Un employé d'entreprise portant un bracelet Pride utilise son smartphone à l'extérieur
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La communauté LGBTQ2SIA+ se sent-elle la bienvenue au sein des cabinets comptables canadiens?

Selon les défenseurs des principes de diversité, d’équité et d’inclusion, les organisations doivent concrétiser leurs engagements publics pour susciter de véritables changements.

Un employé d'entreprise portant un bracelet Pride utilise son smartphone à l'extérieur Un employé à l’extérieur portant un bracelet aux couleurs de la fierté, téléphone intelligent à la main. (Shutterstock/ Alvan.ph)

Le Mois de la Fierté est l’occasion de nous pencher sur la richesse que constitue la diversité au sein de notre société et sur les progrès réalisés en matière de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) au travail. Cependant, de l’avis de CPA engagés dans cette cause, il subsiste encore de sérieuses lacunes à corriger dans certaines organisations.

« Ma sortie du placard, en 2001, a été tout sauf facile », confie Mary Lou Maher, FCPA, qui siège aux conseils d’administration de la CIBC, de Magna International, de CAE, du Conseil canadien sur la reddition de comptes et de l’Université McMaster. Auparavant, elle a aussi été associée directrice nationale, Qualité et gestion des risques, chez KPMG Canada de même que chef mondiale, Inclusion et diversité, pour KPMG. « Et il y en a qui hésitent encore à s’ouvrir sur leur identité sexuelle au travail, n’y voyant pas un milieu sûr pour le faire. Cela dit, je sens que les organisations tentent désormais de créer un environnement propice. »

Elle ajoute que plusieurs entreprises auxquelles elle a été associée ont pu mettre en place des groupes de ressources, notamment des réseaux de la fierté. « Je me rappelle quand j’ai mis sur pied un réseau mondial de la fierté chez KPMG, évoque-t-elle. Nous étions présents dans des pays où ce n’est même pas légal de sortir du placard, alors vous pouvez vous imaginer l’importance de ce réseau pour les membres de notre communauté. Je me suis toujours sentie fière d’avoir pu leur donner cet espace sécuritaire où être soi-même. »

Mary Lou Maher, ancienne chef mondiale, Inclusion et diversité, KPMG. (Image fournie par Mary Lou Maher)Mary Lou Maher, ancienne chef mondiale, Inclusion et diversité, KPMG. (Image fournie par Mary Lou Maher)

Michael Cherny, ancien leader principal, Centre de la confiance, Deloitte Canada. (Image fournie par Michael Cherny)Michael Cherny, ancien leader principal, Centre de la confiance, Deloitte Canada. (Image fournie par Michael Cherny)

LES CABINETS COMPTABLES, DES ALLIÉS?

Au début de 2021, l’Institute of Management Accountants et la California Society of Certified Public Accountants ont publié un rapport qui révélait que 18 % des répondants issus de la diversité, y compris ceux qui s’identifiaient comme des membres d’une minorité en ce qui a trait à l’orientation sexuelle, avaient décidé de quitter la profession comptable aux États-Unis.

Intitulé Diversifying U.S. Accounting Talent: A Critical Imperative to Achieve Transformational Outcomes, ce rapport notait que le motif invoqué par ces personnes était un apparent manque d’équité et d’inclusion.

« Je crois que nous avons encore du chemin à faire, mais il n’en demeure pas moins que les entreprises canadiennes ont progressé et qu’elles travaillent à établir des politiques et pratiques de DEI rigoureuses », précise Mary Lou Maher, qui ajoute que dans les conseils d’administration où elle siège, « on encourage les gens à être eux-mêmes et à sortir du placard ». Même constat encourageant du côté de Michael Cherny, CPA, directeur, Diversité, équité et inclusion, pour le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, à Toronto, et membre du Conseil de CPA Ontario.

Or, celui qui travaillait auparavant chez Deloitte Canada et qui appartient aussi à la communauté LGBTQ2SIA+ (lesbienne, gaie, bisexuelle, transgenre, queer ou en questionnement, bispirituelle, intersexuée, asexuelle et autre) reconnaît qu’il reste encore beaucoup à faire. « N’empêche, je vois des progrès, les initiatives de DEI démontrant que l’on est vraiment mieux conscientisés à cette cause et que l’on s’y investit davantage. »

Michael Cherny mentionne, par exemple, les plans de réconciliation avec les Autochtones de même que les engagements forts que prennent certaines entreprises, comme les drapeaux qu’elles hissent en reconnaissance de la communauté LGBTQ2SIA+.

« Chaque petit geste compte », souligne-t-il.

Michael Cherny était auparavant leader principal, Centre de la confiance, chez Deloitte Canada. « L’attention accordée à la DEI était une composante importante de ce poste pour moi », confie-t-il.

Malgré les avancées réalisées, il subsiste encore de sérieuses lacunes à corriger dans certaines organisations.

