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Fiscalité

Les simples fiducies et la leçon à retenir du fiasco des exigences de déclaration

Le recours au système fiscal pour améliorer la transparence de la propriété effective des fiducies n’était, de toute évidence, pas une bonne idée. – John Oakey.

Maintenant que la poussière est retombée et que les simples fiducies sont exemptées des exigences de déclaration pour 2023, comment le ministère des Finances atteindra-t-il ses objectifs de lutte contre les crimes internationaux sans que les mailles de son filet soient si serrées qu’il attrape des comptes bancaires conjoints et autres arrangements financiers inoffensifs? 

Les nouvelles règles de déclaration applicables aux fiducies, qui visent à rassembler des données adéquates, exactes et à jour sur la propriété effective et le contrôle des sociétés et autres arrangements juridiques comme les fiducies, ont été élaborées en réponse à des appels à la transparence à cet égard, lancés aux gouvernements par des instances internationales  

Les organisations multilatérales comme le Groupe d’action financière (GAFI) craignent de voir des criminels utiliser des véhicules comme les sociétés et les fiducies pour dissimuler des activités illégales, par exemple le blanchiment d’argent, le financement d’activités terroristes et la prolifération des armes. Selon une évaluation mutuelle du GAFI, le Canada est, dans le cas des sociétés, partiellement conforme en matière de transparence, et dans le cas des arrangements juridiques, non conforme.  

Pour améliorer la transparence des sociétés au Canada, les autorités exigent désormais que les sociétés de régime fédéral fournissent et tiennent à jour, dans un registre centralisé, des renseignements permettant d’identifier les particuliers ayant un contrôle important. Le registre centralisé est accessible à partir du site Web de Corporations Canada, hébergé par Innovation, Sciences et Développement économique Canada.  

Ce système simple n’est pas trop fastidieux pour les sociétés. Cependant, pour accroître la transparence des arrangements juridique, le gouvernement fédéral a choisi la voie la plus complexe : le système fiscal. Dans son budget de 2018, il proposait d’obliger certaines fiducies à fournir annuellement différents renseignements, dont l’identité des constituants, des fiduciaires et des bénéficiaires. Une loi adoptée en 2022 a allongé de beaucoup la liste des types de fiducies tenues de produire une telle déclaration annuelle. Les fiduciaires de « simples fiducies » sont donc censés effectuer une déclaration de revenus chaque année, sauf exception.  

Les arrangements de simples fiducies sont courants et habituellement inoffensifs. Par exemple, un parent peut ouvrir un compte en fiducie pour son enfant ou cosigner un emprunt hypothécaire. Après avoir essuyé les critiques de la population, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a annoncé, quelques jours avant la date limite de production d’avril 2024, qu’elle n’exigera pas que les simples fiducies produisent une déclaration de revenus pour 2023, tout en se réservant le droit d’en faire directement la demande. 

Ni l’ARC ni le ministère des Finances n’ont expliqué comment, à l’avenir, ils recueilleront les renseignements sur les simples fiducies. L’ARC a toutefois annoncé qu’elle collaborera avec le ministère des Finances afin de clarifier ses directives sur les exigences de déclaration. 

Pour éviter des coûts et complications supplémentaires aux contribuables et aux autorités fiscales, le gouvernement pourrait envisager la création d’un registre en dehors du système fiscal pour les arrangements de fiducies, assorti des exceptions pertinentes pour les fiducies à faible risque. Les fiduciaires (ou autres personnes détenant le contrôle) seraient tenus d’enregistrer la fiducie auprès d’un registraire et de produire une déclaration de revenus annuelle pour signifier toute modification apportée aux renseignements. Le GAFI recommande aux États de tenir un ou plusieurs registres pour consigner les renseignements sur les fiducies « sur la base du risque, du contexte et de la matérialité [NDLR : importance relative] ». 

Plusieurs ont choisi de maintenir un registre centralisé des relations fiduciaires. L’Union européenne, par exemple, exige que les États membres tiennent, pour certaines fiducies, un registre centralisé qui contient les renseignements sur la propriété effective. De son côté, le gouvernement australien a proposé la mise en œuvre graduelle d’un registre centralisé qui, à terme, contiendra les renseignements sur la propriété effective des fiducies.  

Il va sans dire que le recours au système fiscal pour accroître la transparence des fiducies s’est montré complexe et inefficace. En utilisant un registre, le gouvernement pourrait resserrer les mailles du filet de manière à obtenir seulement les renseignements dont il a besoin pour décourager le recours abusif au système financier canadien, au lieu de les élargir pour recueillir une quantité massive de renseignements pas toujours utiles sur les finances de contribuables ordinaires.