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Portrait de Wes Hall, PDG de Kingsdale et responsable de Black North Initiative
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Wes Hall : « Impossible de garder le silence sur le racisme. »

Le PDG de Kingsdale et créateur de l’initiative Black North nous parle de sa réussite inattendue sur Bay Street; il veut aplanir les obstacles systémiques qui nuisent à l’avancement des cadres autochtones, noirs et de couleur.

Portrait de Wes Hall, PDG de Kingsdale et responsable de Black North InitiativeWes Hall, président et fondateur de Kingsdale Advisors, veut que plus de cadres noirs siègent à des conseils d’administration. (Photo Wade Hudson)

Depuis mes débuts sur Bay Street il y a 30 ans, j’ai toujours été le seul Noir dans la pièce. J’y voyais une force, en quelque sorte : vous entrez, tout le monde est vêtu de blanc, mais vous, vous portez du rouge. Les regards se braquaient sur moi; certains exprimaient l’incompréhension. « Que fait-il ici, lui? » Mais je ne restais jamais à l’écart; j’allais vers les autres. Ma place était parmi eux, j’en étais sûr et je savais les convaincre.

J’ai commencé comme préposé au courrier et, depuis 2003, je dirige mon propre cabinet de services-conseils, Kingsdale Advisors, sur Bay Street. Mon parcours n’a pas été facile, malgré le soutien et le mentorat que j’ai reçus; j’ai dû composer avec des remarques désobligeantes et des plaisanteries racistes. Parfois, un regard ou un geste en disait long sur ce qu’on pensait de moi. Un jour, vêtu d’un complet, je conduisais ma Ferrari décapotable sur Bay Street, musique de Jay-Z à fond, quand un homme m’a fait un signe de la main et m’a dit, en me remettant sa carte, de l’appeler si j’avais besoin d’un avocat un jour. C’était un criminaliste qui a cru que j’étais un rappeur ou un trafiquant de drogue – certainement pas un cadre supérieur qui travaillait dans la haute finance. 

Jamais je n’aurais imaginé que ma vie prendrait cette tournure. J’ai grandi en Jamaïque, à Golden Grove, dans la paroisse de Saint-Thomas. C’est le plus bel endroit du pays : paysages verdoyants, inaltérés par la pollution, les usines et le tourisme, avec l’océan en toile de fond. Nous allions nous coucher dès que la nuit tombait, et personne n’avait de téléviseur. Une autre époque, un autre monde. Saint-Thomas, c’est le lieu le plus pauvre de l’île, mais tous s’entraident. Quand j’y retourne, un repas (souvent, c’est un ragoût de chèvre) est organisé en mon honneur et celui de ma famille. Cet accueil témoigne de la générosité des habitants, car ils pourraient vendre la chèvre pour avoir de quoi se nourrir pendant un mois. 

Ma grand-mère, Julia Vassel, m’a élevé avec mes frères et sœurs et quelques cousins dans une cabane de deux pièces – ma mère vivait dans une ville voisine, et mon père a émigré au Canada quand j’avais un an. Ma grand-mère, c’était une géante. Nous l’avons appelée Mama jusqu’à sa mort, et c’est la seule figure maternelle que j’ai connue. Infatigable, elle travaillait à droite et à gauche, elle n’arrêtait pas. Elle emballait des noix de coco et des bananes pour l’exportation, et la sève gluante des régimes de bananes fraîchement coupés collait à ses vêtements. Nous étions petits, mais nous l’accompagnions pour l’aider de notre mieux, en assemblant les boîtes pour les fruits et en ramassant des noix de coco que nous entassions dans les tracteurs qui passaient. Elle nous emmenait partout.

