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ESG : les organisations (et les CPA) ont le « S » dans la mire

Investisseurs et consommateurs s’intéressent de plus en plus aux questions sociales, et les entreprises se joignent au mouvement.

Collègues dans un bureau ouvertLes CPA jouent un rôle essentiel en matière d’information sociétale. (Getty Images / vgajic)

On a beaucoup entendu parler dernièrement d’investissement et de présentation de l’information en lien avec les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), mais l’accent est généralement mis surtout sur le « E ». Or, compte tenu de l’actualité nationale et internationale, les enjeux sociaux (le « S ») se retrouvent à l’avant-plan lorsqu’il est question de présentation de l’information.

« Depuis deux ans, les organisations et les parties prenantes accordent une attention particulière au volet social », remarque Oujala Motala, CPA, directrice de projets, Durabilité et problèmes nouveaux à CPA Canada. « Cette attention croissante découle des inégalités et des injustices qu’on observe mondialement, par exemple le fait que certains groupes ont été touchés plus que d’autres par la pandémie de COVID-19. »

Grâce à leurs compétences en stratégie d’entreprise et en prise de décisions, ainsi qu’à leur capacité à évaluer les processus et les contrôles, les CPA sont bien placés pour influencer et guider les décideurs en ce qui concerne les enjeux sociaux.

Voici quelques rappels importants à l’intention des CPA.

LES MULTIPLES FACETTES DE LA DIMENSION SOCIALE

L’axe social dans les facteurs ESG couvre un large éventail de sujets : diversité et inclusion, droits de la personne, santé et sécurité, éthique, réconciliation avec les Autochtones, etc. (On trouvera d’autres exemples dans la récente publication de CPA Canada, L’importance croissante du volet social : le « S » dans ESG.)

Malgré la variété des sujets qu’il englobe, le volet social ne jouit pas de la même considération dans toutes les organisations. Alors que certaines tiennent déjà compte des enjeux sociaux et des facteurs de durabilité dans l’ensemble de leurs cycles de production, d’autres ne font que commencer à le faire. « Les facteurs sociaux peuvent facilement passer sous le radar si les entreprises ne sont pas sensibilisées à leur existence et à leurs répercussions », affirme Mme Motala.

Puisque la question de la responsabilité sociale gagne en popularité, Mme Motala estime que les organisations publiques et privées doivent emboîter le pas. « Les organisations qui ne publient pas d’information pourraient être évincées de la chaîne de valeur si elles traînent la patte sur les grands enjeux sociaux », prévient-elle.

UN GRAND NIVEAU DE COMPLEXITÉ

Complexes et multidimensionnels, les facteurs sociaux peuvent aussi recouper d’autres facteurs. « Les aspects sociaux ont parfois des conséquences juridiques et sur les droits de la personne, par exemple, observe Mme Motala. Même les changements climatiques, qui appartiennent de toute évidence à l’aspect environnemental, ont aussi des implications sociales, certaines communautés étant plus touchées que d’autres. »

Par ailleurs, la composante sociale des facteurs ESG continue d’évoluer, fait remarquer Elisabeth Laratta, directrice, Enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance à la CIBC, et membre d’une équipe centralisée qui pilote l’élaboration et la coordination de la stratégie ESG globale de l’organisation. « Le secteur financier travaille sur les enjeux sociaux depuis un bon moment, se réjouit-elle. L’investissement local occupe toujours une place importante, mais on porte désormais une attention particulière à la création d’occasions économiques pour les communautés sous-représentées. »

La variété et la portée des enjeux sociaux sont appelées à continuer d’évoluer. « La pandémie a révélé une multitude d’inégalités, renchérit-elle. L’inflation exacerbe maintenant les problèmes d’abordabilité, et il faudra dorénavant tenir compte des communautés et des travailleurs qui seront les plus touchés par la transition vers une économie sobre en carbone. »

Scott Munro, CPA, chef de la direction adjoint du Conseil de gestion financière des Premières Nations à Vancouver, rappelle que les enjeux sociaux qu’ont vécus les Autochtones ces derniers mois sont de plus en plus mis de l’avant. « J’espère que cela fera comprendre la nécessité d’engager la conversation sur l’intégration concrète des peuples autochtones dans l’économie canadienne en général. »

