Les comptables ne peuvent que tirer avantage de l’IA
Les CPA devront comprendre les langages de programmation comme SQL et Python pour manipuler et transformer les données en analyses pleines d’enseignements. (Shutterstock/Zapp2Photo)
Robots conversationnels, voitures autonomes, recommandations personnalisées de la part de Netflix... De nos jours, impossible de ne pas remarquer les percées de l’intelligence artificielle (IA). Ces progrès fabuleux suscitent néanmoins des craintes à propos des conséquences possibles sur les emplois. Comme l’explique Michael Wong, CPA, directeur de projets, Recherche, orientation et soutien, à CPA Canada, « maintenant que l’IA est décidément sur une belle lancée, tout le monde en parle, à la fois avec enthousiasme et avec appréhension ».
Les comptables, eux, doivent-ils craindre pour leurs emplois?
Selon M. Wong, auteur du document Mégadonnées et intelligence artificielle – L’avenir de la comptabilité et de la finance publié par CPA Canada, il ne fait pas de doute que l’intelligence artificielle aura une incidence sur notre profession. Mais l’IA ne va pas remplacer pour autant les CPA si ceux-ci accueillent à bras-le-corps les nouvelles technologies et tirent parti des occasions qu’elles créent. « Essentiellement, l’intelligence artificielle va simplifier bien des tâches, mais ne va pas éliminer nos emplois », soutient-il.
Jeff Lui, CPA, directeur de la pratique IA chez Deloitte, est du même avis.
« Les entreprises ont souvent des réflexions extrêmes et s’imaginent que des machines pourront faire rouler toutes leurs activités, affirme-t-il. En réalité, dans un proche avenir en tout cas, les robots vont simplement nous faciliter la vie et nous rendre plus efficients. »
Voici quatre façons dont l’IA va toucher le travail des CPA – et comment ceux-ci peuvent se préparer pour l’avenir.
1. MEILLEURE PRODUCTIVITÉ
Avec le déploiement des outils à base d’intelligence artificielle, bon nombre de tâches routinières seront éliminées. Il ne sera plus nécessaire de catégoriser manuellement les dépenses, parce qu’un logiciel pourra apprendre en fonction de la façon dont les transactions antérieures ont été catégorisées, et exploiter ses connaissances pour catégoriser automatiquement les dépenses par la suite – même de nouveaux types de dépenses. Par ailleurs, les drones reposant sur l’intelligence artificielle peuvent servir à réaliser l’inventaire physique des stocks. Ainsi, une entreprise n’aurait pas à envoyer des auditeurs procéder au dénombrement des stocks dans un endroit possiblement dangereux, comme un chantier de construction.
Le recours aux drones (ou autres outils censés augmenter la productivité) ne va pas non plus évincer les auditeurs. Les ressources technologiques vont par contre libérer du temps pour ces professionnels, qui pourront ainsi exécuter plus de tâches à valeur ajoutée. Qui plus est, leur jugement aura toujours sa place.
« Un drone peut compter des articles et faire état de ses constatations, mais il faudra quelqu’un pour valider tout ça », lance M. Wong.
M. Lui abonde dans le même sens : « Les robots ne sont pas parfaits. Pour parvenir à un degré élevé de précision, ils doivent tenir compte d’une énorme quantité de données. Et sans contredit, les humains doivent toujours être dans le décor pour maintenir un bon niveau de certitude. C’est que, voyez-vous, l’intuition humaine manque aux outils fondés sur l’IA. Si je montre une photo d’un dinosaure à un enfant, il saura me dire que c’est un dinosaure. Dans le cas de la machine, il lui faudra avoir vu et analysé des milliers de photos de dinosaures pour “apprendre” de quoi a l’air un tel animal. »
2. MEILLEURES PRÉVISIONS – PLUS VITE ET À COÛT MOINDRE
Avec la croissance des données de sources non traditionnelles et les progrès de l’IA, il devient possible de tirer parti de l’analytique évoluée.
