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« Les facteurs à considérer pour l’audit des actifs numériques gagnent en complexité »

Ryan Leopold de PwC aborde les défis que posent les actifs numériques pour l’auditeur et souligne l’importance d’un contrôle rigoureux.

Illustration financière numérique compositeVu l’évolution accélérée de la technologie, le référentiel mondial n’englobe pas encore toutes les opérations en cryptomonnaie. (Getty Images / Sean Gladwell)

L’émergence accélérée des actifs numériques ces dernières années a transformé maintes facettes des pratiques organisationnelles, notamment la présentation de l’information financière. Parallèlement, plus que jamais, il est devenu nécessaire d’établir des règlements et d’autres balises pour guider les acteurs du marché des actifs numériques.

Nous avons demandé à Ryan Leopold, CPA, leader national, Certification, Banques et marchés financiers, PwC Canada, de nous faire part de son point de vue sur les défis posés par les actifs numériques et d’aborder aussi l’évolution des normes. Ryan Leopold est membre du Groupe de discussion sur l’audit des cryptoactifs de CPA Canada.

CPA CANADA : Quelles sont les différentes formes d’actifs numériques?
Ryan Leopold (RL) : Les actifs numériques peuvent prendre de multiples formes. Le terme « cryptoactif » désigne une réserve de valeur ou un instrument d’échange numérique stocké dans la chaîne de blocs et vérifié par cryptographie. Le bitcoin, l’ether, le ripple et le litecoin en sont des exemples.

Le cours des cryptomonnaies stables, conçues pour offrir une stabilité et une réserve de valeur, est adossé à un actif moins fluctuant, comme le dollar américain (la monnaie la plus échangée).

Les jetons non fongibles (non-fungible tokens ou NFT) sont un type spécifique de cryptoactifs qui représente la propriété d’actifs numériques uniques, comme une photographie, une œuvre d’art numérique, des cartes à collectionner, des billets, des avatars, etc.

Les jetons de sécurité sont des émissions qui s’appuient sur une technologie de registre distribué et qui répondent à la définition d’un titre ou d’un instrument financier, comme les actions et les obligations.

Il y a aussi la monnaie numérique de banque centrale, ou MNBC, c’est-à-dire des jetons numériques qui correspondent à la monnaie fiduciaire d’un pays et servent en quelque sorte de créance sur sa banque centrale. La Banque du Canada, qui envisage de mettre en place une MNBC, a récemment mené un sondage auprès des Canadiens à ce sujet.

CPA CANADA : Quel est le mandat du groupe de discussion où vous siégez?
RL : Je suis membre du Groupe de discussion sur l’audit des cryptoactifs de CPA Canada depuis sa création. L’objectif du groupe est de faire avancer les discussions sur les problèmes d’audit découlant des nouvelles technologies, surtout associées à la chaîne de blocs et les aux cryptoactifs. Nous avons d’excellents représentants provenant d’autres cabinets d’audit, du Conseil canadien sur la reddition de comptes (CCRC), responsables de l’inspection à l’échelle provinciale, universitaires, du Conseil des normes d’audit et de certification (CNAC) et de CPA Canada. Les cryptoactifs et la chaîne de blocs touchent de multiples aspects des affaires et de la comptabilité, de l’audit et de la certification. Il est donc utile de pouvoir s’appuyer sur diverses expériences et perspectives. Nous examinons les problèmes les plus répandus et les plus complexes dans le secteur de l’audit.

Les échanges portent sur des questions telles que les tests des contrôles et le recours à des tiers fournisseurs de services. Nous abordons aussi la pertinence et la fiabilité des informations provenant d’une chaîne de blocs publique. Nous nous penchons en outre sur les éléments à prendre en considération lors de l’audit de sociétés qui ont dégagé des recettes tirées du cryptominage.

Comme les actifs numériques peuvent être achetés et vendus dans la plupart des pays, là où la réglementation le permet, il est important d’adopter des visions communes qui reflètent la nature des actifs et les besoins des marchés financiers. Nous collaborons avec le groupe de travail de l’American Institute of Certified Public Accountants (l’AICPA) afin d’échanger des idées et de formuler des commentaires en continu.

