Publication des deux premières normes IFRS d’information sur la durabilité
Les normes ont été élaborées pour les marchés financiers, mais toute organisation peut les adopter. (Getty Images / Luis Alvarez)
Le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (International Sustainability Standards Board – ISSB) a dévoilé ses deux premières normes, qui forment un référentiel mondial pour le milieu des affaires sur la communication d’informations significatives concernant la durabilité et l’exposition aux possibilités et risques liés aux changements climatiques.
Le 26 juin, l’ISSB et ses partenaires, dont CPA Canada, ont célébré la publication de deux normes IFRS® d’information sur la durabilité : IFRS S1 Obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité et IFRS S2 Informations à fournir en lien avec les changements climatiques.
La présidente et chef de la direction de CPA Canada, Pamela Steer, se dit impressionnée par le travail de l’ISSB, qui a présenté la version définitive de ses premières normes moins de deux ans après sa création.
« Depuis le début, la profession comptable canadienne participe activement à l’élaboration de ces normes. Elle a notamment appuyé la candidature du Canada pour que le centre de l’ISSB soit établi à Montréal », précise-t-elle.
« Grâce à ces normes, les marchés financiers disposeront enfin d’informations comparables et uniformes. »
Voici cinq éléments que les CPA du Canada doivent savoir sur les nouvelles normes.
1. Priorité aux besoins d’information des investisseurs et aux changements climatiques
Les normes de l’ISSB sont conçues pour répondre aux besoins des investisseurs. Les informations qui en découlent font partie de l’information financière à usage général de l’entité. IFRS S1 énonce les obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité. Selon IFRS S2, l’entité doit fournir des informations sur les possibilités et risques liés aux changements climatiques ainsi que sur leur incidence sur sa situation financière, sa performance financière, ses flux de trésorerie, sa stratégie et son modèle économique.
Conçues pour être appliquées ensemble, les deux normes comprennent des dispositions sur les informations à fournir à propos de quatre piliers – gouvernance, stratégie, gestion des risques, et indicateurs et cibles –, à la lumière des recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC).
L’ISSB a décidé de prioriser les informations liées aux changements climatiques : ainsi, pour le premier exercice d’application de la norme, l’entité n’est pas tenue de fournir des informations sur les possibilités et risques liés à la durabilité, au-delà des changements climatiques.
« Les normes ont été élaborées pour les marchés financiers, mais toute organisation peut les appliquer à l’heure actuelle », explique Rosemary McGuire, CPA, vice-présidente, Recherche, orientation et soutien, à CPA Canada.
2. Application à compter de janvier 2024, pas (encore) obligatoire
Les normes de l’ISSB, en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024, fournissent une base de référence mondiale en matière d’informations à fournir en lien avec la durabilité; leur application peut être obligatoire ou peut se faire en combinaison avec les exigences propres à un pays.
« Bien que les normes soient prêtes à être appliquées, elles ne sont pas d’application obligatoire au Canada pour le moment », précise Rosemary McGuire. « Il faut donc réfléchir au processus à suivre pour qu’elles soient intégrées à la législation. »
Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) déterminent les obligations d’information applicables aux sociétés ouvertes du pays, et c’est d’elles que relèvent les décisions relatives à l’adoption obligatoire des normes d’information sur la durabilité, poursuit Rosemary McGuire. « De fait, les ACVM se sont démarquées en tant que premier organisme à publier des propositions concernant les informations liées aux changements climatiques, en 2021. Elles ont depuis précisé qu’elles tiendront compte des activités de l’ISSB et de celles menées aux États-Unis avant d’adopter une règle définitive. »
Participera également au processus le nouveau Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (CCNID), qui examinera les normes définitives de l’ISSB afin de déterminer s’il convient de les adopter ici, ajoute-t-elle. « De nombreux facteurs entrent en jeu au Canada, mais il est certain que les normes de l’ISSB auront une grande influence. »
3. Autres obligations d’information en matière de durabilité
Si l’application des normes de l’ISSB est facultative à l’heure actuelle, des organisations sont déjà assujetties à des lois, règlements et exigences aux termes desquels elles doivent fournir divers types d’informations sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG).
Par exemple, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) obligera les institutions financières sous réglementation fédérale à fournir des informations en lien avec les changements climatiques, et de grands émetteurs canadiens sont assujettis à des obligations d’information réglementaires, rappelle Rosemary McGuire. « D’autres grandes sociétés présentent déjà des informations sur ces questions de façon volontaire. Il leur reste maintenant à adapter leurs communications aux nouvelles normes. »
Il faut également tenir compte des répercussions qu’auront à l’échelle internationale la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises de l’Union européenne (UE) et le projet de règlement sur les informations à fournir en lien avec les changements climatiques de la Securities and Exchange Commission (SEC). On estime à environ 1 300 le nombre de sociétés canadiennes qui seront assujetties aux règles européennes.
