Stefanie Ricchio, défenseure des droits des personnes handicapées, et son fils
Affaires et économie

Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées : la bataille d’une CPA pour une réforme à la grandeur du pays

Stefanie Ricchio, défenseure des droits des personnes handicapées, CPA, CGA, présente son point de vue sur la transformation du système de soutien canadien pour les personnes handicapées.

Stefanie Ricchio a commencé à défendre les droits des personnes handicapées le jour où l’on a voulu exclure son enfant. Après avoir diagnostiqué chez son fils de trois ans un trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention, une perte auditive et un retard de la parole, les médecins et leurs conseillers ont déclaré que celui-ci ne lirait jamais, n’écrirait pas, n’aurait pas d’amis, bref qu’il ne franchirait pas les étapes importantes et normales de la vie.  

Qu’à cela ne tienne, Stefanie Ricchio a mis sa carrière de CPA entre parenthèses afin d’apporter à son fils toute l’aide nécessaire pour qu’il puisse vivre une vie épanouie. Aujourd’hui, à 15 ans, celui-ci a défié tous les sombres pronostics et il vient de terminer sa première session de la 9e année (3e secondaire) avec une inscription au tableau d’honneur.   

Le refus catégorique de sa mère d’accepter les limitations imposées par d’autres et son engagement indéfectible à assurer le bien-être de son fils l’ont amenée à explorer le monde complexe des prestations d’invalidité et, par conséquent, à aider les autres à en faire de même.  

La travailleuse autonome et défenseure des droits des personnes handicapées fait partie des nombreux Canadiens qui se désolent des récentes nouvelles concernant le progrès de la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées (projet de loi C-22). Dans le budget fédéral de 2024, le gouvernement a confirmé que la prestation annuelle maximale sera de seulement 2 400 $ par année, ce qui est nettement insuffisant pour résoudre la question urgente de la pauvreté, selon Stefanie Ricchio : « L’ajout d’un maigre 200 $ par mois au montant maximal du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées laisse le revenu d’une personne handicapée loin derrière celui d’une personne seule sans handicap admissible au Supplément de revenu garanti, et je ne comprends pas pourquoi nous ne visons pas la parité immédiatement. » 

« Pensez au coût moyen du logement au Canada à l’heure actuelle. Une prestation inférieure à 2 800 $ en tout ne permet absolument pas de joindre les deux bouts. Et que dire des difficultés liées aux coûts des soins thérapeutiques supplémentaires, des appareils médicaux, ou encore de l’effet de l’inflation sur le prix de l’essence et de la nourriture? Et puis l’épargne en cas d’urgence, dans tout ça? » 

Rabia Khedr, directrice nationale du mouvement Le handicap sans pauvreté, était découragée de voir ce qui est advenu du projet de loi C-22. « Tout au long du processus, le projet de loi faisant l’unanimité. C’était prometteur. Il y avait un formidable esprit démocratique au Parlement afin de l’entériner. Le projet de loi a obtenu la sanction royale en juin 2023 », indique-t-elle. Toutefois, un remaniement ministériel et un nouveau ministre plus tard, un processus de consultation était annoncé. Préoccupées, la directrice nationale et son équipe ont lancé leur propre processus de consultation, baptisé Définir la prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap (PCPSH).  

En mars, l’équipe a produit un rapport intitulé Le handicap avec possibilités, qui fait état de commentaires de milliers de personnes, recueillis au moyen d’un questionnaire en ligne et de conversations entre pairs (en plus d’une campagne de cartes postales). « Nous avons consenti énormément d’efforts pour que la PCPSH soit prévue au budget, et on nous a donné beaucoup d’espoir. À la réunion prébudgétaire, quand nous avons pris connaissance du projet de loi remanié, avant son dépôt officiel au Parlement, nous avons tous été pris par surprise à la vue du montant, mais aussi des critères d’admissibilité très restrictifs », raconte Rabia Khedr. 

« Deux cents dollars par mois ne permettront pas aux personnes handicapées de sortir de la pauvreté. On ne fait qu’effleurer le problème. C’est très peu d’argent pour très peu de gens. »  

« Les personnes handicapées ne demandent pas la charité; elles souhaitent travailler au même titre que les personnes sans handicap. Elles souhaitent contribuer à leur famille, à leur quartier, à leur collectivité et à la société dans son ensemble », poursuit celle qui occupe aussi les fonctions de chef de la direction de DEEN Support Services, une organisation de soutien aux personnes handicapées créée par des Canadiens musulmans pour les Ontariens. 

Selon elle, l’étape suivante consiste à voir ce qui sera inclus dans les règlements d’application, qui nous éclaireront sur ce qui s’en vient. « Notre travail consiste maintenant à nous assurer que ces règlements reflètent ce que veulent les personnes handicapées, et que leurs commentaires sont pris au sérieux et intégrés à ceux-ci, plutôt que d’être écartés. » 

« Il ne s’agit pas de donner le strict minimum aux personnes handicapées et de leur demander de se débrouiller. Nous voulons qu’elles puissent s’épanouir, pas juste survivre », souligne Stefanie Ricchio, qui estime avoir dépensé au moins 25 000 $ en orthophonie et autres thérapies développementales pour son fils. 

Plus d’une personne sur quatre est handicapée au Canada. Les personnes handicapées se heurtent régulièrement à des obstacles à l’emploi et sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que leurs concitoyens sans handicap. Elles représentent 13,6 % des ménages qui font appel aux banques alimentaires au Canada. Personne n’est à l’abri de cette triste réalité. 

« Près de 50 % des Canadiens vivent d’un chèque de paie à l’autre. C’est donc dire que chacun d’entre nous est à un diagnostic près de voir ses moyens de subsistance financiers s’écrouler, fait remarquer la CPA. Nous devrions tous faire front commun dans cette bataille, car si jamais nous en avons besoin, les programmes et le soutien nécessaires auront déjà été mis en place. »