CPA CANADA : Quel est le principal défi à relever pour les émetteurs et les auditeurs d’actifs numériques?
RL : Les enjeux sont ici nombreux.

Les facteurs à considérer pour l’audit gagnent en complexité. Par exemple, les procédures d’audit particulières qui se rapportent aux cryptoactifs varieront selon la nature des actifs, la méthode de placement, les dispositions en matière de garde (par le propriétaire ou par un tiers), le type d’opération et les exigences réglementaires.

Parmi les difficultés courantes qui se posent lors de l’audit des cryptoactifs, il y a la compréhension et l’évaluation des contrôles d’accès aux clés numériques, et les rapprochements avec la chaîne de blocs pour vérifier l’existence des actifs. Il faut aussi penser aux considérations liées aux fournisseurs de services, notamment les compétences ainsi que la disponibilité, la portée et les formes d’information.

Comme la technologie évolue à vive allure, les normes réglementaires ne tiennent pas encore compte de tous les types de cryptoactifs. L’environnement réglementaire reste incertain, et la rapidité des changements touche tous les intervenants.

Par exemple, en ce qui concerne les normes comptables, beaucoup s’interrogent aujourd’hui sur la manière d’évaluer les avoirs. Selon les IFRS, les cryptoactifs sont généralement considérés comme une immobilisation incorporelle et sont comptabilisés au coût. Bien que cela réponde aux exigences techniques des normes, l’information financière produite peut parfois être mal comprise par ses utilisateurs, qui cherchent à connaître la juste valeur des actifs.

Ryan Leopold, CPARyan Leopold, CPA (Image fournie)

CPA CANADA : Qu’en est-il des normes?
RL : Les normalisateurs commencent à prendre des mesures pour s’adapter à cette réalité. Par exemple, le Financial Accounting Standards Board (FASB), l’organe de normalisation aux États-Unis, explore les possibilités de la comptabilisation à la juste valeur des cryptoactifs. Selon les IFRS, les émetteurs peuvent évaluer les immobilisations incorporelles au coût et déterminer si elles ont subi une dépréciation, qui est comptabilisée en résultat net. Toutefois, si l’émetteur décide de réévaluer l’actif, toute augmentation de la juste valeur doit se faire par le biais des autres éléments du résultat global et non en résultat net.

Chaque pays a son propre cadre réglementaire des valeurs mobilières et des marchés financiers. Bien que les normes évoluent, il est évident que les autorités de réglementation s’attendent à ce que tous les intervenants de l’écosystème des cryptoactifs s’engagent fermement à mettre en place un environnement de contrôle rigoureux. Il englobera tous les aspects, des contrôles financiers jusqu’à la conformité à la réglementation.

CPA CANADA : Où se diriger pour creuser la question des cryptoactifs?
RL : Il existe un large éventail de ressources sur le site de CPA Canada. Les CPA peuvent aussi avoir accès à des publications produites par divers groupes de travail.

Le CCRC a publié des indications sur l’audit des cryptoactifs qui pourraient leur être utiles.

Le Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB) a également fait paraître des publications sur ses normes et règles à l’intention des auditeurs.

CPA CANADA : Les cryptoactifs résisteront-ils aux récents bouleversements?
RL : Malgré ce qu’on voit dans les manchettes, la technologie de la chaîne de blocs présente encore un énorme potentiel. Il est important de garder à l’esprit que les actifs reposant sur la chaîne de blocs vont bien au-delà du bitcoin et de l’ether. Rappelons que la Banque du Canada étudie la possibilité d’émettre un dollar canadien numérique.

Toutefois, il est évident qu’il faudra adopter des sauvegardes, des contrôles et un cadre réglementaire clair – autant d’aspects qui font l’objet de discussions dans les groupes de travail.

Le rôle des CPA dans ce domaine demeure important, car notre profession occupe une position unique pour offrir aux organisations la confiance dont elles ont plus que jamais besoin.

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