54 %, il paiera un impôt de 37 800 $ sur ces 70 000 $. Mais le bénéfice réel n’est que de 20 000 $, ce qui donne, aux fins comptables, un taux d’imposition effectif colossal de 189 % (37 800 $ sur 20 000 $).

La proposition législative, qui touche aussi les sociétés et les fiducies, permettrait à l’Agence du revenu du Canada (ARC) d’établir les cotisations et nouvelles cotisations voulues concernant l’impôt, les intérêts et les pénalités liés à la non-déductibilité d’un montant non conforme pour toute année d’imposition ultérieure à 2023, sans aucune restriction. L’ARC ne serait pas contrainte par la période normale de nouvelle cotisation.

Une règle transitoire proposée est en place pour 2024 seulement, et s’applique aux locations à court terme dans une province ou une municipalité qui exige un enregistrement, une licence ou un permis pour opérer à ce titre. Si l’exploitant se conforme aux exigences applicables le 31 décembre 2024, ses activités de location à court terme seront réputées être conformes pour la totalité de l’année.

« Les propriétaires d’immeubles auront ainsi le temps de se familiariser avec d’éventuelles exigences locales », précise Hugh Neilson, FCPA, conseiller indépendant pour Video Tax News et pour Kingston Ross Pasnak, où il exerce les fonctions de directeur des services de fiscalité.

Certains craignent que les nouvelles dispositions aient des conséquences inattendues. Par exemple, les différentes politiques municipales et provinciales risquent de donner lieu à un traitement inégal des contribuables, signale John Oakey.

Hugh Neilson, qui préside par ailleurs le Comité sur la fiscalité – Petits et moyens cabinets de CPA Canada, fait remarquer que la non-déductibilité proposée de toutes les dépenses liées à la location à court terme en cas de non-conformité entraînerait des coûts très variables d’un contribuable à l’autre.

Par exemple, les répercussions de la mesure fiscale proposée seraient plus considérables dans le cas des immeubles grevés d’une hypothèque. Le coût d’exploitation d’une propriété hypothéquée est plus élevé parce que le taux d’intérêt de l’emprunt réduit le bénéfice comptable. Or, malgré un bénéfice comptable moindre, la non-déductibilité des dépenses aboutira au même fardeau fiscal pour une propriété grevée d’une hypothèque que pour une propriété libre d’hypothèque. Cette mesure fiscale représente donc un coût plus élevé pour les propriétaires d’immeubles hypothéqués.

D’autre part, les contribuables dont le revenu se situe dans les tranches d’imposition inférieures subiront des coûts moindres. « Par exemple, un résident de l’Ontario assujetti au taux d’imposition des particuliers le plus élevé de 53,53 % assumera un coût bien supérieur à celui qu’assumerait un contribuable propriétaire du même immeuble par l’intermédiaire d’une société imposée à 26,5 % (taux des sociétés publiques en Ontario). Une société privée tirant un revenu d’entreprise exploitée activement de la location à court terme pourrait être imposée à seulement 12,2 %. »

De plus, ajoute Hugh Neilson, le revenu de location brut d’un bien immobilier canadien appartenant à un non-résident est imposé par défaut à 25 %. Un non-résident peut faire le choix que son revenu net soit assujetti à l’impôt aux taux canadiens normaux avec déduction des dépenses, mais dans bien des cas, le coût fiscal canadien compense les impôts payables dans son pays de résidence.

« Ainsi, les non-résidents pourraient bénéficier d’un avantage concurrentiel sur ce type de revenu. »

La proposition législative pourrait en outre engendrer des cas possibles d’autocotisation de la TPS/TVH s’il faut convertir l’immeuble de la location à court terme imposable à un immeuble résidentiel exonéré, précise John Oakey.

Autre conséquence imprévue : l’économie clandestine pourrait prendre de l’ampleur si des exploitants décident de ne pas déclarer leurs activités de location à court terme.

« Il serait peut-être plus efficace de légiférer sur la capacité d’échanger de l’information liée aux activités de location à court terme avec les provinces et municipalités où elles se déroulent, afin qu’il soit plus facile d’identifier les propriétaires qui contreviennent aux lois et règlements applicables », ajoute Hugh Neilson.

« Le régime fiscal ne permettant pas d’intervenir avec la précision nécessaire, il est à mon avis un instrument mal adapté aux fins poursuivies. »

POUR ALLER PLUS LOIN

Lisez notre billet de blogue sur la fiscalité pour en savoir plus sur les locations à court terme non conformes. Voyez aussi pourquoi les nouvelles exigences de déclaration des fiducies pourraient toucher des contribuables à leur insu.

Légende : C’est pour les propriétaires dont le revenu se situe dans les tranches d’imposition supérieures qu’un immeuble locatif sans bénéfice sera le plus désavantageux.