 Wes Hall avec sa grand-mère Julia VasselWes Hall avec sa grand-mère, Julia Vassel, qui l’a élevé à Saint-Thomas, en Jamaïque. (Avec l’autorisation de Wes Hall)

Par ailleurs, Mama cultivait des fruits et légumes  (patates douces, bananes, pommes de terre et autres) qu’elle vendait ou échangeait contre de la viande. Inlassable, elle vendait ses poudings maison pour pouvoir acheter le nécessaire. Je la revois dans la rue, un régime de bananes en équilibre sur sa tête. Je ne l’ai jamais vue en robe, mais toujours en pantalon, chaussée de bottes. Elle m’a appris à travailler dur et à ne pas chercher d’excuses, elle qui ne demandait rien à personne. Mama est décédée à 97 ans, dans le dénuement, en 2000, sans avoir vu ce que je suis devenu, ce qui m’a rempli de tristesse.

Je pensais passer toute ma vie en Jamaïque et me débrouiller comme marchand ambulant. Quand j’ai eu 16 ans, mon père m’a fait venir au Canada, où il s’était installé à 25 ans, en laissant derrière lui sa carrière de joueur de cricket et un emploi assuré à l’usine Goodyear. Il brûlait d’envie de partir à l’étranger et était prêt à tout abandonner pour réaliser son rêve. Sa petite amie l’a rejoint, ils se sont mariés et ont eu cinq enfants. Je suis parti, plongé dans un sentiment d’irréalité jusqu’au moment où je suis descendu de l’avion à Toronto.

Je suis arrivé un vendredi, en 1985, et j’ai commencé l’école le lundi suivant. L’anglais était ma langue maternelle, mais ils m’ont inscrit en anglais langue seconde à cause de mon fort accent jamaïcain. Au début, les élèves blancs se moquaient de moi quand je répondais à une question du professeur. Je me suis donc mis à exagérer mon accent, ce qui plaisait à mes condisciples noirs (bon nombre avaient des parents d’origine jamaïcaine), et certains me prenaient pour modèle.

Travailler en usine, contracter un prêt hypothécaire pour acheter une maison convenable, me marier, avoir des enfants, subvenir aux besoins de ma famille en Jamaïque, c’est ce que j’imaginais comme parcours. Après mes études secondaires, j’ai fait une demande d’admission à l’université, mais l’aide financière m’a été refusée. Alors, à 18 ans, j’ai quitté le foyer paternel et vécu de petits boulots que je dénichais dans le journal : laver la vaisselle, faire le ménage dans des bureaux, attraper des poulets aux fermes Maple Leaf, je l’ai fait. J’ai été plongeur dans un restaurant de Scarborough; c’était le pire emploi de ma vie, et j’étais le pire plongeur qu’on puisse imaginer. Je portais des bottes qui montaient jusqu’au genou parce qu’il y avait de l’eau de vaisselle partout. Mais mon père m’avait toujours dit que je devais gagner ma vie, et j’ai fait à peu près tous les métiers. 

À 19 ans, j’étais gardien de sécurité, et un ami qui avait postulé pour un emploi dans une salle de courrier dans un cabinet d’avocats a donné mes coordonnées à la directrice des RH, car il avait accepté un emploi ailleurs. Elle m’a appelé et, avant même qu’elle termine de m’expliquer les tâches, j’ai dit « Oui ». Elle m’a engagé sur-le-champ, au téléphone. 

Ce jour-là, je me suis acheté un complet et une cravate à l’Armée du Salut. J’ai mis ces vêtements tous les jours, même si je travaillais au courrier. Mes collègues se moquaient de moi : ils portaient des jeans et un t-shirt. J’ai ensuite été promu commis aux archives dans les bureaux des avocats, où je cataloguais les registres de clôture des actes juridiques. J’étais impressionné par ces messieurs, au téléphone avec les clients, renversés dans leur fauteuil, les deux pieds sur le bureau. Je voulais être comme eux. 

Rappeur? Trafiquant de drogue? Même sur Bay Street, on s’est souvent mépris sur Wes Hall.

Comme le cabinet payait certains cours aux employés, je me suis inscrit en comptabilité et en finance au Centennial College et j’ai suivi une formation d’assistant juridique au George Brown College, en cours du soir. J’étais ambitieux et intelligent, tout le monde le savait. Je demandais aux assistants juridiques de me donner du travail, mais jamais on ne me confiait des tâches importantes ou délicates. Un jour, ma supérieure m’a laissé entendre que je n’avancerais pas plus haut au cabinet. C’est le meilleur avis qu’on m’ait jamais donné. Si cette femme ne m’avait rien dit, j’aurais pu rester des années à ronger mon frein, dans l’espoir qu’on me confie des dossiers juridiques un jour. 