La bonne nouvelle, c’est que l’ISSB travaille activement avec des pays en vue de maximiser la compatibilité des normes, souligne Rosemary McGuire. « La voie vers la convergence autour des normes d’information sur la durabilité qui serviront de base de référence exhaustive n’est pas encore tout à fait tracée, mais nous demeurons optimistes. Entre-temps, les sociétés doivent se préparer à une réalité inévitable : l’obligation de se conformer à différentes exigences, du moins à court terme. »
4. Pas d’exonération pour les petites sociétés
Des préoccupations ont été soulevées quant au fardeau que pourraient imposer les normes de l’ISSB aux petites sociétés, qui ont des ressources limitées. La question est particulièrement importante au Canada, où une grande partie des émetteurs sont de petite taille.
L’ISSB a pris des mesures pour soutenir de telles organisations, explique Rosemary McGuire. « Nous nous réjouissons de voir que l’ISSB a adopté des dispositions qui favorisent l’adaptabilité et qui soutiennent les préparateurs dans la première application des normes. Le Conseil a notamment prévu des allègements temporaires au chapitre du calendrier pour la communication des informations, des informations comparatives et des informations à fournir sur les émissions de GES du champ d’application 3. »
En outre, les petites sociétés qui font partie de la chaîne de valeur subiront des contrecoups de l’application des nouvelles normes, puisqu’elles auront à fournir une bonne partie des informations qu’exigent ces normes. « Les sociétés ouvertes ne sont pas les seules touchées par les règles, ajoute-t-elle. Une pression accrue s’exercera sur les sociétés fermées, qui devront fournir plus d’informations liées aux changements climatiques. »
Rosemary McGuire recommande aux entreprises d’agir en amont et de prendre le temps de comprendre les exigences et d’instaurer des systèmes et des processus permettant le suivi des données d’entrée. « Même si les sociétés fermées ne sont pas visées directement par les règles, les obligations d’information sur les émissions de GES du champ d’application 3 proposées auront une incidence sur les clients et les fournisseurs de sociétés ouvertes. »
5. Importance d’une préparation immédiate
Les normes les plus complètes ne procureront pas aux utilisateurs les avantages escomptés si elles ne sont pas mises en œuvre correctement ou de manière uniforme, constate Rosemary McGuire. « Il ne faut pas sous-estimer l’ampleur ni la complexité du travail à venir; lancez vous dès maintenant. »
Les CPA sont en bonne position pour constituer des équipes interfonctionnelles, mettre en place les contrôles et processus de collecte des données et de présentation des informations, évaluer le caractère raisonnable des hypothèses utilisées dans l’application des normes, gérer les incidences comptables et remédier aux difficultés de mise en œuvre, fait-elle valoir. « Capables d’établir des liens entre la performance financière et celle en matière de durabilité, les CPA peuvent assurer la pertinence des informations relatives à la durabilité fournies par l’entité ainsi que leur cohérence par rapport à l’ensemble de ce qui est communiqué. »
De plus, les CPA jouent un rôle important dans l’expression d’une assurance objective et indépendante (domaine où la demande devrait croître) qui vient rehausser la crédibilité et la fiabilité des informations fournies en lien avec les changements climatiques et d’autres aspects de la durabilité. Le Conseil des normes internationales d’audit et d’assurance (International Auditing and Assurance Standards Board – IAASB) travaille actuellement sur un projet visant l’élaboration d’une norme d’application générale sur la certification de l’information relative à la durabilité.
Les organisations doivent rester bien au fait de ces nouveautés et commencer à se préparer aux prochaines étapes. Ainsi, elles doivent notamment évaluer les incidences potentielles des normes, évaluer leur propre état de préparation et commencer à dresser un plan de mise en œuvre détaillé.
CPA Canada s’engage à s’assurer à ce qu’on retrouve chez les CPA et dans l’ensemble du milieu des affaires, les connaissances et compétences nécessaires pour mieux gérer les questions de durabilité, en assurer la reddition de comptes, et présenter des informations de qualité à cet égard, déclare Rosemary McGuire. « Afin que les CPA d’aujourd’hui et de demain puissent relever les défis à venir, la durabilité constitue une priorité clé dans la nouvelle Grille de compétences de la profession. L’intégration de la durabilité au programme d’agrément CPA et aux ressources de perfectionnement professionnel est en cours. »
D’AUTRES PROJETS D’ENVERGURE
Les travaux ne se limiteront pas à ces deux premières normes, tranche Rosemary McGuire. « L’ISSB tient actuellement des consultations sur son programme de travail et étudie la possibilité de réaliser des projets de recherche sur la biodiversité, le capital humain, les droits de la personne ainsi qu’un projet de recherche mené conjointement avec le Conseil des normes comptables internationales (International Accounting Standards Board – IASB) sur la cohérence des informations présentées.
« Nous sommes fiers de notre collaboration avec l’ISSB, dont notre rôle de partenaire de renforcement des capacités. Nous soutenons ainsi la mise en œuvre de normes internationales de grande qualité et encourageons leur adoption au Canada et à l’échelle internationale. Il est important de faire connaître notre point de vue et de contribuer à l’orientation future de l’ISSB. »
LA DURABILITÉ, UN DOMAINE À SURVEILLER
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