Les CPA ont les compétences nécessaires pour travailler en IA, confirme une experte
Dans le cadre d’un projet d’IA, le défi n’est pas tant d’écrire le bon algorithme que d’arriver à définir les objectifs qu’on veut atteindre. (Getty Images / Compassionate Eye Foundation / Gary Burchell)
La création en 2018 du MILA, l’Institut québécois d’intelligence artificielle, aujourd’hui célèbre, n’a pas forcément fait grand bruit. « Tout était à faire et à bâtir, y compris ouvrir un compte bancaire et trouver des locaux », se souvient Danielle Langlois, CPA, alors engagée comme chef des finances. Elle faisait partie de la première poignée d’employés.
En cinq ans, MILA est devenu le plus grand centre de recherche universitaire en apprentissage profond au monde. Il compte à présent plus de 150 employés et rassemble une communauté de plus de 1 000 professeurs et chercheurs-étudiants.
À l’instar d’Amii en Alberta et de Vector en Ontario, une des missions du MILA est d’aider les organisations à renforcer leur capacité en IA. Ayant elle-même dirigé ou pu observer un certain nombre de projets chez MILA, Danielle Langlois a pu constater à quel point les CPA ont souvent déjà ce qu’il faut pour plonger dans le domaine. Nous lui avons demandé de partager quelques conseils avec les CPA qui souhaiteraient s’y lancer.
CPA Canada : Comment se porte le secteur de l’IA et quelles sont les opportunités?
Danielle Langlois (DL) : Le domaine est en croissance, avec des disparités selon les provinces et le type d’organisations. Par exemple, le taux d’adoption de solutions d’IA reste assez faible chez les PME qui n’ont souvent pas les moyens d’investir en IA et ne mesurent pas nécessairement l’enjeu.
Pourtant, l’IA permet d’automatiser ou de supprimer des tâches répétitives, de mieux gérer et interpréter des données, ou de faciliter les audits. De réels gains d’efficacité sont possibles – de l’ordre de 25 % à 45 % –, qui permettent de rester compétitif, voire, dans certains cas, de survivre.
Il y a bien un coût, évidemment, mais de nombreuses subventions gouvernementales sont disponibles. Et puis des organisations comme MILA – mais bien d’autres aussi – offrent des programmes d’aide afin de déterminer pour une entreprise quelle solution lui convient et comment l’implanter, surtout que celle-ci pourrait très bien déjà exister.
CPA Canada : Quel rôle les CPA peuvent-ils jouer ici?
DL : Il faut voir un projet en IA comme un projet technologique dont l’enjeu n’est pas d’écrire l’algorithme – ce qui peut être relativement facile – mais de déterminer la réponse à un certain nombre de questions comme : Que cherche-t-on à obtenir? Quel problème cherchons-nous à régler? Comment la solution contribuera-t-elle aux résultats de notre organisation? Voilà pourquoi la vision stratégique d’un CPA sera d’une grande valeur.
En chiffrant les gains de temps ou d’efficacité possibles, un CPA sera en mesure d’identifier sur quoi et comment appliquer la solution d’IA, en plus de prendre en charge la planification financière (coûts, subventions, etc.).
Si les CPA des grands cabinets peuvent jouer ce rôle de conseiller auprès de leurs clients, ceux qui travaillent en entreprise peuvent aussi le faire à l’interne. Ils devront siéger à divers comités puisqu’ils devront travailler étroitement avec de nombreuses équipes pour que la mise en œuvre réussisse. Ils auront aussi leur mot à dire au niveau de la gouvernance, de la protection des données et même de l’éthique, s’ils constatent une utilisation dangereuse de l’IA dans le cadre d’un projet.
CPA Canada : Y a-t-il d’autres aspects du travail qui méritent d’être soulignés?
DL : Avec cette gestion de projet vient une gestion de risques, qui est cruciale. Mais en procédant à une bonne analyse de risques, avec des tableaux de bord, on vient gérer le processus pour que le projet avance. Cela permet aussi d’anticiper les problèmes susceptibles de nuire à l’organisation, comme des risques de poursuites par exemple.
Et puis il faut garder en tête qu’aussi calés soient-ils, les experts en IA ne comprennent pas toujours ce qui a trait aux revenus et aux dépenses, à la façon de gérer un projet. Ils ont besoin d’être encadrés. Puisque les CPA sont très compétents dans ces domaines, cela leur assure une place de choix à la table des discussions avec les différentes parties prenantes.
Il ne faut pas non plus oublier : quand on met en place quelque chose de nouveau comme l’IA, il faut tout le temps se renouveler et adapter ses plans stratégiques.
CPA Canada : Quelles qualités un CPA doit-il posséder pour s’épanouir dans le domaine?
DL : Une bonne intelligence émotionnelle est essentielle car votre crédibilité reposera en grande partie sur la qualité des relations que vous arriverez à bâtir.
Il faut aussi penser « intelligence d’affaires » tout en étant agile. Autrement dit, vous devez vous montrer inventif et ouvert aux changements comme aux nouvelles idées, anticipant les besoins de demain, mais tout en gardant les pieds sur terre – grâce à de bons indicateurs de performance par exemple – pour ne pas perdre le contrôle.
Il faut aussi avoir un côté analytique développé et être un peu technophile (à l’aise avec la gestion de données, par exemple), et aimer se tenir au courant. Mais là encore, la personnalité compte beaucoup.
CPA Canada : Quel dernier conseil donneriez-vous à ceux qui veulent travailler dans l’IA?
DL : Un CPA, c’est bien plus qu’une personne qui fait des calculs. Traitement des données, transformation numérique, transformation des organisations, automatisation… le contexte actuel change vite, mais en mettant la fonction finances au centre de l’organisation et déployant une vision stratégique de leur environnement, les CPA ont le potentiel d’agir comme leaders dans le domaine de l’IA.
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