Je me suis donc mis en quête d’un emploi ailleurs et j’ai envoyé mon CV à tous les cabinets d’avocats de Toronto. J’ai fini par recevoir un appel des Ressources humaines de Cassels, Brock & Blackwell. L’un des clients du cabinet, Global Television, cherchait un secrétaire adjoint, pour planifier les assemblées, tenir les procès-verbaux et assister aux réunions en présence des avocats, dans la salle du conseil. Il fallait s’assurer que les déclarations étaient en règle, et les examiner pour y corriger toute imprécision ou erreur. J’allais assister aux séances de clôture et passer en revue les éléments à diffuser, pour vérifier qu’aucune information diffamatoire ne s’y trouvait. À la fin, on m’a demandé si j’étais capable de faire toutes ces tâches. J’ai répondu que je me sentais capable d’apprendre à les faire. Je pensais qu’on ne me rappellerait pas.

Peu après, j’ai reçu un coup de fil du bureau de Glenn O’Farrell, alors vice-président aux affaires juridiques et réglementaires à CanWest Global, qui m’invitait à prendre un verre. Loin de m’interroger sur mes compétences, il s’est plutôt penché sur ma vie, mes ambitions, mes centres d’intérêt. À la fin de l’entretien, il m’a embauché. Il m’a donné ma chance. 

C’est ainsi que j’ai fait mon chemin. J’ai passé quatre ans à CanWest Global, puis, en 1998, je suis devenu chef d’équipe à CIBC Mellon, où je supervisais 11 employés, qui étaient tous là depuis plus longtemps que moi. J’avais une vingtaine d’années, et mon subordonné le plus chevronné, dans la cinquantaine, me donnait du fil à retordre : il connaissait son travail dans les moindres détails et voilà qu’il devait rendre des comptes à quelqu’un qui avait trente ans de moins. Le ton montait, on se querellait, si bien qu’un jour, m’accusant d’arrogance, il a proféré une injure grossière. J’ai compris que je devais m’en faire un allié et non un rival; je lui ai donc laissé la parole lors des rencontres avec les clients et, quand une question se posait, je lui demandais son avis. Il a pris confiance et a fini par me dire qu’avec mes qualités de raisonnement, je pouvais monter bien plus haut. Il m’a montré comment négocier avec les autres, sans laisser l’amour-propre prendre le dessus. J’aurais pu lui dire que c’était moi le patron, mais je savais qu’il avait des choses à m’enseigner.

En 2001, je suis devenu vice-président au développement des affaires chez Georgeson Canada, conseillers en communication avec les actionnaires. J’ai découvert l’immense potentiel que recelaient les services-conseils dans le domaine des courses aux procurations et du vote des actionnaires. En réunion avec le chef de la direction, j’écoutais les exposés, attentif à la démarche de l’entreprise auprès de ses actionnaires, et je me disais : « On pourrait faire beaucoup mieux. » Les investisseurs activistes n’existaient pas encore. À Georgeson, on recrutait des représentants qui appelaient les actionnaires afin de réunir des votes. Et si les actionnaires m’embauchaient pour faire le contraire : les débarrasser d’un style de gestion indésirable? J’ai repéré une occasion de donner une tournure professionnelle à l’activisme actionnarial. J’ai suggéré qu’on réinvente nos façons de faire, mais Georgeson ne l’entendait pas ainsi. 

Donc, en 2003, j’ai quitté Georgeson pour lancer le cabinet-conseil Kingsdale Advisors, spécialisé en communications stratégiques avec les actionnaires, qui compte 55 employés à Toronto. Nous avons décroché notre premier mandat d’envergure en 2004-2005, dans un dossier qui faisait intervenir Goldcorp à Toronto et Glamis Gold au Nevada. Goldcorp était sur le point d’absorber la vancouvéroise Wheaton River Minerals quand Glamis a déposé une offre hostile en vue d’acquérir Goldcorp. Goldcorp nous a demandé de la défendre, et nous avons convaincu les actionnaires d’accepter l’offre de fusion avec Wheaton. Une fusion qui a représenté un tremplin pour Kingsdale. 

