Fintech : l’innovation est au rendez-vous dans de nombreuses provinces
Les services de paiement (paytech), une branche de la fintech, ont connu une croissance considérable ces dernières années. (Getty Images/Thomas Barwick)
Depuis plusieurs années, la technologie financière, ou fintech, a le vent dans les voiles au Canada et ailleurs dans le monde. Nous dressons le bilan de la situation avec Rajeev Shankar, associé, Transformation de la fonction finance et services financiers, à KPMG Canada. Possédant une vaste expérience de la mise en œuvre d’initiatives de transformation de grande envergure, il a conseillé des clients de nombreux secteurs, dont le commerce de détail, les services financiers, le pétrole et le gaz, ainsi que les télécommunications.
Rajeev Shankar résume ici les grandes tendances de la fintech au Canada et ailleurs, et leurs incidences sur les CPA.
CPA CANADA : La croissance de la fintech a engendré de nouveaux créneaux : wealthtech (solutions numériques facilitant la gestion de patrimoine), insurtech (technologies dans le domaine de l’assurance)… La tendance se poursuivra-t-elle à votre avis?
RAJEEV SHANKAR (RS) : Oui, tout à fait. Je me permets d’abord un petit rappel : si on remonte aux origines du secteur, il est intéressant de constater que les services financiers étaient en fait les premiers facilitateurs, je dirais même les incubateurs, des innovations de cette nature.
Au départ, des acteurs habiles jouaient avec les technologies en tenant d’en faire un catalyseur dans l’écosystème des services financiers. C’est ainsi que la fintech a vu le jour. Puis, au fil des ans, différents segments comme l’assurance, le paiement et même l’agriculture ont commencé à utiliser cette technologie, d’où l’émergence de différentes catégories : insurtech, paytech, agritech…
Je crois que d’autres types d’entreprises apparaîtront. C’est toute la beauté de l’innovation inhérente à la fintech.
CPA CANADA : À un certain moment, les entreprises de technologies de paiement (paytech) représentaient le quart des acteurs de la fintech au Canada. Est-ce toujours le cas?
RS : Oui, les paytechs ont connu une croissance considérable ces dernières années; des noms comme Klarna et Revolut sont maintenant passés dans l’usage. Cette croissance s’explique aussi par les tendances du marché.
Si on analyse le secteur des services financiers et ses processus – des éléments comme le choix de l’établissement financier par le client, les types de produits et services retenus (comptes, emprunts hypothécaires et autres, etc.), la manière de faire les opérations –, on constate que de nombreux aspects sont peu pratiques et dépassés. Avec les institutions financières traditionnelles, les décalages sont fréquents, alors que la fintech propose des solutions rapides et fluides. Ainsi, il est moins cher et plus facile d’ouvrir un compte auprès de Revolut qu’auprès d’un établissement traditionnel.
CPA CANADA : La région de Toronto-Waterloo est une plaque tournante de la fintech. Connaît-elle toujours une croissance?
RS : Oui. Mais l’innovation se déploie dans plusieurs provinces. Par exemple, des entreprises prospères du domaine ont poussé à Calgary, à Edmonton, dans la région de l’Atlantique, à Vancouver, à Montréal et à Québec : le pays compte plusieurs écosystèmes fintech.
Et c’est passionnant de voir tant de pôles propices à l’innovation.
CPA CANADA : D’après vos constats, les CPA sont-ils nombreux à choisir le domaine de la fintech?
RS : Oui. Bien des gens avec qui j’ai travaillé, particulièrement les membres de la génération Z, sont attirés par des organisations comme les fintechs, où ils veulent appliquer leurs connaissances de façon directe et pratique. Ils comptent miser sur l’agilité, la créativité et l’innovation pour faire grandir l’organisation. Cette tendance s’accentuera à mon avis.
Autre facteur à mentionner : pour travailler dans le domaine, il faut évidemment une passion pour les technologies. Or, les CPA plongent de plus en plus dans le domaine. La fintech simplifie les opérations financières pour les clients et les entreprises, et grâce à leurs compétences, les CPA ont de la facilité à s’adapter.
CPA CANADA : Dans quels domaines les CPA peuvent-ils exploiter leurs compétences?
RS : De nos jours, les CPA ont l’embarras du choix. De nombreuses organisations ayant adopté les services numériques, elles peuvent mettre les technologies au service d’un travail à forte valeur ajoutée, qui relevait autrefois des contrôleurs et qui était limité par les contraintes du traitement manuel.
Autrement dit, les CPA peuvent exploiter leurs compétences pour favoriser l’efficacité opérationnelle et la croissance de l’ensemble de l’organisation. Il s’agit d’une période absolument fascinante.
CPA CANADA : On entend parfois dire que le Canada a largement démontré ses capacités dans le domaine de la fintech, mais qu’une fois parvenus à une certaine taille, de nombreux joueurs se font racheter, ou vont s’établir aux États-Unis. Qu’en pensez-vous?
RS : Tout dépend des problèmes que ces joueurs tentent de régler. J’ai vu des fintechs canadiennes qui, après avoir atteint un certain seuil, ont décidé de prendre de l’expansion sur des marchés plus vastes, aux États-Unis ou encore en Europe ou en Asie.
Mais j’en ai vu d’autres qui ont connu une belle croissance au Canada et qui ont décidé de poursuivre leurs activités ici.
CPA CANADA : La durabilité étant une préoccupation importante pour tous, le Canada est devenu un leader des technologies propres. Comment le domaine évoluera-t-il à votre avis?
RS : Le Canada a une excellente occasion de prendre les devants et de favoriser l’adoption de ces cleantechs. Et vu l’importance que nous accordons aux facteurs ESG, le besoin n’est plus à démontrer, ce qui stimule l’innovation et la concurrence.
De la même façon, pour l’ensemble des technologies financières, le Canada est un terreau fertile pour l’innovation. Son potentiel est énorme. Mais je pense que nous sommes souvent sous-estimés dans l’écosystème mondial, notre humilité n’aidant pas. J’aimerais voir le Canada prendre sa place parmi les grands joueurs, place qui lui revient incontestablement.
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