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Un portrait du juriste Ben Alarie
Données et technologies

Quelle rôle jouera l’IA dans la comptabilité et le droit fiscal de demain?

Bien qu’il soit encore difficile de savoir quels progrès seront accomplis en intelligence artificielle, Benjamin Alarie, expert en droit fiscal et entrepreneur en IA, partage ses réflexions sur ce qui pourrait se produire.

Aux professionnels de la fiscalité qui craignent de voir un jour leur rôle remplacé par l’IA, Benjamin Alarie, professeur en droit fiscal à l’Université de Toronto et chef de la direction de Blue J, fabricant d’un logiciel de fiscalité basé sur l’IA, répond : Cessez de vous inquiéter. 

Si l’IA soulève certaines inquiétudes chez les employés de bureau, cet expert explique que les logiciels de fiscalité actuels ne visent pas à remplacer les comptables et les avocats. 

Ces outils sont conçus pour accroître la productivité et la performance, ajoute-t-il, tout comme le font déjà, par exemple, les feuilles de calcul. « Une déclaration de revenus, ça ne se fait pas tout seul. Il faut une intervention humaine. » 

C’est ce que fait valoir Blue J, qui lance son produit phare, Ask Blue J, un agent conversationnel capable de répondre à des questions des plus épineuses en matière de droit fiscal.  

Les versions canadienne et américaine du logiciel, lancées au début de 2023, sont déjà utilisées par plus d’une centaine de cabinets spécialisés en fiscalité. Une version britannique, produite en collaboration avec KPMG UK, devrait voir le jour cet automne. 

Ask Blue J est une application d’IA générative. Ce type d’application utilise des algorithmes complexes pour créer des contenus similaires à ceux que produirait un être humain. 

L’IA générative commence à s’imposer dans le monde de la comptabilité. En effet, selon une étude de Thomson Reuters, 15 % des cabinets spécialisés en fiscalité utilisent cette technologie ou planifient le faire.  

Mais ses avantages pourraient aller bien au-delà. 

Une analyse de CPA Canada révèle que l’IA pourrait accroître la productivité, libérer les comptables des tâches routinières et permettre une comptabilité continue, simplifiant les fins d’exercice. 

Benjamin Alarie voit en l’IA un potentiel énorme. Sa capacité de passer au crible d’énormes quantités de données et de produire des réponses bien raisonnées pourrait permettre d’accroître la complexité des lois fiscales, condition sine qua non à la mise en place de systèmes fiscaux plus équitables et plus efficients.  

C’est en quelque sorte l’iPhonification du régime fiscal, ajoute-t-il en pointant son téléphone. L’appareil utilise des milliards de lignes de code, tout en demeurant parfaitement convivial. Je pense que c’est vers là où nous nous dirigeons, côté fiscalité. » 

Les agents conversationnels en fiscalité destinés au public ne sont pas encore à toute épreuve. L’année dernière, TurboImpôt et HR Block ont lancé des assistants virtuels fondés sur l’IA qui ont été sujets à des hallucinations, a écrit le Washington Post. Les résultats de l’application IA de TurboImpôt se sont révélés particulièrement médiocres selon le quotidien, avec un taux d’inexactitude de 50 %. 

L’application Ask Blue J est davantage adaptée aux fiscalistes. Elle utilise GTP-4 d’Open AI, un des modèles d’IA les plus utilisés actuellement. Mais surtout, Ask Blue J tire ses réponses d’une base de données de jurisprudences et de réglementations fiscales constituée avec soin, et non d’Internet, qui est truffé d’informations erronées. Ainsi, selon une évaluation interne, le logiciel fournit des résultats exacts et à jour dans près de 90 % des cas. 

Mais les possibilités de l’IA ne s’arrêtent pas là. En 2021, Benjamin Alarie a eu l’idée d’extraire des données sur des procès en cours et de les intégrer à Blue J. Se basant sur une jurisprudence bien établie, l’application a formulé des prédictions quant aux verdicts qui seraient posés, que le chef d’entreprise a ensuite publiées sur le site Web Tax Notes.  

Cette épreuve de vérité s’est révélée un immense succès, avec un taux d’exactitude d’environ 90 %. 

Les retentissements de cette réussite sont énormes. L’IA pourrait alléger le fardeau du système judiciaire en encourageant les contribuables ou le gouvernement à renoncer aux poursuites non fondées. Elle pourrait également aider les fiscalistes à conseiller leurs clients sur des sujets délicats, par exemple à savoir si une personne doit être désignée comme un employé ou un travailleur autonome. 

« Les impôts sont d’une importance capitale pour l’économie et l’État moderne, précise Benjamin Alarie. Il est donc crucial d’avoir en place un régime fiscal fonctionnel, qui est bien géré et dont les règles sont respectées par les contribuables. » 

L’IA pourrait peut-être un jour prédire l’évolution de la réglementation fiscale canadienne, en observant les courants politiques et en s’inspirant de ce qui se fait ailleurs. » 

Le professeur prévoit même que, d’ici cinq à dix ans, chacun pourrait disposer de son propre assistant virtuel d’IA, capable de le conseiller sur des sujets variés, dont le droit et la fiscalité. 

Mais l’IA se développant à un rythme effréné, même lui s’attend à être surpris. 

« Qui sait ce que nous réserve l’IA. »

Pour en savoir davantage sur l’intelligence artificielle au service de la comptabilité, lisez ces publications de CPA Canada.