« À la mort de George Floyd, un déclic s’est produit. Impossible de garder le silence sur le racisme. »

J’ai souffert du racisme toute ma carrière : regards désapprobateurs, microagressions insidieuses, manœuvres sournoises, antagonisme. Certains allaient jusqu’à la provocation, comme pour m’inciter à me conformer à leur idée des comportements attendus d’un Noir. Ils voulaient que je réagisse, mais je restais imperturbable. J’ai fait taire les sceptiques en excellant, au-delà de toutes leurs attentes. Un jour, en conférence téléphonique pour une fusion-acquisition d’envergure, nous étions une quinzaine – clients, avocats, banquiers, administrateurs – et j’ai donné mon avis sur la marche à suivre. Un conseiller a déclaré : « C’est le conseil le plus stupide que j’aie entendu en 20 ans de carrière. » Je savais, en mon for intérieur, qu’il s’était permis cette remarque en public parce qu’elle visait un Noir. Protester? On m’aurait dit : « Écoute, tu interprètes. Peut-être que ton idée n’était pas pertinente. » Mais j’avais raison, et mon conseil tapait dans le mille. Une fois l’opération conclue, le conseiller, penaud, a envoyé un courriel à tout le monde, me présentant des excuses et m’invitant à dîner. C’est en faisant mes preuves que je suis arrivé à gagner la confiance de mes interlocuteurs. 

À la mort de George Floyd, plaqué au sol par la police en mai, un déclic s’est produit. Impossible de garder le silence sur le racisme. Certains policiers ont les Noirs dans le collimateur, peu importe les progrès accomplis. Même si j’habite une belle demeure à Rosedale, l’un des quartiers les plus cossus de Toronto, on me rappelle sans cesse que je suis Noir. Quand on part en voiture, ma femme, Christine, me demande si j’ai une pièce d’identité, et nous faisons demi-tour sinon, parce que j’ai souvent été interpellé par la police, pour des raisons évidentes. Mon fils a été interpellé trois fois, un été. On lui a demandé comment il avait fait pour se payer une telle voiture et à qui elle appartenait. Quand je vais aux États-Unis, j’ai peur de me faire tuer lors d’un contrôle routier. Au moins, au Canada, je connais la marche à suivre, mais je sais que je pourrais aussi bien me retrouver face contre terre. Je sors mes papiers dès que les policiers s’approchent pour me questionner et je ne compte plus le nombre de fois où j’ai pensé : « Tu aurais pu subir le même sort que George Floyd. » Alors, j’ai arrêté de croire qu’il suffisait de retourner à mon élégant bureau et de prétendre que la vie est belle pour tous. 

Grâce à mon travail, j’ai tissé des liens avec des personnages influents et, cet été, j’ai pris conscience que je devais m’en servir si je voulais changer les choses. Peu d’autres Noirs au Canada ne sont en mesure de faire ce que je fais aujourd’hui. C’est une triste réalité, car il devrait y avoir une centaine de Wes Hall.

 Wes Hall et ses trois fils portent des t-shirts «Je suis George Floyd»Wes Hall avec ses fils (Brentyn, Darian et Broghan) après la mort de George Floyd. (Photo Steve Russell/Toronto/Getty)

Après la mort de George Floyd, j’ai écrit un article d’opinion sur le racisme systémique. Et mon téléphone s’est mis à sonner : mes voisins et relations me proposaient leur aide. C’est ainsi qu’est né le Conseil canadien des chefs d’entreprise contre le racisme systémique envers les Noirs, qui se penche sur les barrières dressées dans le milieu des affaires.

