Aider la prochaine génération à prendre son avenir financier en main
Charlene MacLeod, CPA, et sa famille sur le perron de leur maison (Photo Darren Calabrese)
Bien souvent, pour le CPA, ce n’est pas au travail, mais bien à la maison que sont dispensés les conseils financiers les plus importants. Épicerie, vacances en famille, avenir financier des enfants…
Selon une évaluation de l’OCDE menée en 2018 dans différents pays, les jeunes du Canada maîtrisent bien les notions financières courantes, mais moins les concepts avancés (achat d’un logement, placements, épargne-retraite, etc.). Et parmi les 117 000 participants, tous pays à l’étude confondus, seulement un sur dix a obtenu le niveau de maîtrise le plus élevé.
Devant la flambée du prix du logement et du coût de la vie, plus que jamais, les jeunes doivent savoir éviter les erreurs coûteuses dès le début de leur parcours financier.
De plus en plus, la jeune génération s’informe de sa propre initiative et s’en remet aux conseils d’experts autoproclamés sur Instagram, TikTok ou YouTube. Or, ces conseils peuvent ne pas tous être avisés, certains provenant de personnes non qualifiées. Si la gestion de l’argent est maintenant inculquée à l’école, la matière se voit rarement accorder l’importance qu’elle mérite, sans compter que les enseignants n’ont pas toujours les connaissances nécessaires pour répondre aux questions pointues des élèves.
C’est pourquoi, depuis une dizaine d’années, CPA Canada propose le Programme de littératie financière, qui « offre au grand public de l’information claire et objective sur la gestion des finances personnelles ». Les ateliers sont donnés par des CPA bénévoles, des experts respectés, aux élèves du primaire et du secondaire, entre autres.
Cependant, il n’en demeure pas moins que l’éducation financière commence, en grande partie, à la maison. À l’occasion du Mois de la littératie financière, Pivot a demandé à des CPA quelles leçons ils avaient données à leurs enfants et de quelle manière outiller les générations à venir.
Charlene MacLeod, CPA
Halifax (Nouvelle-Écosse)
Professionnelle exerçant à titre individuel
Mère de deux enfants (8 et 5 ans)
« Dans ma famille, l’argent n’était pas un sujet tabou, pour la simple et bonne raison que nous ne roulions pas sur l’or, se souvient Charlene MacLeod. Mais nous n’avions pas de dettes non plus. » D’où son point de vue selon lequel on n’a pas à vivre au-dessus de ses moyens pour bien profiter de la vie.
Après l’université, elle entame une carrière en comptabilité, une profession qu’elle voit alors comme un gage de stabilité financière. Aujourd’hui, elle ne veut pas que ses enfants tardent à acquérir des connaissances financières ni qu’ils aient à apprendre les finances à la dure, comme elle. « Pour moi, ce sont des compétences de base dans la vie, des compétences que je souhaite leur transmettre. »
Charlene MacLeod tient aussi à ce que ses enfants sachent que l’argent, ça ne pousse pas dans les arbres. Ils veulent pouvoir dépenser à la foire du livre de l’école? Ils doivent apprendre à gagner, et à mettre de côté, l’argent qu’il leur faudra.
« Ils tiennent un tableau des corvées », en choisissant les tâches à accomplir, en attribuant une valeur à chacune et en négociant leur allocation. Une méthode certes instructive, qui leur montre entre autres que les efforts sont récompensés, mais aussi, surtout pour l’aîné, amusante.
Quand ses enfants se plaignent de ne pas avoir, comme leurs camarades, un budget illimité à la foire du livre ou une piscine creusée, il peut s’ensuivre des discussions difficiles. « Dans certains cas, nous pourrions leur donner ce qu’ils veulent, mais nous préférons ne pas le faire. » Tous les parents veulent ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants, mais pour Charlene MacLeod, « l’éducation financière passe d’abord par le respect de ses croyances et valeurs. S’ils apprennent jeunes, ils sauront se débrouiller à l’âge adulte ».
