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Couverture du livre Elon Musk – L’enquête inédite montrant le visage d’Elon Musk en gros plan
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Magazine Pivot

« Elon Musk », voyage dans la tête d’un Martien qui vit sur Terre

Elon Musk – L’enquête inédite brosse le portrait d’un homme atypique qui n’a pas fini de faire parler de lui.

Couverture du livre Elon Musk – L’enquête inédite montrant le visage d’Elon Musk en gros planPour Béatrice Mathieu et Emmanuel Botta, l’art de la débrouille, voire de la roublardise, constitue un des grands piliers de ce que l’on appellera peut-être un jour le muskisme. (image fournie)

Mégalomane. Génial. Excentrique. Rustre. Instable. Tyrannique. Le spectre des qualificatifs pour parler d’Elon Musk semble infini. Ce ne sont pas Béatrice Mathieu, grande reportrice à l’hebdomadaire français L’Express, et Emmanuel Botta, rédacteur en chef du magazine Capital, auteurs d’Elon Musk - L’enquête inédite (Robert Laffont, 2023) qui diront le contraire.

À défaut d’avoir réussi à parler à Musk, les coauteurs ont rencontré une centaine de personnes pour la rédaction de leur livre : anciens collaborateurs, proches, et même membres de la famille, car il est impossible de comprendre Musk sans parler de son enfance. De son grand-père aventurier par exemple, Joshua, qui a quitté le Canada pour l’Afrique du Sud.

C’est là que le jeune surdoué a grandi, dans un pays divisé au cœur d’une famille déchirée, élevé en partie par un père violent. S’il vit à Pretoria dans un quartier huppé, Musk, renfermé et introverti, n’aime pas l’école, qui le lui rend bien. Il « vit dans un monde que nul ne visite », fait de lectures de livres de science-fiction et de codage sur ordinateur.

Débarqué avec son frère Kimbal à Montréal en juin 1988, il étudie à l’Université Queen’s de Kingston puis file aux États-Unis, à l’Université de Pennsylvanie. Très vite, il lance des entreprises qui vont être des réussites (Zip2 et X.com, l’ancêtre de Paypal), mais dont il sera mis à la porte. Ses méthodes heurtent. Il en retient deux leçons : ne pas se mettre dans la main des financiers et rester le seul pilote. Mais il a aussi compris que rien n’est impossible pour ceux qui osent.

La méthode Musk

En deux décennies, Musk va concrètement révolutionner « deux des secteurs les plus technologiques, les plus capitalistiques et les plus fermés de l’industrie mondiale, à savoir l’automobile et le spatial », analysent les auteurs. Si d’innombrables fois les morts de Tesla et de SpaceX ont été anticipées (et il s’en est fallu de très peu), Musk a prouvé au contraire qu’un individu, presque seul, pouvait lancer des fusées et forcer les constructeurs automobiles à prendre le virage électrique.

Au fil des pages, on comprend à quel point la culture du risque est dans l’ADN du magnat. Derrière un ego démesuré se cache un individu prêt à briser tous les codes, nourri par une soif de revanche inextinguible, notamment envers ceux qui ont raillé ses projets ou ne l’ont pas soutenu (jusque son école à Pretoria).

En dépit des retards et des ratés – vus comme un possible prix à payer pour obtenir des résultats –, Musk le libertarien est prêt à tout, comme lancer une fusée sans avoir la permission de la Federal Aviation Administration ou démarrer la construction d’une usine géante de 300 hectares en Allemagne sans attendre le permis. « L’art de la débrouille, voire de la roublardise, constitue l’un des grands piliers de ce que l’on appellera peut-être un jour le muskisme. » Et au pire, ce sera un échec, car « si vous ne vous plantez pas à un moment, c’est que vous n’avez pas suffisamment innové ».

Intégrées verticalement pour gagner en vélocité, les entreprises de la galaxie Musk sont extrêmement agiles, car « la vitesse d’exécution est une autre marque de fabrique de Musk. Son obsession lui permet de construire son premier lanceur en trois ans, réutilisable qui plus est, là où il faut au minimum une décennie aux experts du secteur pour développer un modèle classique [non réutilisable] ».

Mais derrière cette efficacité se trouve un management brutal, humiliant. « Quand il est devant vous, il se tient exagérément droit, ne cligne pas des yeux et son regard semble vous traverser, comme s’il ne vous voyait pas. Franchement, on a plus l’impression d’avoir affaire à un robot qu’à un être humain », lâche François Chopard, le patron de Starburst, l’un des plus gros accélérateurs au monde de jeunes pousses des domaines spatial et aéronautique. Musk, qui a admis à Saturday Night Live en 2021 être atteint du syndrome d’Asperger, travaille sans compter (jusqu’à 90 heures par semaine) et attend la même chose de ses collaborateurs. « Dans sa tête, les gens sont des machines-outils : si vous ne faites plus l’affaire, on doit pouvoir trouver mieux », résume un ancien proche collaborateur.

Rêve ou délire messianique?

Il faut dire que, depuis toujours, Musk a un but précis : coloniser Mars pour pouvoir sauver l’humanité, puisqu’il considère que la Terre va mourir. Se moquant de toute notion de décroissance et des enjeux écologiques actuels, l’homme d’affaires s’est lancé dans une course technologique effrénée depuis Boca Chica, situé à l’extrême sud du Texas, à quelques kilomètres de la frontière mexicaine, d’où il construit la plus grande fusée de l’histoire.

Bien sûr, Musk a ses détracteurs, à qui sa gestion du récent rachat de Twitter et les premières semaines qu’il a passées à sa tête ont donné du grain à moudre. Mais « qu’on aime ou qu’on abhorre le personnage, force est de constater que personne avant lui n’a réussi à renverser la table dans autant d’univers différents à la fois. Personne. Steve Jobs pour son côté obsessionnel, Thomas Edison pour ses idées visionnaires et Citizen Kane pour sa démesure, Musk est tout cela, et peut-être plus encore. »

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