Nous avons lancé l’initiative BlackNorth, pour inciter les entreprises à s’interroger sur l’absence de Noirs aux échelons supérieurs : y a-t-il des obstacles systémiques en cause? Peut-être embauchent-elles uniquement des diplômés de certaines écoles de gestion ou grandes universités où les Noirs sont moins nombreux. Peut-être leur conseil d’administration recrute-t-il exclusivement des administrateurs et dirigeants sortants. Voilà des obstacles systémiques. Si nous les aplanissons, de nouveaux horizons s’ouvriront. Je souhaite aborder les choses par le haut et amener les dirigeants à reconnaître l’existence du problème, puis à prendre un engagement écrit pour le régler. Je n’y vois rien d’extraordinaire; il suffit de susciter la réflexion. 

En juillet, nous avons invité des chefs d’entreprise à signer un engagement à mettre fin au racisme systémique envers les Noirs, non seulement au conseil d’administration et à la haute direction, mais aussi chez les étudiants, grâce à des mesures et à des cibles précises. Nous avons fixé un objectif d’embauche de 5 % de Noirs parmi la population étudiante dans ces entreprises. Et quelque 3 000 participants étaient présents à notre premier Sommet BlackNorth, tenu virtuellement. Jusqu’ici, 300 organisations ont signé l’engagement, soit plus du tiers des entreprises du TSX 60 et la plupart des grandes banques. Pour le P.-D.G., le signer (ou non) envoie un message clair : les employés noirs ont un avenir (ou non) à la direction. 

Il serait facile pour moi de dire que je n’ai pas souffert du racisme. Mais nous ne sommes qu’une poignée de Canadiens noirs au sommet de la pyramide, et c’est problématique. Ouvrir les portes de la salle du conseil et de la haute direction n’est qu’un premier pas. Les Noirs qui y feront leur entrée seront sous pression, et les dirigeants ont le devoir de créer des programmes de mentorat et de parrainage pour assurer leur réussite. Il faudra probablement au moins une génération pour atteindre l’égalité. Après tout, nos droits civils n’ont été reconnus que dans les années 1960, et la lutte se poursuit encore aujourd’hui. J’aimerais pouvoir citer l’exemple d’une entreprise de premier plan qui nomme des Noirs à la direction et dire « Regardez! », car les autres lui emboîteraient le pas. 

Je dis à mes cinq enfants, qui ont entre 10 et 25 ans, qu’ils ne doivent rien tenir pour acquis simplement parce que leur père a réussi et qu’ils vivent dans un beau quartier. Ma fille fréquente une école privée, et quand elle est dissipée, je lui explique que ses amies s’en tireront toujours à bon compte, mais elle, non. Quand mes fils étaient jeunes, ils jouaient au basketball dans le parc, et un jour, un voisin a appelé la police, les accusant de semer la pagaille et d’écouter de la musique à tue-tête. La police est arrivée, les a obligés à nettoyer les lieux et leur a demandé de partir. Ma fille s’est fait injurier à l’école : on lui a assené le mot qui commence par « N ». Un de ses frères, qui a subi le même sort, est rentré à la maison en déclarant qu’il ne voulait plus être noir. Et le tout, à Toronto.

Le succès de l’initiative BlackNorth commencera par la prise de conscience. Réunis en juin, les premiers ministres provinciaux ne se sont même pas entendus sur l’existence du racisme systémique. On ne peut pas s’attaquer à un problème que l’on refuse d’admettre. Pensez à la pandémie : même s’il est impossible de voir le virus se propager, on en a constaté les répercussions, et par conséquent, tout le monde s’est engagé à agir. Comme le coronavirus, le racisme est parfois invisible. Mais son existence est indéniable, parce que si peu de Noirs occupent un poste de direction. Parce que tant de Noirs n’ont pas accès à des soins de santé adéquats et à un système d’éducation à la hauteur. Parce que les entrepreneurs noirs, en quête de financement, essuient des refus de la part des institutions. C’est notre pandémie. Prenons acte du problème, nommons-le et réglons-le. Ce mouvement ne se fera pas du jour au lendemain, mais les gens doivent comprendre que c’est la chose à faire pour eux. Et une fois qu’ils l’auront compris, ils le feront de leur plein gré parce que c’est la chose à faire pour la société et pour leur entreprise ».