Selon lui, la prise de conscience de la population au sujet de l’incidence des changements climatiques sur les Autochtones, conjuguée à la découverte des tombes anonymes sur les sites d’anciens pensionnats, a modifié l’approche du volet social de l’ESG. « Les investisseurs préconisent davantage les entreprises qui agissent de façon éthique et durable. Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir privilégier celles qui s’engagent dans la réconciliation avec les Autochtones. Ce sont les investisseurs qui ont amorcé le mouvement : ils ont compris la situation, et maintenant ils réagissent. »

LE RÔLE DES CPA

De l’avis de Mme Motala, les CPA ont un rôle essentiel à jouer dans la présentation de l’information concernant le volet social. « Les CPA peuvent aider les entreprises à cibler et à évaluer les enjeux sociaux prioritaires et les exigences de déclaration liées. Ils peuvent en outre contribuer à la création et à l’amélioration des systèmes, des processus et des contrôles de collecte des données et de présentation de l’information. Par ce travail, la qualité des données sur le volet social sera comparable à celle de l’information financière traditionnelle. »

M. Munro ajoute que les CPA peuvent par ailleurs apporter leur pierre à l’édifice de la réconciliation. « Les CPA ont l’occasion de devenir des acteurs du changement à cet égard. De nos jours, c’est même pratiquement une obligation de travailler d’une façon ou d’une autre à la réconciliation. Tous les CPA devraient encourager les conseils d’administration à préparer leur propre plan de réconciliation et à le faire connaître. »

L’appel à l’action 92 dans les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada est un bon point de départ. Pour y répondre, les entreprises doivent faire état de leurs efforts dans un plan d’action pour la réconciliation et le communiquer à leurs employés, à leurs clients, à leurs investisseurs et à leurs autres partenaires d’affaires. « La responsabilité doit être claire et affichée, insiste M. Munro. Et il appartient autant aux Autochtones qu’aux non-Autochtones de la société d’y voir. En définitive, le point de vue des Autochtones devrait faire partie de toutes les discussions sur les enjeux sociaux et les autres volets ESG. »

SE METTRE À L’OUVRAGE

Comme on peut le lire dans la publication de CPA Canada sur le « S » dans ESG, plusieurs normes et cadres d’information facultatifs portent sur les facteurs sociaux. La publication d’information est aussi une priorité pour les organismes de réglementation. Par exemple, aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) exige depuis août 2020 que les entreprises soumises à sa réglementation décrivent leurs ressources en capital humain, notamment les paramètres et les objectifs connexes qui orientent la gestion de l’entreprise, dans la mesure où ces informations sont importantes à la compréhension globale de l’entreprise.

Selon Mme Motala, une nouveauté clé des dernières années dans le domaine de l’information sur la durabilité est la création par l’IFRS Foundation du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (ISSB). Il a le mandat d’établir des normes d’information sur la durabilité qui formeront une base de référence mondiale.

L’intégration est aussi cruciale dans la présentation d’information sur les questions sociales, précise Mme Motala. « Par le passé, les informations sur les facteurs ESG étaient reléguées à une équipe distincte chargée de produire les rapports sur la durabilité. Il faut maintenant intégrer ces informations dans toute l’organisation, dans une approche coordonnée avec les finances, les ressources humaines et même les équipes de marketing. »

Les enjeux sociaux sont dans la mire de la Section canadienne du Réseau de leadership des chefs des finances pour le projet Association pour la comptabilité durable (ACD), dont les membres explorent de nouveaux moyens de tenir compte du capital social et humain dans la prise de décisions d’affaires. Par exemple, Brookfield Asset Management a évalué la juste valeur marchande de son actif le plus précieux : sa main-d’œuvre. De la même façon, la Financière Manuvie a elle aussi déterminé et quantifié la valeur de son capital humain.

À la CIBC, la participation des parties prenantes est inhérente au programme ESG, indique Mme Laratta. « Nous favorisons la communication et l’engagement afin de faire connaître nos progrès à l’externe et de mieux saisir les priorités de nos parties prenantes. Nous pouvons alors intégrer les différents points de vue à nos plans stratégiques, et soutenir ces derniers par des indicateurs et des responsabilités claires. La communication, la participation des parties prenantes et l’obtention continue d’information sont des éléments cruciaux de notre stratégie ESG. »

POUR ALLER PLUS LOIN

Pour en savoir plus au sujet de l’information sur le volet social, consultez L’importance croissante du volet social : le « S » dans ESG, une publication de CPA Canada. Vous pouvez aussi lire sur les incidences sur les entreprises des grands enjeux environnementaux et sociaux, les stratégies pour intégrer la culture de la valeur sociale dans les organisations, et les façons dont les CPA peuvent mener des initiatives ESG.