Couverture de livre pour D’un monde à l’autre : Le temps des consciences
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Réintroduire du sens dans nos vies pour sauver notre monde

Notre vision du progrès nous a fait perdre de vue l’essentiel. Il est encore temps de corriger le tir. 

Couverture de livre pour D’un monde à l’autre : Le temps des consciences« Dans beaucoup de domaines, la vision comptable se fait sur un temps restreint, alors que si on l’envisageait sur un temps plus élargi, on s’apercevrait qu’en investissant de l’argent en amont, on éviterait beaucoup de dépenses en aval » expliquent Nicolas Hulot et Frédéric Lenoir. (tous droits réservés)

Omniprésentes, la crise sanitaire et la crise économique occupent tout l’espace médiatique, reléguant la crise écologique – pourtant plus dramatique encore – au second plan. Pourtant, à défaut d’agir, le pire nous attend, s’alarment les auteurs D’un monde à l’autre : Le temps des consciences (Fayard, 2020).

Respectivement environnementaliste médiatique et philosophe, Nicolas Hulot et Frédéric Lenoir dénoncent cette course absurde au soi-disant progrès dans laquelle nous nous sommes lancés. Aveuglés par nos réussites, notamment technologiques, nous ne tolérons plus de limites, tablant sur « une croissance infinie dans un monde fini ». Mais ce qui est techniquement possible n’est pas toujours humainement souhaitable, rappellent-ils. Et les auteurs de citer Albert Einstein : « Notre époque se caractérise par la profusion des moyens et la confusion des intentions ».

Ils nous préviennent : plus nous tarderons à réintroduire du sens dans nos vies, plus le changement sera brutal, et plus nous affronterons de crises sanitaires, écologiques et sociales. D’ailleurs, n’eût été de l’industrialisation massive de l’agriculture, de la destruction de la biodiversité et de la circulation des personnes, jamais le virus ne se serait autant propagé.

UN SYSTÈME VOUÉ À L'ÉCHEC

Face à des enjeux universels, nos démocraties doivent s’adapter. La plus grande utopie serait de croire que notre système économique continuera à fonctionner à l’identique, alors qu’il « porte en lui-même sa propre obsolescence en se fondant sur l’exploitation [les auteurs parlent même de pillage] des ressources, comme les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel et charbon), qui sont appelées à s’épuiser. » Or, poursuivent-ils, si « la rareté se pilote, la pénurie se subit », comme le chaos qui l’accompagne.

« Dans beaucoup de domaines, la vision comptable se fait sur un temps restreint, alors que si on l’envisageait sur un temps plus élargi, on s’apercevrait qu’en investissant de l’argent en amont, on éviterait beaucoup de dépenses en aval. » Un changement radical pour ne pas sacrifier l’avenir sur l’autel du présent s’impose donc. Il faut miser sur la solidarité plus que sur l’individualisme; sur la préservation de la planète plus que sur sa destruction.

Depuis des décennies, soulignent les auteurs, le chiffre est au centre de tout (quantité, rendement, rentabilité, efficacité…), alors que les individus ne peuvent s’épanouir qu’en mettant la qualité au centre de leur vie. Bien sûr, cela implique des règlements et des lois, explique Nicolas Hulot, qui a été ministre de la Transition écologique et solidaire en France, mais ce serait une imposture de refuser d’y voir les normes de demain, alors que les projets porteurs dans des secteurs d’avenir ne manquent pas : agroécologie, moteurs à hydrogène, économie sociale, circulaire et solidaire, énergies renouvelables et durables…

« À force de vouloir posséder, c’est nous-mêmes qui sommes devenus possédés. »

Il faut aussi réformer notre fiscalité archaïque, qui impose encore prioritairement le travail et ne taxe pas assez les services numériques ou les biens qu’on souhaiterait faire disparaître. Abolissons de même « l’économie spéculative, dont les travers sont l’exil fiscal et l’optimisation fiscale ». Dans notre monde hyperconnecté, comment peut-on encore tolérer qu’aux yeux de tous, 1 % de la planète capte 93 % de la richesse? À l’injustice s’ajoute l’humiliation, un élément explosif incompatible avec la paix.

Profitons du moment, une fois la crise sanitaire jugulée, pour redéfinir nos valeurs individuelles et collectives. 

Libérons-nous de la vision à court terme, qui empêche souvent les politiciens d’agir, pour nous concentrer sur le bien commun, au-delà des échéances électorales. La politique doit être une vraie force de régulation au service de tous.

DE LA VANITÉ À L’HUMILITÉ

Le virage implique aussi de changer notre façon de voir les choses, ajoute à maintes reprises Frédéric Lenoir. Il faut limiter ses désirs, ralentir, insiste-t-il. Loin des écrans et des réseaux sociaux, la beauté de la nature, la connaissance, la lecture ou la musique, par petites touches, procurent de grands instants de bonheur.

À l’excès et au gâchis, préférons la satisfaction des besoins essentiels, en respectant notamment le monde du vivant, qui nous le rendra au centuple. Le but n’est pas de limiter nos plaisirs, mais de les réorienter vers des sources moins destructrices, vers des sources profondes de « joies de l’être » et non de « joies de l’avoir ». Cela nécessite de mieux distinguer le futile de l’utile, en changeant moins souvent d’auto ou de téléphone, par exemple, ou en mangeant moins de viande. Hélas, nos habitudes sont conditionnées, et il est plus dur d’être vertueux quand les autres ne le sont pas. Comme disait Victor Hugo, « À force de vouloir posséder, c’est nous-mêmes qui sommes devenus possédés. »

Être libre revient justement à s’affranchir de tels automatismes. Il faut à tout prix s’inscrire dans le temps et injecter de la conscience dans notre quotidien. La vie est précieuse parce qu’elle a une durée limitée. À nous de privilégier la qualité dans notre existence, en veillant à laisser aux autres, à commencer par nos enfants, une planète viable. D’un monde à l’autre, c’est tout cela, et bien plus encore : un appel à l’insurrection des consciences.

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