Sihouettes d'enfants en train de jouer sur une balançoire dans un parc d'éoliennes
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Une stratégie de gestion intégrée pour un futur responsable

Oui, responsabilité sociale et information intégrée iront de pair, à condition de changer d’angle.

Sihouettes d'enfants en train de jouer sur une balançoire dans un parc d'éoliennesLes publications sur la responsabilité sociale, provenant des milieux universitaire et d’affaires, foisonnent. (Shutterstock/ Sorn340 Studio Images)

Par le passé, l’entreprise communiquait pour l’essentiel de l’information d’ordre financier. Cela dit, depuis quelques décennies déjà, l’information sur la durabilité, qui traite des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), suscite un vif intérêt. La préoccupation gagne en primauté, entre autres dans le sillage de la création du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (International Sustainability Standards Board – ISSB), établi en 2021.

Or, jusqu’à présent, la qualité, la teneur et la fiabilité de l’information sur la durabilité variaient passablement d’une entité à l’autre. De quoi susciter, au pire, des allégations d’écoblanchiment. Les rapports sur la durabilité, en général présentés séparément, prenaient la forme d’exposés descriptifs assortis d’indicateurs clés de performance.

Les destinataires de l’information sur la durabilité, toutefois, évoluent. À l’origine, l’information, souvent produite selon les directives de la Global Reporting Initiative (GRI), encore largement utilisées, visait surtout les diverses parties prenantes de l’univers des entreprises. Désormais, elle s’adresse aussi bien aux actionnaires qu’aux autres intéressés, notamment en raison de l’orientation prise par l’ISSB. De fait, certains aléas, tels que les déchaînements météorologiques, ont convaincu nombre d’investisseurs de prendre en considération les impacts environnementaux, vus sous l’angle de leurs répercussions sur les entreprises, et, vice versa, évalués dans l’optique de l’empreinte écologique de ces dernières.

L’importance accordée à la communication aux actionnaires a conduit au principe de l’information intégrée, qui consiste à regrouper information financière et information sur la durabilité. Selon le nouveau référentiel d’information intégrée de l’IFRS Foundation, intitulé Integrated Reporting Framework, la présentation des renseignements se fera sous forme concise pour indiquer comment la stratégie de l’organisation, sa gouvernance, sa performance et ses perspectives, compte tenu de l’environnement externe, débouchent sur la création, la préservation ou l’érosion de la valeur à court, moyen et long termes.

Les mots clés ici restent création, préservation et érosion. Le référentiel en question définit la création de la valeur sous l’angle de six types de capital, assises de l’activité : capital financier, manufacturier, intellectuel, humain, social et relationnel, et naturel.

Le capital financier, on s’en doute, correspond aux avoirs chiffrés, et le capital manufacturier, aux infrastructures, immeubles et autres immobilisations. Le capital intellectuel désigne l’ensemble des savoirs de l’organisation, et le capital humain, les effectifs. Enfin, le capital social et relationnel s’applique aux liens de l’entreprise avec ses parties prenantes, tandis que le capital naturel fait évidemment référence à la terre, à l’eau et à l’air.

En information intégrée, pour mesurer l’évolution (ou la stagnation) d’une organisation, on détermine si elle a rehaussé ou au contraire affaibli la valeur de ces capitaux. En clair, les indicateurs financiers d’antan ne suffisent plus comme seuls critères de réussite.

On s’entend désormais pour dire qu’une organisation doit adopter la gestion intégrée et prendre en compte tous les types de capitaux. Autrement dit, la prise de décisions se fera en fonction des retombées sur les capitaux financier, social, naturel. C’est le cas, par exemple, pour les décisions d’approvisionnement. Quels principes guident les choix? Le coût, l’empreinte carbone, la gouvernance, autre chose encore?

On voit aussi la gestion intégrée, définie dans le référentiel d’information intégrée, déclinée en détail dans les principes de gestion intégrée (Integrated Thinking Principles) établis par la Value Reporting Foundation, dorénavant sous l’égide de l’IFRS Foundation, qui encadre la normalisation de l’information financière. En pratique, la pleine gestion intégrée – incorporée à toutes les décisions opérationnelles et stratégiques – prend figure d’objectif à long terme. Il faut toutefois passer à la gestion intégrée pour produire des rapports intégrés adéquats, et une nouvelle mentalité s’impose.

Les principes de gestion intégrée s’articulent autour de six thèmes :

  • Objet – existence et contribution unique de l’entité pour répondre aux besoins sociaux et environnementaux;
  • Gouvernance – rôle des maîtres d’œuvre de la gouvernance dans la création de valeur;
  • Culture – orientation de la culture d’entreprise pour gagner la confiance des parties prenantes et s’harmoniser aux valeurs fondamentales;
  • Stratégie – formulation et réalisation des objectifs organisationnels;
  • Risques et possibilités – incidence des risques et des possibilités sur le modèle organisationnel;
  • Performance – mesure et communication de la création de valeur.

Tout comme il est vrai que l’information intégrée ne se limite pas à l’information financière, la gestion intégrée englobe les facettes opérationnelles et stratégiques. Ce qui nous amène à la responsabilité sociale des entreprises (RSE).

De nombreux écrits ont posé les bases de la RSE, dont l’ouvrage de Peter Drucker Management (1974) et l’article d’Archie B. Carroll intitulé « The Pyramid of Corporate Social Responsibility: Toward the Moral Management of Organizational Stakeholders » (1991), qui mettaient l’accent sur la RSE dite stratégique, intégrée dans la culture et la stratégie.

Cependant, il règne encore une certaine confusion quant aux différences entre gestion intégrée et RSE. Pour certains, la gestion intégrée correspond à la RSE, ou à une forme de RSE. C’est vrai, dans la mesure où la RSE s’applique à un large éventail d’activités, des menus décaissements consentis pour acheter des biscuits des Guides du Canada aux activités philanthropiques d’envergure ou aux stratégies générales qui embrassent tous les champs d’intérêt et types de capitaux. Vu l’amplitude de la RSE, elle peut aisément faire place à la gestion intégrée.

Quoi qu’il en soit, on sera amené à explorer les contours de la RSE stratégique dans la mise en œuvre de la gestion intégrée.

Dans son guide Strategic Corporate Social Responsibility, David Chandler avance que la RSE stratégique repose sur cinq piliers : 1. Intégrer l’angle de la RSE dans la culture et la planification stratégique; 2. Lier directement toute intervention aux activités fondamentales; 3. Comprendre les besoins des parties prenantes pour y répondre; 4. Viser à optimiser la valeur dégagée; 5. Remplacer la perspective à court terme par une gestion des relations avec les principales parties prenantes à moyen et à long terme.

Cette analyse apporte un cadre judicieux pour formuler une stratégie de gestion intégrée, vue comme une passerelle vers la RSE : les objectifs généraux se ressemblent, bien que la gestion intégrée s’applique en particulier aux six types de capital et tende à faciliter la présentation d’information intégrée. L’adoption d’une vision fondée sur la RSE présente toutefois d’autres avantages, car le processus se fonde sur la prise en charge de la responsabilité associée au comportement de l’entreprise plutôt que sur le seul objectif d’établissement de rapports intégrés fonctionnels. Pour certains leaders, comme Larry Fink, qui pilote BlackRock, la mentalité axée sur la responsabilité sociale s’avère rentable. Pencher pour une gestion intégrée ancrée dans la RSE, c’est viser un horizon stratégique et opérationnel élargi, gage de résultats favorables.

LA DURABILITÉ, UN DOMAINE À SURVEILLER

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