— Tel que Raconté à Pacinthe Mattar


Prendre l’initiative


Plus de 350 organisations ont signé l’engagement de l’Initiative BlackNorth de Wes Hall. Leurs promesses :
1) Créer un milieu empreint de confiance, où les employés, mis à l’aise, n’hésiteront pas à lancer des conversations difficiles et gênantes sur le racisme envers les Noirs.

2) Offrir à toute l’équipe des programmes de sensibilisation sur les partis pris inconscients et le racisme systémique envers les Noirs, et mettre à la disposition des intéressés des ressources de formation gratuites.

3) Élaborer de nouvelles stratégies d’inclusivité et faire le point sur les pratiques à recommander et à proscrire, afin de renseigner d’autres organisations, appelées à étoffer et à affiner leurs politiques.

4) Dans une logique de reddition de comptes, créer un conseil de direction sur la diversité auquel siègeront des dirigeants noirs, qui collaborera avec le chef de la direction et le conseil d’administration, et établira un réseau de hauts dirigeants voué à l’avancement des Noirs de talent.

5) Recruter et promouvoir des Noirs de talent dans le but de créer un bassin d’employés qui chemineront pour trouver leur place au conseil et à la haute direction, en fixant comme cible une proportion d’au moins 3,5 % de Noirs aux conseils d’administration du Canada, d’ici 2025.

CRÉER UNE CULTURE DE TRAVAIL INCLUSIVE

Découvrez ce que font les Quatre Grands au pays en matière de diversité et d’inclusion. Voyez comment devenir un meilleur allié au travail et favoriser un milieu de travail plus inclusif. Enfin, profitez de ces conseils pour rendre votre lieu de travail plus accueillant pour les personnes transgenres.



Un engagement qui compte


Priorité à la diversité et à l’inclusion dans les banques et cabinets de comptabilité.
Dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, les cinq grandes banques veulent augmenter la représentation des personnes autochtones, noires et de couleur, surtout à la direction.

Dans le cadre de l’Initiative BlackNorth, Wes Hall a demandé aux grandes institutions financières canadiennes de prendre deux engagements : au moins 3,5 % des postes de direction y seront occupés par des Noirs d’ici 2025, et au moins 5 % des étudiants recrutés y seront issus de la communauté noire. BMO a signé l’engagement; et Victor Dodig, qui dirige la CIBC, copréside le conseil de l’Initiative BlackNorth, auquel siège Brian Porter, à la tête de la Banque Scotia.

BMO a déclaré qu’elle entend réserver 40 % des emplois étudiants aux candidats autochtones, noirs et de couleur; RBC fera de même à compter de 2021. La TD a annoncé qu’elle entendait faire doubler le nombre de cadres noirs dans ses rangs d’ici 2022; elle veut aussi accroître de 50 % la proportion des minorités visibles au sein de son effectif (Noirs et Autochtones en tête), qui compteront pour au moins 25 % de son équipe de direction, d’ici 2025. En juillet, les cinq géantes ont remis collectivement 7,7 M$ à des organismes de bienfaisance qui viennent en aide à la communauté noire au Canada, et RBC s’est engagée à prêter 100 M$ de plus aux entrepreneurs noirs dans les cinq prochaines années.

Le mouvement Black Lives Matter a également mené à un examen exhaustif des pratiques de diversité et d’inclusion chez les Quatre Grands. « Nous sommes en recherche permanente de solutions pour développer et faire évoluer nos stratégies visant à assurer un sentiment d'appartenance à tous et toutes », souligne Muriam De Angelis, CPA, leader à la diversité et à l’inclusion chez EY.

Le cabinet a entrepris un examen interne approfondi – un exercice annuel qui sera pérennisé – afin d’analyser ses pratiques de diversité et d’inclusion au niveau de la direction. Il en a communiqué les résultats à ses clients et fournisseurs, et collabore avec des organismes communautaires afin de favoriser le changement. « Notre stratégie consiste essentiellement à prendre appui sur notre renommée et à faire entendre notre voix pour faire évoluer les politiques et en arriver aux changements systémiques qui s’imposent. »