La principale, pour beaucoup d’entre elles, étant le manque de réels changements sur le terrain.

Michael Cherny a ainsi entendu, ici comme ailleurs, plusieurs histoires d’employeur disant faire la promotion de la DEI pour attirer des talents. Mais quand ils se rendent compte que ces promesses ne sont pas vraiment concrétisées, ces mêmes talents sont souvent tentés de tourner les talons.

Parfois, ajoute Mary Lou Maher, la haute direction et le personnel sont favorables à d’ambitieuses initiatives de DEI, mais certains cadres intermédiaires refusent de les mettre en pratique. Pour prévenir cette situation, la direction doit s’assurer d’obtenir leur adhésion, sans quoi les démarches peuvent complètement avorter, voire causer plus de tort encore, prévient-elle.

Les microagressions au travail peuvent aussi s’accumuler au fil du temps. Par exemple, explique la CPA, quelqu’un peut faire une blague qu’il croit drôle sur la vie personnelle d’un collègue pendant une réunion, mais qui s’avère blessante. Si on ne tente pas de les désamorcer, ces incidents peuvent grandement affecter le moral de l’équipe.

Si une personne victime de discrimination signale le problème, mais que rien n’est fait pour régler la situation de matière respectueuse, il pourrait aussi y en avoir qui veulent quitter l’organisation, rappelle Michael Cherny.

PRATIQUES EXEMPLAIRES

Certaines mesures clés ont fait leurs preuves.

Pour réussir la mise en œuvre de leurs pratiques et politiques de DEI, les organisations doivent pouvoir compter sur un leader prêt à prêcher par l’exemple en adoptant les bons comportements, observe Mary Lou Maher.

La diversité doit aussi être présente au sein de l’équipe de direction. « Les gens aiment que leurs dirigeants leur ressemblent. Si tous les membres du conseil d’administration ou du comité de gestion sont des hommes blancs, comment peut-on sentir qu’on a sa place dans l’organisation et qu’on peut briller? », poursuit Mary Lou Maher.

À l’époque où elle travaillait chez KPMG, le cabinet a formé un comité de direction où régnait la diversité, et c’est toujours le cas aujourd’hui.

La formation des cadres en matière d’inclusion est aussi primordiale. Il faut entre autres acquérir une bonne compréhension de ses partis pris et des répercussions qu’ils peuvent avoir sur les décisions que l’on prend, explique-t-elle.

Pour Michael Cherny, les quotas de recrutement, ces mécanismes destinés à favoriser la diversité, « produisent l’effet contraire et sont inefficaces », en plus de ne pas encourager l’attitude voulue au sein de l’organisation, notamment chez les décideurs. Cette mesure peut aussi être dommageable : elle peut créer des tensions dans les équipes, par exemple si des gens croient qu’une personne est là pour l’atteinte d’un quota et non pour ses compétences ou la valeur qu’elle peut ajouter.

Sans compter, ajoute-t-il, que « les personnes embauchées dans ce contexte se sentent souvent impuissantes et pas nécessairement reconnues pour ce qu’elles peuvent apporter ».

Toujours selon lui, l’établissement de cibles de formation en matière de DEI, comme un certain nombre d’heures sur des sujets donnés, ainsi que d’objectifs servant à mesurer les progrès réalisés, même petits, est plus efficace et réaliste que l’application de quotas de recrutement.

Pourquoi? Parce qu’il faut du temps pour améliorer la représentation de tous les groupes démographiques, surtout dans les organisations où la rotation de personnel ou la croissance des effectifs est faible.

L’équité salariale est un autre volet important qui a des retombées majeures quand la politique sous-jacente est bien mise en œuvre et communiquée. Certaines organisations sont dotées d’une bonne politique de rémunération, mais elles n’en font pas la promotion à l’interne ou à l’externe, mentionne Michael Cherny. Par conséquent, les candidats ne sont pas au courant, et l’employeur passe à côté de ce qui pourrait constituer un avantage concurrentiel.

« La sensibilisation est tout aussi importante que les mesures adoptées, parce qu’elle accroît la confiance », fait-il valoir.

Il est aussi crucial d’offrir des avantages sociaux équitables, par exemple une politique de congé parental qui soutient tous les parents ou un régime d’assurance reconnaissant les différentes situations conjugales (couples de genre différent ou de même genre), continue Michael Cherny.

Ces mesures d’inclusion établissent un lien de confiance avec le personnel, qui le rend à l’organisation en lui restant fidèle et en innovant, entre autres bénéfices, ajoute-t-il.

Le changement ne s’opère pas du jour au lendemain. Mais la bonne nouvelle pour les entreprises et la société en général, c’est que l’adhésion aux principes de DEI et l’adoption de bonnes pratiques dans ce domaine vont bon train – et que tout indique que les progrès se poursuivront.

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