Comment devenir une « féministe financière »

Janine Rogan lors d’une récente conférence TED (Avec l’autorisation de Janine Rogan)

Toute jeune, inscrite au programme d’agrément CPA et déjà salariée, Janine Rogan a fait une découverte déstabilisante : le collègue dont elle assurait la formation gagnait 13 000 $ de plus qu’elle. Une différence de 23 %, pour exactement le même poste.

« J’en ai eu le souffle coupé. C’est une chose de savoir qu’il y a un écart salarial entre les sexes. C’en est une autre d’en subir soi-même les conséquences. »

Une déconvenue qui explique en partie pourquoi Janine Rogan a choisi de devenir une « féministe financière », terme qu’elle a forgé pour rallier à sa cause les apôtres de l’équité pour toutes et tous.

Marquée en début de carrière par sa prise de conscience des inégalités salariales, Janine Rogan, née à Edmonton, diplômée de l’Université de l’Alberta en 2014, s’est donné pour mission d’aider toutes les femmes à prendre leurs finances en main.

« Dans une société créée par les hommes, pour les hommes, les préjugés sexistes abondent. »

Au fil des ans, ses recherches l’ont amenée à recueillir une manne de données sur les contrecoups de l’écart salarial, qui freine l’essor des femmes. Le solde de leur compte en banque en témoigne.

« Dans le milieu des finances personnelles, je voyais des hommes blancs qui se contentaient de dire aux femmes qu’elles s’éparpillaient en dépenses frivoles. C’est un mythe, évidemment. J’ai voulu creuser la question, pour analyser les répercussions macroéconomiques de nos schèmes de pensée et systèmes, qui influent sur les finances au féminin. »

Ses découvertes l’ont amenée à publier un premier ouvrage intitulé The Pink Tax: Dismantling a Financial System Designed to Keep Women Broke, paru en mai dernier. À la base, l’idée de la « taxe rose », c’est que les produits dits pour femmes sont généralement plus chers que leurs équivalents pour hommes (p. ex., les rasoirs). L’autrice approfondit le sujet et examine les incidences économiques d’une rémunération inférieure et des prix gonflés, entre autres chez certains concessionnaires automobiles. L’effet domino s’avère indéniable. Les femmes, qui touchent un salaire moindre et doivent acquitter la taxe rose, disposent de moins de liquidités, ce qui les freine dans leurs démarches pour épargner, investir et créer de la richesse.

Janine Rogan souhaite qu’elles prennent les rênes de leurs finances, malgré la pression sociale : « On leur apprend que les questions d’argent ne les concernent pas, que c’est un sujet tabou, déplacé. Or, le féminisme financier les invite à prendre leurs propres décisions et à gérer leur avoir afin de constituer un patrimoine et, pourquoi pas, de plaider pour un monde meilleur. »

Déterminée à outiller les femmes, Janine Rogan croit que pour avancer vers l’égalité, chacun, chacune doit y mettre du sien. Solidaires, les hommes apporteront leur appui aux femmes, afin que leur voix soit entendue et qu’elles puissent participer totalement aux décisions, le tout dans un contexte d’équité salariale. Elle invite aussi les employeurs à redoubler d’efforts pour donner un coup de main aux femmes. La transparence des échelles salariales et les services de garde offerts au travail sont ici des atouts. Sur tous les continents, l’adoption de politiques d’égalité, réclamées par les citoyennes et les citoyens, sera le chemin à suivre.

« L’essor économique passe aussi par une augmentation de la qualité de vie de la population, des familles, entre autres grâce à l’accès à des garderies abordables. Sinon, à quoi bon? »

Mais par où commencer pour prendre ses finances en main et constituer un patrimoine? Janine Rogan suggère de consulter livres et articles, et de parler ouvertement d’argent avec ses proches. Même s’il peut être difficile d’entamer de telles conversations, c’est souvent la clé pour gagner confiance et oser s’aventurer. Et puis, les ressources foisonnent en ligne. De quoi se familiariser avec des thèmes variés, comme les placements. Janine Rogan, elle-même formatrice, précise que les médias sociaux regorgent de contenus sur la question. D’ailleurs, elle propose sur son site une liste de 30 choses à faire pour avancer avec confiance. À celles qui trouveraient la tâche lourde, elle conseille de monter une marche à la fois pour gravir l’escalier. Elle leur suggère d’accomplir un geste par mois, parmi les actions énumérées sur sa liste. Par exemple, ouvrir un compte d’épargne à intérêt élevé, voilà un premier pas qui n’a rien d’anodin. C’est se donner les moyens d’aller de l’avant, pour ensuite passer à deux gestes concrets par mois.

« Au bout d’un an, une fois les bases acquises, on poursuit sur sa lancée, le vent en poupe, pour bâtir un patrimoine. »

EN SAVOIR PLUS SUR LES FEMMES ET LA FINANCE

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