L’intelligence artificielle transforme les pratiques comptables
Debra Feltham, FCPA, tient à ce que Feltham & Associates, son cabinet comptable, reste à la fine pointe des nouveautés technologiques. Depuis qu’elle l’a fondé à Mount Pearl en 2005, elle a adopté entre autres des solutions infonuagiques et diverses technologies d’amélioration de l’efficacité.
Aujourd’hui, son ouverture d’esprit la mène à adopter les différentes technologies d’intelligence artificielle (IA) qui s’implantent dans tous les secteurs, y compris la comptabilité. Grâce à des logiciels de production de rapports et d’analyse comme Fathom, Qvinci et Syft ou à des programmes comme Dext (qui utilise l’IA pour la reconnaissance des reçus), les cabinets de toutes tailles – et même les professionnels exerçant seuls – peuvent gagner du temps et optimiser leur travail.
« La technologie fait partie Intégrante de mon travail, révèle la comptable. Pour moi, c’est un outil supplémentaire. » L’équipe de seulement six employés de Feltham & Associates en fait bon usage.
Une question demeure, cependant : comment la révolution de l’IA transformera-t-elle les différents secteurs et les professions qui y sont rattachées? Les CPA, s’ils ont déjà recours à d’autres technologies pour travailler plus efficacement, restent hésitants à adopter l’IA.
En 2023, un sondage de Rightworks, une société de logiciels comptables infonuagiques, a révélé que sur presque 500 décideurs et influenceurs du domaine comptable, près des trois quarts n’utilisent pas l’IA au travail.
Mais des changements s’annoncent, initiés par d’autres acteurs du monde des affaires. En effet, quelque 75 % des entreprises interrogées par KPMG cette année disent avoir mis en œuvre un projet pilote d’IA ou utiliser cette technologie pour la présentation d’informations financières. Cette proportion devrait atteindre 99 % d’ici les trois prochaines années.
Les experts-comptables utilisent déjà l’IA de plusieurs manières. L’IA générative, par exemple ChatGPT, peut les aider à rédiger des textes publicitaires ou diverses communications; l’IA multimodale permet d’analyser le texte, les chiffres et les graphiques des rapports annuels; et l’IA intégrée agit comme copilote pour une navigation assistée sur les plateformes logicielles. Il existe des programmes d’IA qui facilitent les audits, la création de rapports financiers et l’identification rapide des questions importantes à aborder avec les clients.
Pour aider les CPA à comprendre ces technologies émergentes, CPA Canada a collaboré avec l’Association of International Certified Professional Accountants afin de créer des ressources éducatives sur l’IA. Les deux organisations ont notamment produit un webinaire sur les cas d’utilisation, la gouvernance et la mise en œuvre qui a attiré un nombre record de participants.
Melissa Robertson, CPA et directrice de projets, Recherche et leadership intellectuel (Technologies), à CPA Canada, y a conseillé de faire un pas à la fois : « Menez un examen interne et prenez le temps de cibler les problèmes concrets que l’IA est en mesure de résoudre. » Elle a ajouté qu’intégrer l’IA trop rapidement pour des problèmes trop importants ou trop nombreux est le meilleur moyen d’échouer. Les cabinets ont accès à un bassin de professionnels et de connaissances dont ils doivent tirer parti dans l’exploration de nouvelles technologies.
CPA Canada a aussi publié un article sur l’IA cette année, et deux autres sont prévus dans les mois à venir.
Le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public n’a pas encore lancé de projet axé sur l’IA, mais son président Clyde MacLellan, FCPA, reconnaît l’importance de cette technologie. « Dans le secteur public, le pouvoir de l’IA réside sans doute dans l’accélération des processus, qui permettra aux préparateurs d’états financiers/ou d’information financière de mieux répondre aux besoins des parties intéressées et concernées. »
Par exemple, Debra Feltham utilise Syft pour créer et analyser rapidement des rapports sur les indicateurs clés de performance. Elle se sert ensuite des informations obtenues pour tenir des discussions stratégiques.
Syft (à partir de 15 $ US par mois) et d’autres logiciels d’IA sont assez abordables pour que même les professionnels exerçant seuls et les petits cabinets comptable puissent dégager un rendement sur le capital investi. « Grâce à ce logiciel, nous pouvons en faire plus pour le client et offrir une meilleure valeur », se félicite la FCPA.
Selon Melissa Robertson, les cabinets doivent commencer par comprendre comment fonctionne l’IA et comment ils s’en serviront, avant de pouvoir se doter de politiques adaptées en parallèle avec la mise en œuvre de la technologie. Elle insiste aussi sur l’importance de ne pas saisir d’informations exclusives ou sensibles dans de tels logiciels, car ceux-ci risquent de les diffuser.
Debra Feltham, elle, souligne que l’IA ne devrait pas remplacer les examens manuels et que les CPA doivent utiliser avec circonspection les nouvelles technologies.
« Les comptables doivent faire preuve d’un jugement professionnel. » Ils doivent apprendre à utiliser l’IA de façon responsable, mais surtout « ne pas craindre d’exploiter tout le potentiel de la technologie ».