Passer au contenu principal
Une femme d’âge moyen s’exprime pendant une réunion.
Outils

Manque de parrainage : un obstacle majeur à l’arrivée des femmes au sein des conseils d’administration

Une nouvelle étude fait le point sur l’expérience des femmes canadiennes qui souhaitent devenir membres d’un conseil d’administration.

Une femme d’âge moyen s’exprime pendant une réunion.Une femme d’affaires asiatique d’âge moyen discute avec des collègues durant une réunion hebdomadaire. (Getty Images / SDI Production)

La diversité au sein des conseils d’administration au Canada a progressé depuis l’adoption en 2015 de règles de divulgation obligatoire pour les sociétés ouvertes constituées sous le régime fédéral. Toutefois, selon une nouvelle étude de l’Université Mount Royal et de DirectHer Network, 20 % des entreprises qui présentent l’information ne comptent pas de femmes ou de personnes de diverses identités de genre au sein de leur conseil.

Nous nous sommes entretenus avec l’auteure principale du rapport sectoriel 2023, Rachael Pettigrew, Ph. D., professeure agrégée à l’Université Mount Royal. Elle animera la séance Voies d’accès au conseil d’administration pour les femmes dans le cadre du Symposium virtuel sur les facteurs ESG de CPA Canada, les 30 et 31 mai 2023.

CPA CANADA : Comment est né ce projet et quels ont été, pour vous, les résultats les plus étonnants?
Rachael Pettigrew (RP) : À l’été 2021, j’ai été présentée à Chantel Cabaj, avocate, fondatrice et présidente du DirectHer Network, un organisme sans but lucratif (OSBL) de Calgary qui offre de la formation en gouvernance aux femmes et aux personnes de diverses identités de genre. Chantel et moi partagions un vif intérêt à l’égard d’une représentation diversifiée dans les postes de leadership, notamment au sein des conseils d’administration. Par l’entremise du DirectHer Network qu’elle a fondé en 2019, Chantel a créé une communauté de milliers de femmes de partout au pays qui recherchent des postes dans des conseils d’administration d’organisations de tous les secteurs.

À titre de professeure agrégée à la Bissett School of Business de l’Université Mount Royal, je fais des recherches sur diverses questions liées à l’identité de genre sur le marché du travail. Compte tenu de nos parcours respectifs, nous avons établi un solide partenariat de recherche pour explorer les aspirations et les expériences des femmes et des personnes de diverses identités de genre en matière de gouvernance des conseils d’administration, ainsi que les obstacles qu’elles ont dû surmonter. Nous nous sommes intéressées plus particulièrement aux personnes qui cherchent une voie d’accès aux conseils d’administration, car il y a peu de recherches à ce sujet. Grâce à une subvention d’engagement partenarial du CRSH et à l’aide d’une formidable adjointe à la recherche, Quinn Pelland, nous avons mené un sondage et des groupes de discussion en 2022, puis rédigé un rapport public à l’intention des principales parties prenantes. Nous sommes ravies de présenter nos premiers résultats à CPA Canada dans le cadre de son prochain Symposium sur les facteurs ESG.

CPA CANADA : Que peuvent faire les organisations pour offrir aux femmes une voie d’accès à leur conseil d’administration? Ont-elles avantage à favoriser une plus grande diversité aux échelons supérieurs?
RP : Des recherches précédentes ont révélé que les conseils d’administration plus diversifiés prennent de meilleures décisions et sont plus efficaces, mais il faut aussi dépasser les analyses de rentabilité pour s’assurer que les organes décisionnels reflètent la diversité de notre population. Notre étude met en lumière le vaste bassin de talents disponibles et démontre la volonté des personnes sondées de siéger à tout type de conseil (entreprises, OSBL, organismes du secteur public).

Notre rapport préliminaire formule plusieurs recommandations clés à l’intention des conseils, y compris revoir la stratégie de recrutement et ne pas se limiter aux réseaux personnels, qui regroupent souvent des gens semblables à nous. Pour contrer cette tendance, les conseils d’administration devraient ratisser plus large. Par exemple, ils pourraient établir des relations avec les services et les plateformes d’inscription, les agences de recrutement, les associations professionnelles et divers groupes communautaires afin de mieux faire connaître les postes à pourvoir. Le conseil doit néanmoins veiller à respecter le temps et les efforts consacrés par ces organisations à l’établissement de leurs réseaux.

