Cette CPA veut améliorer l’expérience des immigrantes à leur arrivée au Canada
Originaire d’Enugu, ville animée du sud-ouest du Nigéria, Ifeoma Ngwudike a toujours voulu se bâtir une brillante carrière et parcourir le monde. Fraîchement diplômée en comptabilité à l’Université du Nigéria, elle rejoint ainsi son mari à Trévise, en Italie. Là-bas, elle met sa carrière sur la glace pour fonder une famille. Elle ne la reprend que dix ans plus tard, en 2008, quand, avec son conjoint et ses quatre enfants, elle s’installe à Calgary, pour ensuite devenir CPA, en 2012.
En 2021, forte de son expérience d’immigrante canadienne et de mère au travail, Ifeoma Ngwudike écrit le livre The Successful Immigrant Woman et devient accompagnatrice à la réussite. Chaque année, le Canada accueille des centaines de milliers d’immigrants (470 000 en 2023). Ces nouveaux arrivants se heurtent à de nombreux obstacles, comme la hausse des frais de logement et la forte concurrence sur le marché du travail. « Tous arrivent ici en se faisant une image de leur nouvelle vie de rêve, mais il n’est pas rare de voir cette image se transformer en mirage. » C’est cette triste réalité qui pousse Ifeoma Ngwudike à aider les immigrants à s’acclimater, à s’épanouir et à se donner les moyens de leurs ambitions.
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Quel a été le plus gros obstacle lors de vos débuts en comptabilité au Canada?
Je ne connaissais rien de rien de la culture de travail. Je craignais l’inconnu; non seulement j’étais une nouvelle arrivante, mais je n’avais pas mis les pieds dans un bureau depuis plus de dix ans. Je m’étais jusque-là concentrée sur mes enfants, ce qui fait que mes interactions se résumaient pour l’essentiel à des discussions avec d’autres familles au parc ou à la piscine. Mais j’avais confiance en mes compétences comptables. Je suivais alors un programme CMA pour les professionnels formés à l’étranger, et je prenais quelques contrats de tenue de comptes et de conseil pour gagner en expérience au Canada. N’empêche, j’avais besoin qu’on me guide dans le dédale de conventions en usage sur le marché du travail. Qu’est-ce qui est considéré comme une tenue professionnelle acceptable? Comment trouver un emploi et aborder une entrevue? Jusqu’aux menus détails, je me questionnais. Quelle fermeté doit avoir une poignée de main? Pendant combien de temps maintenir le contact visuel en réunion?
Comment avez-vous surmonté cet obstacle?
J’ai posé toutes ces questions, et bien d’autres, à des professionnelles de ma région. Je voulais en apprendre plus sur l’étiquette au travail, et savoir comment les autres mères réussissaient à équilibrer travail et famille. Un jour, j’ai pris contact avec la vice-présidente du Bow Valley College, sans trop d’attentes. À ma grande surprise, elle était plus que ravie de m’aider. Elle a insisté sur l’importance d’une bonne organisation pour éviter que la vie privée ne déborde sur la vie professionnelle. (Elle m’a même recommandé des tenues sans repassage!) Mais ce que j’ai surtout retenu de nos échanges, c’est qu’il ne faut pas avoir peur de demander de l’accompagnement professionnel, parce qu’il y a fort à parier qu’on vous en offrira volontiers.
Pourquoi avoir choisi de devenir accompagnatrice à la réussite?
Quelques mois avant de devenir CMA, j’ai décroché le poste d’analyste financière au Bow Valley College, où travaillait ma première mentore. Je faisais partie du service des finances, mais j’avais soif d’élargir mes horizons. Un jour, j’ai accepté d’aider un collègue des services aux étudiants pour un projet d’envergure, et je suis restée dans l’équipe par la suite. J’aidais les étudiants à déterminer leurs objectifs de carrière et à se doter d’un plan pour les atteindre. Je reconnaissais dans leurs embûches celles-là mêmes qu’avaient rencontrées plusieurs immigrantes que j’avais côtoyées durant mon parcours CMA. Des femmes qui venaient ici pour démarrer leur entreprise ou pour gravir les échelons, mais qui, une fois installées, peinaient à y arriver.
