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Homme d'affaires menant une réunion dans la salle de conférence
Comptabilité
La profession

Maintenir le cap comme chef des finances quand les éléments se déchaînent

Les chefs des finances ont un rôle clé à jouer dans les mois à venir, pourvu de rester concentrés sur ce qui compte vraiment en ces temps chaotiques

Homme d'affaires menant une réunion dans la salle de conférencePour les chefs des finances, il est crucial que leur équipe et celle des autres services de l’entreprise collaborent. (Getty Images/Thomas Barwick)

Les effets de la pandémie sur les organisations n’ont pas fini de se faire sentir pour les propriétaires d’entreprises, préoccupées par leur propre survie ou la sécurité de leurs employés. Heureusement, les chefs des finances – habitués à gérer la perte d’un client ou d’un fournisseur – sont bien placés pour mesurer l’ampleur des répercussions de la COVID-19 sur les organisations.

« Un constat s’est imposé quand la crise a frappé : l’agilité accrue dont il a fallu faire preuve, et qui est devenue un modus operandi », explique Maarika Paul, FCPA, première vice-présidente et cheffe de la Direction financière et des Opérations à la Caisse de dépôt et placement du Québec (la Caisse). « Très rapidement, nous avons dû analyser les impacts possibles de la COVID-19 pour pouvoir réagir et mieux comprendre les enjeux pour les secteurs dans lesquels la Caisse a investi. »

De l’ajustement d’une stratégie à la protection des employés, voici quelques mesures apportées par les chefs des finances pour remanier leur modèle d’affaires depuis le début de la crise mondiale.

SURVEILLER LES LIQUIDITÉS, MAIS PAS SEULEMENT

De nombreux chefs des finances de grandes entreprises doivent encore composer avec certains objectifs davantage présents dans de vieux modèles d’affaires, comme la réalisation des rendements attendus par les actionnaires. Difficile dans ce contexte de garantir une croissance, même si certaines entreprises ont trouvé des façons imaginatives de se réorienter ou ont pu sauver des emplois grâce aux programmes d’aide des gouvernements.

« Ces programmes ont permis de réinjecter de l’argent dans l’économie, souvent locale, mais les entreprises doivent prévoir des scénarios où, malgré une 2e vague et alors que les aides ne seront pas toujours disponibles, elles redeviendront autonomes », explique Geneviève Provost, CPA, associée directrice pour le Québec et la région de la Capitale nationale chez Deloitte.

« C’est là que les chefs des finances joueront un rôle clé dans les semaines et mois à venir, explique-t-elle. Bien sûr, les injections de liquidités permettent de régler des problèmes à court terme, mais aucune entreprise ne veut survivre seulement un an. D’où la nécessité de remettre en question ce qu’on fait et comment on le fait, et de se préparer en se projetant plus loin, avec les informations à notre disposition. »

FAIRE DES EMPLOYÉS UNE PRIORITÉ

Deloitte a justement publié sur le sujet une étude intitulée Découvrir la partie cachée de l’iceberg – Pourquoi les conséquences humaines de la COVID-19 pourraient créer une troisième crise. Les auteurs se penchent sur le lien entre les conséquences économiques de la crise sanitaire et les effets psychologiques sur la population. De nombreuses actions sont possibles, comme ils le rapportent, mais « il n’y a pas de recette magique ou d’approche universelle pour composer avec la pandémie en milieu de travail [même si] les organisations qui parviendront à tourner la situation à leur avantage en s’engageant dans une discussion positive et transparente avec leurs employés pourront en récolter les fruits à court et à long terme ».

Pour Geneviève Provost, qui a sous sa responsabilité plus de 3 200 employés, la collaboration entre les gens des finances et les autres services (ressources humaines, service à la clientèle, approvisionnement, etc.) de l’entreprise est cruciale. 

« Les décisions financières ne peuvent plus être prises de façon isolée. Par exemple, congédier un employé qui ne participe plus au processus générateur de revenus de l’entreprise parce que son poste (imaginons à la réception) a été suspendu est loin d’être la seule option à considérer, pas plus que les licenciements massifs. On ne peut plus prendre de décisions en se fiant juste à certains ratios ou niveaux de profitabilité, qui ne fonctionnent que pour le très court terme. Il faut regarder à moyen terme et penser à la reprise. Qu’est-ce que ces personnes pourraient faire d’autre? Qu’est-ce que cela dit de nos valeurs fondamentales? »

Autrement dit, si vos employés sont votre principal actif, protégez-le. Et de poursuivre : « Quel message veut-on envoyer à l’ensemble des parties prenantes? On ne reviendra pas à la situation d’avant en ayant pris plein de mesures drastiques. »