CPA CANADA : Au Canada, les OSBL affichent la plus grande proportion de femmes qui siègent à des conseils d’administration, tandis que les entreprises à but lucratif présentent le plus faible pourcentage. Pourquoi?
RP : Nos recherches ont montré que les candidates se divisaient en trois groupes : celles qui avaient l’ambition de siéger à un conseil, mais ne l’avaient pas encore fait; celles qui souhaitaient seulement mettre à profit leurs connaissances et leur expérience pour soutenir un OSBL qu’elles avaient à cœur; et celles dont la visée stratégique consistait à accroître la taille du conseil et la responsabilité de celui-ci dans le but ultime d’obtenir un poste rémunéré au sein du conseil d’administration d’une entreprise à but lucratif.

Généralement, les conseils des OSBL présentent moins d’obstacles à l’entrée, sont plus accessibles et misent moins sur le parrainage, l’expérience d’un poste de direction ou une formation particulière. Les personnes qui s’engagent sur la voie stratégique commencent souvent à siéger au conseil d’un OSBL de petite taille pour acquérir de l’expérience, avant de passer successivement au conseil d’un OSBL plus grand, d’un organisme du secteur public, d’une petite entreprise à but lucratif et ainsi de suite.

Selon les sujets ayant participé à notre recherche, les obstacles augmentent à mesure qu’on gravit les échelons. Par exemple, le parrainage (c.-à-d. le recours au réseau personnel ou professionnel pour proposer une candidature à un poste) ou, à l’inverse, l’absence de parrainage était un obstacle pour tous les conseils d’administration, dans une proportion de 46 % pour les OSBL, de 59 % pour les organismes du secteur public et de 71,5 % pour les entreprises à but lucratif.

L’accès aux postes à pourvoir, l’accès aux réseaux, l’expérience antérieure au sein d’un conseil et la formation constituaient aussi des obstacles. Il faut noter, cependant, que les personnes qui avaient suivi une formation étaient beaucoup plus susceptibles de siéger à un conseil.

CPA CANADA : Même si la majorité des personnes ayant participé à l’étude ont dit se sentir compétentes et prêtes à siéger à un conseil d’administration, et que 70 % d’entre elles ont déjà de l’expérience en la matière, environ la moitié ont indiqué que le manque de confiance constituait un obstacle. Comment expliquent-elles ce manque de confiance?
RP : Les femmes et les personnes de diverses identités de genre qui font partie de l’étude sont très prospères et instruites, mais elles se sont probablement fait dire à quoi ressemblait un administrateur idéal et ne pensent peut-être pas correspondre à cette image. Certaines avaient le sentiment que les conseils d’administration ne s’intéressent qu’aux avocats et aux comptables, tandis que d’autres, surtout celles qui ciblent les conseils d’administration d’entreprises à but lucratif, estimaient qu’un titre ou un poste de chef de la direction ou de vice-président principal est le principal atout recherché pour travailler au sein d’un conseil. Pour d’autres, comme personne ne leur ressemble dans les conseils, un poste d’administrateur semblait inatteignable.

Comme nous l’avons déjà mentionné, les obstacles réels et perçus associés aux conseils d’administration d’entreprises à but lucratif sont beaucoup plus importants que ceux liés aux conseils d’administration d’OSBL. De plus, les niveaux de confiance diffèrent : 28,7 % des personnes ayant participé estiment que la confiance est un obstacle pour les conseils d’administration d’OSBL, contre 46,6 % pour ceux d’entreprises à but lucratif. La confiance n’est pas seulement une qualité interne ou intrinsèque; elle est influencée par les réalités externes, y compris le manque de représentation.

Les attentes liées aux compétences ont aussi une grande incidence sur la confiance. Les femmes et les personnes de diverses identités de genre sont plus enclines à renoncer à poser leur candidature lorsqu’elles ont l’impression de ne pas posséder toutes les qualifications. Par conséquent, les conseils d’administration devraient définir plus clairement le profil des administrateurs recherchés et tenir compte du fait que les candidats pourraient avoir des idées fausses sur les exigences en matière d’expérience professionnelle, de postes occupés et de profession.

FEMMES ET LEADERSHIP

Découvrez pourquoi il est important d’ouvrir les conseils d’administration à la diversité, comment le fait d’avoir plus de femmes à des postes de direction contribue à l’amélioration des résultats et comment les femmes peuvent trouver leur voix comme dirigeantes. Enfin, n’oubliez pas de vous inscrire au Symposium sur les facteurs ESG de CPA Canada, les 30 et 31 mai 2023.