Monnaie numérique, monnaie courante? Une nouvelle ère s’amorce
La monnaie numérique de banque centrale (MNBC) serait une version numérique du billet de banque. (Getty Images/MoMo Productions)
Constat indéniable, depuis des années, les paiements numériques se généralisent et la tendance ne devrait pas s’essouffler de sitôt. C’est dans ce contexte que la Banque du Canada envisage de créer une monnaie numérique de banque centrale (MNBC).
« Les moyens de paiement utilisés pour acheter des biens et services ont évolué au fil du temps : billets de banque, puis chèques, puis virements électroniques, et aujourd’hui achats par carte au point de vente », explique Scott Hendry, directeur spécial principal, Technologies financières, Banque du Canada. « Récemment, de nouvelles méthodes de paiement ont fait leur apparition, et la monnaie numérique a été mise à l’essai. Le milieu est en pleine mouvance, et on se demande s’il y a lieu d’émettre une monnaie numérique de banque centrale, c’est-à-dire des billets de banque sous forme numérique. Il reste à déterminer quand et comment la Banque procéderait. »
Même si le projet n’en est qu’à l’étape de la planification préliminaire, les CPA devraient être prêts à envisager l’émergence de la MNBC pour en comprendre le but et savoir comment elle serait utilisée.
MONNAIE NUMÉRIQUE, MODE D’EMPLOI
La MNBC, c’est tout simplement une monnaie numérique émise par une banque centrale. Ces coupures auraient la même valeur que les billets de banque, mais seraient créées sous forme numérique. On ignore pour l’instant quelle présentation graphique prendrait une telle monnaie réinventée.
Comme les billets de banque (les coupures que nous connaissons tous), la MNBC devra être universellement disponible et utilisable pour divers types de paiement, de l’achat en magasin aux virements de fonds entre particuliers. « Mais contrairement aux billets de banque, elle serait utilisable en ligne également », précise Scott Hendry.
Comme le fait remarquer Malik Datardina, CPA, stratège en gouvernance, risque et conformité à Auvenir et membre du Comité sur les technologies en audit et en certification de CPA Canada, les MNBC sont appelées à accélérer et à fluidifier les paiements entre deux parties. « Mais il faudra réfléchir aux particularités en jeu pour que les virements respectent les règles sur la lutte contre le blanchiment d’argent et la connaissance du client. »
UNE MONNAIE NUMÉRIQUE, POURQUOI?
Le Canada n’est pas le seul à se pencher sur la question de la MNBC. Selon la Banque des règlements internationaux, d’autres pays étudient le dossier, notamment la Corée du Sud, le Japon et le Royaume-Uni. Scott Hendry ajoute qu’au-delà des études de faisabilité, certains s’intéressent déjà aux technologies à mettre en œuvre. La Chine a lancé des essais, et d’autres acteurs, dont les Bahamas, le Nigéria et la Eastern Caribbean Central Bank (Banque centrale des Caraïbes orientales) ont lancé leur monnaie numérique.
Selon Malik Datardina, le recours généralisé aux paiements numériques a changé la donne, à l’heure où les cryptomonnaies gagnent du terrain. Même si les cryptomonnaies, issues du secteur privé, constituent plutôt une forme distincte de capital numérique, leur montée en puissance a causé un changement de paradigme.
« Par exemple, avec le Bitcoin, les virements se font à moindres frais, quand on pense aux droits perçus par les banques », explique-t-il.
QUEL BILAN RETENIR POUR LES CPA?
Compte tenu des constats tirés par la Banque du Canada, Scott Hendry souligne qu’il est encore trop tôt pour discuter des retombées possibles pour les CPA : après tout, l’idée d’une MNBC est en développement. Mais les intéressés comptent consulter CPA Canada pour comprendre comment le travail des CPA pourrait être touché.
Il est toutefois possible d’imaginer un avenir où la monnaie numérique sera monnaie courante au Canada, dit Malik Datardina. L’exploration de données en audit et en certification, en fiscalité et dans d’autres domaines se fera davantage par voie numérique, et l’historique des opérations sera d’autant plus facile à décoder. Les CPA passeront moins de temps à réunir des données et pourront plutôt se consacrer à leur analyse.
« Du côté de l’automatisation des processus, un des défis que l’on rencontre en tant que CPA, c’est le manque d’information numérisée. Nous passons trop de temps à assembler de l’information, explique Malik Datardina. Du point de vue des CPA, la création d’une monnaie numérique par la Banque du Canada ouvre de vastes débouchés. Si les CPA avaient accès à ce type de données enrichies, le gain serait manifeste du côté de l’analytique et de la certification. Pour les CPA qui réalisent des missions de certification, ce serait l’occasion de passer à d’autres types de mandats. Par exemple, les auditeurs pourraient assurer le rapprochement entre les opérations consignées par le client et les données sur les paiements extraites des systèmes bancaires. »
UNE NOUVELLE ÈRE, MAIS QUAND?
Le projet de lancement d’une MNBC reste embryonnaire et aucun calendrier n’a été établi. La décision d’émettre ce type de monnaie reviendra au Parlement et au gouvernement. Rien n’a encore été décidé. Toutefois, si l’on utilise moins souvent l’argent comptant, et si les commerçants délaissent les billets de banque, ou encore si les cryptomonnaies ou une monnaie numérique d’un autre pays se popularisent, on pourrait y voir un signal : le moment serait propice au lancement d’une MNBC.
« La Banque du Canada se montre prévoyante en s’interrogeant sur les difficultés et sur les changements à venir dans l’univers des paiements, ajoute Scott Hendry. Nous nous préparons afin d’être proactifs – et non réactifs – dans ce dossier. Nous voulons appuyer la croissance de l’économie numérique et être à l’écoute des Canadiens et des Canadiennes. C’est essentiel pour construire et maintenir la confiance des citoyens que nous servons en tant qu’institution reconnue. »
Néanmoins, même si la monnaie numérique devient le principal moyen de paiement, l’argent comptant ne disparaîtra pas de sitôt.
« Nous remarquons un déclin dans le recours à l’argent comptant, mais c’est encore la méthode de choix pour beaucoup de gens, et la quantité de liquide en circulation continue d’augmenter, précise Scott Hendry. Certains, notamment les personnes marginalisées et les membres des collectivités éloignées, manient surtout des espèces, au quotidien. La Banque continuera à privilégier les billets de banque et pièces de monnaie aussi longtemps qu’il y aura de la demande. »
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