Christine Sawchuk, CPA, s’emploie à redéfinir le rôle de leader
Christine Sawchuk est mentore et championne de l’accession des femmes aux postes de direction. (Photo Daniel Ehrenworth)
L’évaluation d’entreprises tient à la fois de l’art et de la science. « Bien sûr, les chiffres sont importants », affirme Christine Sawchuk, présidente-directrice générale de l’Institut canadien des experts en évaluation d’entreprises. « Mais pour qu’un utilisateur – qu’il soit partie à une transaction ou juge d’un litige – souscrive à votre vision, vous devez être capable de lui expliquer comment vous êtes arrivé à ces chiffres. Les chiffres ne sont qu’un aspect du travail. Pour le reste, tout est une question de communication. »
Christine Sawchuk, CPA, EEE et titulaire d’un doctorat en éducation de l’Université Western, s’est jointe à l’Institut en 2014 comme directrice adjointe de la formation et de l’accréditation avant de gravir les échelons jusqu’au poste de PDG. Elle a longtemps considéré ses talents pour l’analyse et la communication comme sa grande force (d’où sa spécialisation), mais depuis son arrivée à l’Institut, elle a déployé ses compétences afin de résoudre un problème débordant le cadre de ses fonctions officielles.
« En comptabilité, on observe dans l’ensemble une assez bonne diversité de genre, mais dès qu’on touche à des domaines un peu plus spécialisés comme les finances et l’évaluation, la représentation des femmes, notamment dans les postes de direction, chute considérablement », note-t-elle. Christine Sawchuk entend tout faire pour renverser cette situation avant longtemps. Ardente défenseure de la diversité de genre dans son champ d’activité, elle multiplie les efforts, que ce soit en contribuant à l’élaboration de la stratégie DEI (diversité, équité, inclusion) de l’Institut ou en mentorant de jeunes femmes comptables dès qu’elle le peut.
Ces actions ne visent pas seulement à renforcer le rôle des femmes dans des secteurs spécialisés de la comptabilité comme le sien, mais aussi à bouleverser les normes culturelles en matière de leadership. « Évidemment, ma motivation première est de diriger l’Institut de manière à créer de la valeur pour les membres, les étudiants et le grand public, précise-t-elle. Mais je veux aussi remettre en question le modèle traditionnel du leader. »
PIVOT : Selon une étude récente, il y aurait, au Canada, plus de PDG prénommés « Michael » et « Mark » que de femmes PDG. Vous notez un recul de la représentation féminine dans les champs de spécialisation. Comment l’expliquez-vous?
CHRISTINE SAWCHUK (CS) : Selon moi, il est très difficile de bâtir un réseau de soutien dans des environnements encore dominés par les hommes. Voilà pourquoi j’essaie d’agir comme mentore auprès du plus grand nombre de femmes possible. Beaucoup de dirigeantes jonglent pour concilier vie professionnelle et vie familiale, et leur charge mentale est souvent supérieure à celle des hommes. Même quand leur partenaire est féministe et progressiste, les femmes ont souvent un travail invisible associé à la gestion de la maisonnée. Sans parler, bien sûr, des partis pris inconscients à l’égard des femmes qui sont tenaces – par exemple, cette croyance voulant qu’elles soient plus émotives et moins aptes à trancher que les hommes. Enfin, je crois que les femmes sont plus réticentes qu’eux à accepter des postes de direction.
PIVOT : Parlez-vous ici du syndrome de l’imposteur?
CS : Pas tout à fait. Le problème, c’est davantage que les femmes douées pour le leadership n’en ont pas toujours conscience parce qu’elles ne se reconnaissent pas dans le stéréotype du leader extraverti, charismatique et dynamique. Or, les recherches indiquent que les qualités traditionnellement dévolues aux femmes – l’écoute et la communication, l’empathie et l’intelligence émotionnelle – sont exactement les attributs qu’on recherche chez les leaders de demain. Mon expérience m’a appris qu’en général, les femmes sont des dirigeantes plus soucieuses d’opérer des transformations que d’imposer leur autorité – elles cherchent à élever les autres. Mais comme elles n’associent pas toujours cette qualité au leadership, elles ne se définissent pas comme des leaders. Cela dit, le syndrome de l’imposteur, qui se manifeste chez bien des femmes hésitant à demander une promotion ou un salaire plus élevé, joue très certainement un rôle dans cette réticence à accepter un poste de direction.
PIVOT : Vos recherches doctorales visaient, entre autres, à déterminer comment attirer les femmes vers la profession comptable et favoriser leur ascension dans la hiérarchie. Pouvez-vous nous résumer vos constats?
CS : La représentation est primordiale. Tout au long de ma carrière et encore aujourd’hui, je me suis employée à montrer aux étudiantes, aux étudiants et aux jeunes membres que les femmes pouvaient gravir les échelons et assumer un poste de direction. Le mentorat, structuré ou non, est un autre aspect essentiel. J’essaie toujours d’être là pour mes étudiantes, mes étudiants et mes collègues, et je ne compte plus les heures passées à discuter avec des personnes à divers stades de leur carrière.
PIVOT : Comment appliquez-vous ces principes dans votre rôle de PDG?
CS : Promouvoir la formation et les connaissances sur la diversité de genre à l’Institut est devenu un objectif personnel. Nous avons un groupe de travail (dont les activités, suspendues durant la pandémie, viennent de reprendre) axé sur les enjeux de DEI dans la profession d’expert en évaluation d’entreprises. Nous encouragerons la révision des politiques et l’établissement de programmes de formation, et mettrons en œuvre des stratégies visant à remédier au manque de représentation féminine dans les rangs supérieurs de la profession.
Mais nous devons avant tout donner l’exemple. Six des quatorze membres de notre conseil sont des femmes, ce qui dépasse largement la moyenne nationale; toutes occupent des postes de direction dans la profession d’expert en évaluation d’entreprises, et nous nous assurons d’en informer le public. Je veille personnellement à proposer des femmes pour prononcer des allocutions d’envergure ou pour siéger au conseil. Les trois dernières personnes que j’ai embauchées étaient les plus compétentes pour remplir ces fonctions, et ce sont des femmes.
PIVOT : Envisagez-vous avec optimisme l’avenir des femmes dans votre profession?
CS : Oui. Cela nous ramène au style de leadership dont nous aurons besoin dans l’avenir. Les leaders devront être agiles et novateurs. Ils devront savoir tirer le meilleur de leurs employés pour prospérer dans une économie de plus en plus axée sur l’information et les connaissances. Nous avons donc besoin de leaders empathiques et capables d’écoute. Ce sont des qualités qu’on retrouve souvent chez les femmes. Je suis optimiste quant à la prochaine génération de dirigeantes. Dans l’ensemble, cette génération connaîtra un monde très différent.
SE LANCER
Renseignez-vous sur les avantages de devenir administrateur présentés dans l’étude de CPA Canada intitulée Conseil d’administration : la place des CPA. Voyez aussi pourquoi il est temps d’ouvrir les conseils d’administration à la diversité, comment se préparer au rôle d’administrateur et comment les femmes peuvent trouver leur voix comme dirigeantes.