REPENSER SES OBJECTIFS ET SES STRATÉGIES

« La création de valeur, rappelle Maarika Paul, ce n’est pas juste la mesure de résultats (comme la mesure de la performance ou du rendement), mais aussi l’intégration de changements profonds, tels les virages technologiques, l’adoption d’outils de travail ou les progrès accomplis en investissement durable. » 

Bref, du long terme. Par exemple, la Net-Zero Asset Owner Alliance, un groupe international de 29 investisseurs institutionnels qui visent la carboneutralité de leurs fonds d’ici 2050, compte la Caisse parmi ses membres. Malgré les perturbations, « la Caisse poursuivra ses efforts dans la lutte contre les changements climatiques, plus que jamais, insiste Mme Paul, notamment en transition énergétique et en investissement responsable ». [Voyez Comment les comptables professionnels agréés peuvent aider les organisations à s’adapter aux changements climatiques.]

« Difficile de prévoir 2021, vu l’année en cours, admet Geneviève Provost. On pourrait observer une plus grande pression exercée sur la fonction Finances pour des prévisions conservatrices, même si sa mission est d’informer l’organisation et les décideurs des scénarios possibles. Après tout, l’innovation et la prise de risque font partie de l’ADN des entrepreneurs. »

« Il faut rester optimiste, poursuit-elle, et faire du mieux possible dans les circonstances. C’est l’occasion de remettre un modèle d’affaires en question : qui sont nos fournisseurs? Avec qui veut-on faire affaire? Quelles lignes de produits ou de services veut-on continuer ou arrêter? »

Autant de questions visant à renforcer la résilience des entreprises. Une étude de PwC publiée en juin 2020 et menée auprès de 330 dirigeants financiers américains abonde dans le même sens : 63 % des chefs des finances envisagent de modifier leurs produits et services; 41 % veulent modifier leurs prix, entre autres stratégies de revenus.

« On fait souvent les choses automatiquement, conclut Geneviève Provost, parce qu’on les a toujours faites ainsi. Là, on peut revoir beaucoup de choses avec les normes d’aujourd’hui pour sortir de la crise encore plus fort, tout en ayant un impact positif plus grand sur la société. »

RESTEZ INFORMÉ

Perturbations environnementales, émissions de gaz à effet de serre, informations financières liées au climat – voyez quel rôle de premier plan les CPA peuvent jouer en aidant les organisations à s’adapter aux changements climatiques. 

En outre, apprenez-en plus sur le Réseau de leadership des chefs des finances : Section canadienne du projet Association pour la comptabilité durable, et voyez comment comptabiliser le capital social et humain pour éclairer les décisions d’affaires dans votre organisation.


DES FONCTIONS RENOUVELÉES POUR LES CPA

Le télétravail est là pour rester.
Une étude de PwC menée auprès de 330 dirigeants financiers américains publiée en juin 2020 le confirme : 54 % des chefs des finances envisagent de faire du travail à distance une option permanente. Cette réflexion s’inscrit dans un contexte où « les fonctions des gens des finances changent », selon Maarika Paul, FCPA, première vice-présidente et cheffe de la Direction financière et des Opérations à la Caisse de dépôt et placement du Québec (la Caisse). « Le travail d’exécution se fait moindre et ces derniers jouent un rôle de plus en plus stratégique, un rôle de conseiller d’affaires. »

Dans les mois à venir, les professionnels des finances aideront les entreprises à examiner les incidences éventuelles de la COVID-19 sur les missions d’examen, sur la présentation de l’information financière des entreprises à capital fermé et sur les missions de certification. Ces professionnels fourniront aussi des orientations sur la gestion des flux de trésorerie et sur l’optimisation du travail à distance. [Lisez Quels impacts la pandémie aura-t-elle sur le travail des comptables?]

Geneviève Provost, CPA, associée directrice pour le Québec et la région de la Capitale nationale chez Deloitte, est du même avis.

« Depuis quelques années, en marge du développement attendu des compétences techniques, on demande aux CPA et aux autres personnes en finances de s’adapter davantage, de faire preuve d’intelligence émotionnelle, d’empathie comme de courage, pour pouvoir apporter bien plus à l’organisation que les rapports financiers. Ils doivent interpeler les bons services dans l’entreprise, poser les bonnes questions pour instaurer les bonnes discussions et imaginer différents scénarios. »

Un exemple? Si une organisation a recours à des licenciements ou à des réductions de salaire généralisées à cause de la pandémie, l’équipe de direction devrait réduire considérablement sa propre rémunération pour montrer qu’elle aussi fait des sacrifices. À titre d’entreprise citoyenne, elle doit se montrer cohérente.

« On ne peut plus seulement penser à court terme, explique Geneviève Provost. Il faut imaginer l’entreprise qu’on aimerait être dans deux ou trois ans. »

Dans le contexte actuel, les CPA doivent voir au-delà des résultats financiers et tenir compte des autres défis que les organisations ont à relever, comme la performance, la rétention des employés ou les défis liés à leur santé mentale.