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Michael Pickup passe devant un bâtiment gouvernemental
La profession

Le vérificateur général de la Colombie-Britannique crée un héritage de diversité et d’inclusion

D’origine autochtone, Michael Pickup, FCPA, met en pratique dans le cadre de ses fonctions de vérificateur général de la Colombie-Britannique les leçons tirées depuis son enfance.

Michael Pickup passe devant un bâtiment gouvernementalÀ mi-terme de son mandat de huit ans comme vérificateur général de la Colombie-Britannique, Michael Pickup veille à responsabiliser les gens qui l’entourent. (Photo Vishal Marapon)

Michael Pickup a retenu l’attention des médias dès son plus jeune âge. Né au Cap-Breton (Nouvelle-Écosse) le 13 décembre 1965, il a fait parler de lui à l’âge de deux ans lorsque, échappant à la surveillance de sa gardienne, il est tombé dans un ruisseau gelé derrière sa maison. Heureusement, un automobiliste qui passait par là s’est arrêté et a sauvé le bambin d’une mort certaine.

« C’était la première fois que je faisais les manchettes, se rappelle Michael Pickup. Ma mère m’a dit qu’elle aurait dû le pressentir, puisqu’elle a failli me donner naissance dans la voiture de police qui l’emmenait à l’hôpital en pleine tempête de neige. En raison des conditions météorologiques, mon père était incapable de l’y conduire, et à cette époque, notre petite municipalité de l’île du Cap-Breton ne disposait pas de services ambulanciers. »

Malgré un début dramatique, le futur vérificateur général a eu une enfance assez heureuse. « Dans leur famille respective, mes parents étaient chacun l’aîné des enfants, dont le nombre s’élevait à 15. J’ai donc grandi dans une grande famille tissée serrée, entouré de 43 cousins germains plus jeunes que moi. »

Même si son père et sa mère n’avaient que 18 et 19 ans, respectivement, lorsqu’il est né, ils étaient déterminés à offrir une meilleure vie à leurs enfants. « Ma mère a obtenu un emploi dans une banque où elle a gravi les échelons. Elle a soutenu mon père, qui a terminé ses études et est devenu ingénieur naval. Ils ont néanmoins tiré le diable par la queue pendant les premières années. »

Ayant grandi tout près de la réserve de Membertou, aujourd’hui l’une des plus prospères au Canada, Michael Pickup a été exposé très tôt au racisme systémique dont sont victimes les Autochtones. « Comme j’avais la peau blanche, je n’ai pas eu le même traitement, mais j’ai constaté très jeune l’existence du racisme envers les peuples autochtones. » Il comprend le traumatisme subi par les générations précédentes. Son arrière-grand-mère maternelle a quitté la réserve à l’âge de 13 ans pour épouser un Blanc de 30 ans. Elle a eu son premier enfant à 14 ans, puis 10 autres avant d’avoir 30 ans.

« Ma grand-mère, qui était l’un de ces enfants, s’est fait dire par son mari d’oublier ses origines autochtones et de ne jamais en parler à quiconque. C’était peut-être pour la protéger à une époque où être autochtone à l’extérieur d’une réserve était mal vu. Mon autre grand-mère était l’aînée d’une famille de 13 enfants, qui ont eu 73 enfants. »

« Grandir dans une famille nombreuse avait ses avantages, mais ce n’était pas rose tous les jours; nous avons eu notre lot de difficultés et de malheurs. Cette situation m’a permis de comprendre l’importance du secteur public, des programmes et des services gouvernementaux. » Il a aussi appris qu’il faut traiter toutes les personnes avec le même respect et les accepter telles qu’elles sont.

Il a mis à profit cette leçon tout au long de sa carrière, qui l’a mené aux postes de vérificateur général de la Nouvelle-Écosse en 2014, puis de la Colombie-Britannique en 2020.

Le respect, l’acceptation et l’altruisme faisaient aussi partie des priorités de sa grand-mère paternelle. « Dans une entrevue avant son décès, alors que j’occupais le poste de vérificateur général de la Nouvelle-Écosse, elle a déclaré qu’elle était non seulement fière de mon parcours, mais aussi – et surtout – des valeurs que je faisais miennes, à savoir la compassion, la compréhension et le respect. »

Il raconte à la blague que, pour sa grand-mère, son passage à The Weather Network en compagnie d’autres vérificateurs généraux pour parler d’un audit environnemental a été le point culminant de sa carrière.

« On sait qu’on a réussi sur le plan professionnel lorsqu’on fait une apparition à The Weather Network. »

Ce sentiment d’acceptation a été important lorsque Michael Pickup a décidé de dévoiler son orientation sexuelle à sa famille. « Aujourd’hui, à 57 ans, quand je repense à ma carrière et au moment où, à la mi-vingtaine, j’ai accepté et annoncé mon orientation sexuelle, je réalise que ma famille immédiate et élargie a fait preuve d’une grande ouverture. Ma mère m’a néanmoins recommandé d’être prudent. Le monde était très différent il y a 35 ans, surtout le milieu du travail. »

« Je me souviens qu’à l’époque, à Halifax, une centaine de personnes se rendaient au défilé de la Fierté, avec un sac en papier sur la tête, de crainte d’être congédiées ou agressées. Le dernier défilé de la Fierté auquel j’ai assisté, avant la pandémie, a attiré 95 000 personnes dans cette ville, qui compte moins de 400 000 habitants. Le monde a beaucoup changé depuis ma jeunesse. »

À présent, il veille à ce qu’aucun de ses collègues ne vive une telle expérience. Il admet toutefois qu’il faut du temps pour que la simple tolérance cède sa place à l’inclusion et à la célébration.

« Maintenant que ma carrière tire à sa fin, je me sens investi de la responsabilité de représenter la diversité et de montrer que, quelle que soit son origine ou sa culture, n’importe qui peut devenir vérificateur général. »

Ses collègues en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique peuvent témoigner de l’acceptation et de l’inclusivité dont il fait preuve au travail. « La diversité sur les plans des idées et des personnes est primordiale dans tout ce qu’il fait », affirme Evangeline Colman-Sadd, CPA, CA, ancienne vérificatrice générale de la municipalité régionale d’Halifax, qui connaît Michael Pickup depuis 2014. « De plus, il se montre très empathique et altruiste. Peu après l’arrivée de Michael au Bureau du vérificateur général de la Nouvelle-Écosse, un membre de longue date de l’équipe est décédé subitement. Michael s’est assuré que ses collègues reçoivent le soutien psychologique de professionnels. De plus, il a veillé à ce qu’ils puissent communiquer avec la famille du défunt pour lui rendre hommage. »

Son intérêt pour les autres l’a incité à entreprendre des études en économie canadienne et en sciences politiques à l’Université Acadia, sans même songer à une carrière en audit ou en comptabilité. « J’ai participé activement à la vie universitaire, notamment comme vice-président de la classe et directeur des nouvelles de la station de radio de l’université. » Pendant cette période, plusieurs cabinets l’ont appelé pour lui proposer de payer ses études en comptabilité. Après plusieurs entretiens, il s’est finalement inscrit au programme. « J’ai eu la chance que les CPA soient en avance sur leur temps et prêts à accueillir des gens provenant d’autres disciplines. »

Après ses études, Michael Pickup a fait ses premiers pas en comptabilité chez Doane Raymond (qui a par la suite intégré Grant Thornton). « J’ai beaucoup appris. C’était la fin des années 1980, et la tenue de livres se faisait manuellement : pas de logiciel, juste de vieux registres et des chèques annulés. