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Comptabilité
La profession

« Il est essentiel d’avoir une terminologie comptable commune, entre francophones. »

Louis Ménard œuvre depuis des dizaines d’années à l’harmonisation de la terminologie comptable et financière.

Image de profil de Louis MénardLouis Ménard, FCPA, a récemment été intronisé au Temple de la Renommée comptable en reconnaissance de sa contribution considérable à l’avancement de la terminologie comptable.

Louis Ménard, FCPA, a fait carrière comme professeur au Département des sciences comptables de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

Pendant près de 30 ans, il a mis à profit son savoir-faire en recherche terminologique pour préparer, comme auteur principal, trois éditions du Dictionnaire de la comptabilité et de la gestion financière. Un ouvrage de référence incontournable, que langagiers et comptables appellent tout simplement « le Ménard ».

Récemment, Louis Ménard a été intronisé au Temple de la Renommée comptable, en reconnaissance de sa grande contribution à la profession. Nous nous sommes entretenu avec lui de sa passion pour la comptabilité et de l’importance d’un langage technique commun.

CPA Canada : Un CPA auteur de dictionnaire, ce n’est pas fréquent. Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette voie?
Louis Ménard (LM) : Mon intérêt pour le mot juste ne date pas d’hier, surtout que la langue technique – qui peut être justifiée entre spécialistes – m’a toujours agacé quand on l’utilise avec monsieur et madame Tout-le-Monde.

Avant ma carrière en enseignement à l’UQAM, j’ai travaillé quatre ans à la Commission des valeurs mobilières du Québec (l’actuelle Autorité des marchés financiers). Dès mes débuts, j’ai eu à cœur d’œuvrer à l’amélioration de la qualité de la langue dans les rapports financiers. Je m’en suis fait une mission, pour ainsi dire, car il est essentiel pour les marchés que l’information circule bien. J’ai toujours été d’avis que les organisations doivent communiquer avec clarté, en misant sur la qualité et l’uniformité.

CPA Canada : D’où le Dictionnaire de la comptabilité et de la gestion financière.
LM : Entre autres. Et sans vouloir me vanter [rires], il n’existe pas d’ouvrage aussi complet dans le domaine!

Publié par une des organisations d’origine de CPA Canada (l’Institut Canadien des Comptables Agréés ou ICCA) – en collaboration avec l’Institut des réviseurs d’entreprises (Belgique), l’Ordre des experts-comptables (France) et la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (France) –, ce dictionnaire est le fruit d’une collaboration internationale pilotée depuis le Canada pendant près de 30 ans.

En tout, je me suis occupé de trois éditions (1994, 2004 et 2011) et de trois mises à jour (2006, 2014 et 2020). La dernière édition, en ligne, comporte près de 9 000 entrées répertoriant 21 400 termes français et 16 600 termes anglais.

CPA Canada : Le Canada compte moins de francophones que la France, par exemple. Cela a-t-il été un obstacle?
LM : J’ai été surpris au départ que les Français, qui sont plus de 65 millions, acceptent que le Dictionnaire soit élaboré ici, mais ils ont fait preuve d’humilité et de respect, et ont salué notre grande compétence, ce dont je leur sais gré encore aujourd’hui.

Canadiens, Français et Belges, nous étions tous d’accord sur le fait qu’une harmonisation s’imposait. Il ne s’agissait pas seulement de parler la même langue, mais d’adopter un langage commun dans les rapports annuels, par exemple, comme en normalisation.

CPA Canada : Qu’est-ce qui a changé d’une édition à l’autre?
LM : Il y a eu des vagues. À un moment, ça a été la mondialisation, puis l’informatique, les statistiques, les cryptomonnaies, etc.

La dernière édition intègre aussi la nouvelle terminologie dans les Normes internationales d’information financière (IFRS) de l’International Accounting Standards Board (IASB), dans les Normes comptables pour les entreprises à capital fermé (NCECF) et d’autres normes canadiennes, ainsi que dans les Normes canadiennes d’audit (NCA) et de contrôle qualité (NCCQ) et les normes internationales équivalentes de l’International Auditing and Assurance Standards Board (IAASB).

Et puis, les usages ont changé. On a intégré les usages courants, mais aussi ceux qui sont critiqués, voire fautifs, ce qu’on ne faisait pas dans les premières éditions. Mes collaborateurs et moi voulions que le dictionnaire soit utile, qu’une personne qui cherche trouve une réponse.

Prenez simplement le mot dépense (expense ou expenditure en anglais), par exemple. Tout le monde sait qu’une dépense est une sortie d’argent. Et pourtant, en comptabilité, on a longtemps inclus derrière ce mot des coûts qui ne sont pas des sorties d’argent, comme un amortissement ou une mauvaise créance. On a donc remplacé ce mot par charge.

CPA Canada : Vos méthodes de recherche ont dû beaucoup évoluer, elles aussi.
LM : Au début, nous procédions à un dépouillage exhaustif : ouvrages universitaires et terminologiques, dictionnaires anglais-français et américains, textes de loi, de normes, livres consacrés au commerce, revues spécialisées ou professionnelles, bases de données, etc.

Et puis Internet est arrivé, ce qui a facilité la recherche puisqu’on peut y chercher n’importe quelle expression et aussitôt voir le nombre d’occurrences. On décide alors quel est le meilleur usage à retenir pour l’ouvrage, en gardant à l’esprit qu’il est inutile de chercher à inventer des mots quand il en existe plusieurs qui sont corrects.

CPA Canada : Vous avez contribué à un autre dictionnaire réputé. Pouvez-vous nous en parler un peu?
LM : Il s’agit du Dictionnaire des dérivés et autres instruments financiers (2009), dont j’ai assumé la codirection et la rédaction. Cet ouvrage, dont l’idée émanait de l’Autorité des marchés financiers, a été publié par l’Ordre des CPA du Québec – on peut le consulter gratuitement sur son site Web. S’il ne comprend que 700 fiches, il traite d’un domaine pointu, riche d’une nouvelle terminologie pour laquelle il fallait trouver les bonnes expressions.

CPA Canada : Votre nomination au Temple de la renommée comptable vient couronner une longue carrière universitaire. On peut supposer que vous en êtes ravi...
LM : Je me sens choyé, mais j’ai toujours travaillé en équipe. Ainsi, mes collègues et moi avons œuvré dès les années 1980 et 1990 à ce que les étudiants et étudiantes aient accès à davantage de ressources en français pour les cours de comptabilité avancée, ce qui était loin d’être évident. Nombre d’entre eux devaient lire des ouvrages américains ou des adaptations faites au Canada anglais, même si peu maîtrisaient cette langue. Pour moi, il était important qu’ils et elles aient accès à des ressources équivalentes à celles de leurs collègues anglophones, notamment pour pouvoir se préparer en vue de l’Examen final commun (EFC).

Au vu du succès continu du Dictionnaire, on peut assurément affirmer qu’il existe toujours un réel besoin pour une terminologie uniforme et de qualité dans les domaines comptables et financiers.

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