La CPA conseille aux parents de trouver ce que chacun de leurs enfants aime. Son aîné ne jure que par le tableau des corvées, une stratégie qui s’avère toutefois moins efficace chez sa plus jeune. « Je finirai bien par trouver ce qui lui correspond! »
Cary Lavine, CPA, avec sa famille dans leur salon. (Photo Nathan Cyprys)
Cary Lavine, CPA
Toronto (Ontario)
Directeur financier et entrepreneur retraité
Père de deux enfants (26 et 21 ans)
Cary Lavine et son épouse n’avaient pas vraiment d’approche définie pour initier leurs enfants aux finances. Même pour l’argent de poche, qui était donné sans trop de régularité. Ils avaient bien un guide sur l’éducation financière, mais il prenait la poussière. Ils préféraient « prêcher par l’exemple », explique le CPA, notamment en portant attention aux étiquettes de prix dans les magasins. C’est ainsi que lui-même avait appris de son père, un comptable agréé, qui n’aimait pas jeter l’argent par les fenêtres.
Sauf dans les grandes lignes, raconte-t-il, « je ne savais pas grand-chose au sujet des finances de mes parents. Mais comme ma mère et mon père n’avaient pas la même situation financière, j’ai pu voir les deux côtés de la médaille ». À l’opposé, lui et son épouse parlaient plus ouvertement d’argent avec leurs enfants, une stratégie qui, selon lui, leur a permis d’entamer leur vie d’adulte du bon pied.
Ses enfants maintenant grands, le CPA s’implique de façon plus directe auprès d’eux. L’an dernier, son fils a sollicité ses lumières pour une question financière. Imaginant que sa fille se demandait probablement la même chose, en plus de ses neveux et nièces, il a réuni tous les jeunes adultes de son entourage et leur conjoint autour d’un buffet pour leur parler de finances.
« La base, c’est la qualité de la relation. J’ignore si ça se transpose vraiment dans le cadre d’un atelier de littératie financière. » N’empêche, l’expérience l’a incité à faire profiter les autres de ses connaissances, ce qu’il fait maintenant comme CPA bénévole.
Cary Lavine a remarqué un clivage chez les élèves à qui il donne des ateliers. « Le statut socioéconomique influence le niveau de connaissances financières », précise-t-il, racontant que des écoliers du primaire en milieu aisé lui ont déjà posé des questions sur les placements, ce qui n’était pas le cas dans les quartiers à faible revenu.
Il leur a expliqué qu’on pouvait épargner petit à petit. Par exemple, en mettant de côté un dollar par semaine pendant quelques années, on finit par amasser un bon pécule. « Certains enfants viennent de foyers modestes, mais chacun peut modifier ne serait-ce qu’un peu ses habitudes et voir ces changements faire ensuite boule de neige. Pensons seulement aux intérêts composés. »
En classe, les CPA se démarquent des enseignants, selon Cary Lavine, car non seulement ils proposent un discours différent, mais ils possèdent des connaissances particulières et applicables. « Je crois que notre titre de CPA nous aide à faire passer notre message. »
Jodie Leigh Schultz, CPA, et sa famille. (Avec l’autorisation de Jodie Leigh Schultz)
Jodie Leigh Schultz, CPA
Leduc County (Alberta)
Professionnelle exerçant à titre individuel
Mère de trois enfants (10, 8 et 6 ans)
Jeune, Jodie Leigh Schultz a appris de ses parents à se faire un budget. « On m’a montré l’importance de toujours rembourser son solde mensuel de carte de crédit. » Ils lui ont aussi appris à savoir distinguer besoins et envies avant d’emprunter. Autant de leçons qu’elle transmet à son tour à ses enfants, non sans constater qu’elles ne correspondent pas toujours à ce qu’ils apprennent ailleurs.
« L’éducation financière n’est pas vraiment une priorité à leur école », observe-t-elle. En classe, un de ses enfants s’est déjà fait dire que lorsqu’on n’avait pas assez d’argent, on pouvait payer par carte de crédit. « Ce n’est pas faux; ce n’est simplement pas ce qu’on leur apprend à la maison. »
Voilà pourquoi elle et son mari, également CPA, veulent « leur servir de modèles et ouvrir le dialogue avec eux », tout comme ses parents l’ont fait avec elle. Quitte à parfois laisser l’enfant apprendre de ses erreurs.