« Grâce à l’intelligence artificielle, on peut analyser encore plus de données, provenant d’un grand nombre de sources, en vue de parvenir à des prévisions d’une plus grande qualité, par rapport aux méthodes traditionnelles, explique M. Wong. De plus, les robots peuvent déceler, parmi cette quantité vertigineuse de données, des corrélations qui ne nous étaient pas évidentes. Par exemple, une entreprise a pu se rendre compte, grâce à l’intelligence artificielle, qu’une de ses saveurs de yogourt était moins populaire que les autres par temps chaud. Elle a réduit la production de cette saveur et, par conséquent, les pertes, pendant la période estivale. »
Dans ce monde hyper-informatisé, les CPA devront évoluer en exploitant tout l’éclairage que peut fournir l’intelligence artificielle au moment d’élaborer des prévisions. Michael Wong : « Le jugement des CPA sera utile comme jamais. Parce qu’il faudra toujours un garde-fou humain pour se demander si ce que la machine avance a du sens et peut être appliqué. »
3. MODIFICATION DU PROCESSUS D’AUDIT
Au cours des 5 à 10 prochaines années, le terme « audit » pourrait bien prendre un autre sens, selon M. Lui. Au fur et à mesure que l’IA sera monnaie courante dans les entreprises, les cabinets comptables vont eux aussi vivre une évolution. La vérification des états financiers représentera une moins grande part de leurs revenus, car les comptables vont être appelés à auditer des algorithmes et des ensembles de données. « Ça représentera une grande part de leur chiffre d’affaires », croit-il.
Grâce à la puissance de l’IA et à l’apprentissage machine, les auditeurs vont pouvoir sonder la totalité des données d’une entreprise. « Supposons que j’aie 500 documents d’un client, explique M. Lui. Au lieu de tenir compte d’un échantillon, comme pour la plupart des audits, je serai en mesure de procéder à une analyse de tous ces documents, mot par mot, et de fouiller jusqu’au moindre détail. Cela dit, nous ne pourrons jamais être sûrs à 100 % qu’il n’y a pas de fraude, mais il est certain qu’on aura pu se pencher sur la totalité des documents et faire tous les contrôles nécessaires. Et aussi, on peut supposer que des personnes mal intentionnées trouveront le moyen de commettre des malversations non détectables par les algorithmes. »
M. Lui a également entendu parler d’entreprises qui font des audits en temps réel. « Au lieu de mener un audit des états financiers une fois l’an, elles ont mis en place un système de surveillance permanent. Ainsi, ces entreprises disposent toujours de données à jour, et ne sont plus confrontées à des surprises à la fin de l’exercice. »
4. NÉCESSITÉ D’ACQUÉRIR DE NOUVELLES COMPÉTENCES
Même si les outils IA sont surtout conçus par des informaticiens, les comptables feront assurément partie du processus. Comme le pense M. Lui, il y a une limite à ce qu’un informaticien peut faire.
« Il faut comprendre les tenants et les aboutissants d’un algorithme. Si un programmeur conçoit un algorithme d’apprentissage machine pour le domaine comptable, il lui faudra un comptable à ses côtés, qui comprend les complexités ou subtilités à prendre en compte. Un CPA sait ce qu’il faut chercher... ce sur quoi il faut porter un œil critique, de quels indices il faut être à l’affût. C’est donc un travail d’équipe. »
M. Wong ajoute que les CPA devront apprendre à exploiter au maximum les bases de données, car c’est là que se trouvent les données nécessaires à leur analyse. Il leur faudra aussi comprendre les langages de programmation tels que SQL et Python, pour être en mesure de manipuler et de transformer ces données en analyses pleines d’enseignements. « Je pense que la programmation va devenir une importante compétence de base pour tous, dit M. Wong. C’est un peu une troisième langue qu’il faudra apprendre... la langue des machines. »
Pour ceux et celles qui s’en donneront la peine, le « retour sur l’investissement » sera substantiel. « De nos jours, comprendre et mettre à profit l’intelligence artificielle donne une longueur d’avance. Mais dans quelques années, ce sera un “must”. Alors pourquoi ne pas s’y mettre dès maintenant? »
APPROFONDISSEZ VOS CONNAISSANCES SUR L’IA
Mégadonnées et intelligence artificielle – L’avenir de la comptabilité et de la finance est la deuxième d’une série de publications de CPA Canada consacrées à l’IA. La première, Introduction d’un CPA à l’IA : Ce que vous devez savoir, des algorithmes à l’apprentissage profond vise à initier les comptables à cette nouvelle réalité : explication des termes clés et réflexions sur l’évolution du traitement des données, de l’IA et de la puissance informatique.