M’ayant bâti une nouvelle vie deux fois plutôt qu’une – d’abord comme mère en Italie, puis comme CPA au Canada –, j’ai compris que je pouvais aider les autres à réaliser tout leur potentiel. Que ce soit avec mes propres enfants, des étudiants ou des immigrantes et des femmes des collectivités autochtones, noires et de couleur, j’étais douée pour pousser au dépassement. Fin 2021, j’ai décidé de concrétiser ma passion en fondant mon entreprise d’accompagnement à la réussite. Elle se nomme Yes2Amazing parce que j’ai la conviction que pour exceller, il faut d’abord dire oui aux occasions formidables et stimulantes qui se présentent!
D’après votre expérience, quel est le plus grand obstacle pour vos clientes?
J’ai appris l’anglais assez jeune, mais beaucoup de professionnelles immigrantes n’ont pas eu la même chance. Elles sont nombreuses à avoir été premières de classe et à s’être illustrées dans leur domaine avant d’arriver ici. Cela dit, à défaut de maîtriser l’anglais, elles ont du mal à atteindre le même niveau d’excellence au Canada. Cette barrière linguistique mine leur confiance et les fait douter de leurs compétences, parfois au point de développer le syndrome de l’imposteur. Des doutes qui sont autant de distractions et de freins à la communication au travail ou en entrevue.
Quelles approches utilisez-vous pour aider vos clientes à réussir au Canada?
Il est extrêmement frustrant de ne pas pouvoir communiquer ses forces et sa valeur à son employeur ou à ses collègues. C’est pourquoi je commence par cerner les forces de ma cliente et par l’aider à trouver la meilleure manière de les exprimer et d’en tirer parti. Ensuite, je parle d’intentionnalité : que ce soit dans le contexte d’une réunion, d’une entrevue ou d’une activité de réseautage, il est important de savoir ce qu’on apporte, et ce qu’on souhaite en tirer. Quand la langue est une barrière, on peut parvenir à communiquer même les idées les plus complexes en en distillant l’essentiel. Ce principe m’a d’ailleurs guidée dans la rédaction de mon livre, où j’utilise un langage simple et à la portée de tous.
Pourriez-vous nous parler d’une histoire de réussite qui vous a particulièrement marquée?
Absolument. J’ai fait la rencontre d’une Vénézuélienne lors d’un événement pour entrepreneurs immigrants à Calgary. Elle et son partenaire ont une entreprise de rénovation. En aidant des proches à s’installer au Canada, elle a constaté de visu les effets de la crise du logement qui fait rage dans tout le pays. Elle m’a expliqué que les coopératives d’habitation sont très courantes au Vénézuéla et qu’elle voulait construire des logements abordables ici, mais qu’elle ne savait pas trop comment elle devait s’y prendre. Je lui ai fait remarquer qu’elle avait déjà cerné l’intention principale derrière son projet : favoriser l’accès à des logements abordables. Je lui ai conseillé de garder à l’esprit cette intention dans tout ce qu’elle entreprendrait. Récemment, elle m’a confié que cette simple pensée l’avait aidée à concentrer ses efforts, et qu’elle était sur le point de lancer sa nouvelle entreprise.
Sur quels autres projets travaillez-vous?
Le fait est que les immigrantes ont un bagage d’expériences et de perspectives variées. Elles jettent un éclairage inédit sur des problèmes de longue date ici, et proposent des solutions novatrices. Ce que je veux, c’est les aider à réaliser leurs aspirations, et nous encourager à tirer parti de cette ressource précieuse. Je travaille actuellement sur des cours et des stratégies sur mesure en matière de finances personnelles, mon but étant de procurer aux immigrantes la confiance et les moyens nécessaires pour réussir. La littératie financière est cruciale sur le marché concurrentiel canadien, surtout pour les entrepreneurs, qui doivent chercher du financement et gérer leurs finances. Pour moi, mon travail consiste à outiller les immigrantes et à les faire gagner en confiance, parce qu’au bout du compte, tout le monde y gagne.