Par exemple, cette année, l’un de ses fils a vidé sa tirelire pour des jouets. Quelques semaines plus tard, en vacances à Drumheller, en Alberta, il a voulu s’acheter un dinosaure-jouet comme souvenir. Ce n’était pas très cher, et sa mère aurait pu le lui offrir, mais elle a préféré ne pas le faire.
« C’est à lui de constater qu’il devra parfois faire des choix. » La leçon a porté ses fruits puisque le garçon a compris que s’il avait moins dépensé au magasin de jouets, il aurait pu acheter le dinosaure. La CPA espère qu’il s’en souviendra.
« Pour nombre de gens, l’argent est un facteur de stress. Informer les jeunes est un bon moyen de les préparer à bien gérer leur argent. »
Lorsque ses enfants seront plus vieux, elle aimerait aller dans leur classe pour parler de finances, notamment pour combattre les idées fausses. « Je crois que pour nombre de gens, l’argent est un facteur de stress », fait remarquer Jodie Leigh Schultz, qui trouve dommage d’aborder la littératie financière de cette façon.
« Informer les jeunes est un bon moyen de les préparer à bien gérer leur argent. »
Scott Elliott, CPA, et sa famille (Photo Remi Theriault)
Scott Elliott, CPA
Ottawa (Ontario)
Contrôleur et vice-président aux finances retraité
Père de deux enfants (28 et 25 ans)
Scott Elliott a rapidement gravi les échelons pour devenir contrôleur à 25 ans, puis vice-président aux finances, mais en début de carrière, il a dû se démener pour joindre les deux bouts. Il se rappelle les difficultés financières de sa vingtaine, lui qui a dû multiplier les boulots pendant ses études, rembourser le solde d’une carte de crédit à l’aide d’une autre, et même continuer de travailler à temps partiel chez un détaillant de vin alors qu’il faisait ses premières armes comme comptable. C’est ce parcours semé d’embûches qui l’a amené à vouloir mieux pour ses filles.
« J’ai toujours expliqué à mes filles que l’indépendance financière, c’est une question de choix. »
« Je voulais qu’elles puissent, autant que possible, atteindre l’indépendance financière », dit-il, non seulement afin qu’elles ne soient pas confrontées à la misère, mais aussi pour qu’elles puissent avoir la vie à laquelle elles aspirent. Aujourd’hui dans la vingtaine, ses filles ont une valeur nette dans les six chiffres, contrairement à la « valeur nette négative » que Scott Elliott avait à leur âge. « Je leur ai toujours expliqué que l’indépendance financière, c’est une question de choix. » Il y a quelques années, un changement de carrière a amené son aînée à déménager et à retourner aux études. « Si elle a pu le faire, c’est parce que sa situation financière le lui permettait. »
Très tôt, ses filles ont appris à faire des compromis. « Par exemple, je leur ai un jour donné le choix entre un nouveau piano et un voyage dans le Sud. » Elles ont opté pour le piano, qui se trouve toujours chez lui. Puis lorsque la famille planifiait un voyage en Australie, le CPA a demandé à ses filles de s’impliquer en mettant de côté une partie de leur argent de poche. Ce n’était pas un gros montant, rien pour compromettre les vacances, « mais ça leur a appris une bonne habitude à un jeune âge ».
Son expérience de contrôleur l’a par ailleurs amené à vouloir améliorer les connaissances financières de ses semblables. « Bon nombre de cadres ne maîtrisent pas nécessairement la gestion des finances comme ils le devraient. » Ce constat s’applique même à des cadres très haut placés. « C’est pourquoi il faut commencer jeune. »
EN APPRENDRE DAVANTAGE
CPA Canada offre de nombreuses ressources en littératie financière, comprenant des publications, des feuilles de travail et d’autres documents qui vous aideront à renforcer vos compétences financières. N’hésitez pas non plus à vous inscrire au programme de bénévolat en littératie financière des membres CPA.