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Une image du globe superposée sur une terre desséchée
Données et technologies

Quelle empreinte écologique pour l’IA?

Compte tenu du rôle de l’IA dans les changements climatiques, son impact environnemental complexe ne se limite pas aux questions d’utilisation éthique.

Nous vivons désormais de plein fouet les effets très réels et dévastateurs des changements climatiques : phénomènes météorologiques extrêmes, piètre qualité de l’air, pénuries alimentaires, danger d’extinction d’un nombre croissant d’animaux… Il est facile de jeter le blâme à droite et à gauche en ciblant les véhicules polluants, les services de livraison en 24 h et les tendances de la mode éphémère, mais bien d’autres questions entrent en jeu. 

En janvier, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié ses prévisions de consommation d’énergie mondiale pour les deux prochaines années. Pour la toute première fois, elle s’est penchée dans son étude sur la quantité d’électricité requise pour le fonctionnement et le maintien de l’intelligence artificielle (IA), des cryptomonnaies et des centres de données. Il est facile de faire abstraction des processus sous-jacents anodins liés à ces secteurs, qui sont après tout conçus pour nous faciliter la vie. Or, leur empreinte carbone numérique est substantielle.  


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L’AIE prévoit que la consommation d’électricité doublera dans ces secteurs d’activité d’ici 2026, pour atteindre environ 1 000 térawatts, soit grosso modo la quantité d’énergie utilisée par tout le Japon. Étonnant? Certainement. Catastrophique? La réponse n’est pas aussi claire qu’elle paraît.  

« L’IA et le climat présentent de nombreuses interactions, positives et négatives », souligne David Rolnick, professeur adjoint à l’Université McGill, titulaire de la chaire en IA Canada-CIFAR ainsi que cofondateur et président de l’organisme sans but lucratif international Climate Change AI. Et, précise-t-il, on doit faire preuve de nuance dans cette conversation – il ne s’agit pas seulement de déterminer si ChatGPT est bon ou mauvais pour l’environnement.  

David Rolnick étudie entre autres l’utilisation de l’IA dans une optique de renforcement de l’action climatique, pour optimiser les réseaux électriques, cartographier les zones agricoles et surveiller la biodiversité. Bien d’autres intervenants des secteurs public et privé font appel à l’IA à grande échelle pour tendre vers ce même objectif. Néanmoins, le secteur pétrogazier utilise aussi l’IA pour accroître sa production, à tel point qu’il s’attend à des profits additionnels de l’ordre de 425 G$ d’ici 2025. Prenons maintenant un pas de recul. 

ChatGPT est la coqueluche du moment, mais l’IA compte de nombreuses autres utilisations au quotidien, par exemple, déverrouiller son téléphone avec la reconnaissance faciale, demander à Alexa quel temps il fait ou naviguer sur les médias sociaux.  

Quel est donc le lien avec les changements climatiques? La grande quantité d’énergie nécessaire pour exploiter cette technologie. Nos téléphones intelligents et ordinateurs portables intègrent, pour la plupart, une IA assez puissante pour corriger automatiquement les fautes d’orthographe ou nous rappeler de joindre un fichier à un courriel. En revanche, l’IA utilisée pour écrire un courriel ou un code nécessite des processeurs bien plus puissants, hébergés dans des centres de données.  

Leur fonctionnement demande une énorme quantité d’électricité et leur refroidissement, d’eau. À cela s’ajoute le temps d’« entraînement » considérable dont les modèles d’IA ont besoin pour apprendre à « penser ». En outre, faire un parallèle entre les nombreux types d’IA, chacun ayant ses besoins énergétiques propres, peut s’apparenter à comparer des pommes et des poires.  

En avril, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a annoncé l’inclusion au budget de mesures totalisant 2,4 G$ pour l’IA, notamment pour la recherche, le démarrage d’entreprises, les infrastructures et la création d’emplois. Cependant, aucune précision n’a été fournie sur les répercussions environnementales de ces investissements ni sur les mesures prises pour favoriser la mise en œuvre durable des projets.   

« Maintenant qu’il est plus facile de mesurer les émissions de gaz à effet de serre causés par l’IA, j’aimerais avoir une indication des cas où il vaut mieux entraîner de nouveaux modèles plutôt que d’ajuster les modèles actuels, souligne Taryn Abate, directrice, Recherche et leadership intellectuel à CPA Canada. Il est aussi important de recenser les objectifs d’utilisation de l’IA dont les désavantages l’emportent sur les avantages. »  

L’IA générative a sa place, mais nous devons déterminer les cas précis où il convient de l’exploiter. ChatGPT est tout nouveau, il est donc commercialisé comme une solution magique, qu’il soit l’outil le plus approprié ou non. David Rolnick estime que pour la recherche, Google demeure le meilleur moteur et le plus écoénergétique. 

« L’IA rapporte gros, et l’argumentaire de vente tapageur vole la vedette pour l’instant. On doit voir au-delà des techniques de vente, parce que la meilleure façon d’atteindre nos objectifs est souvent d’adopter la solution la plus efficace sur le plan informatique. »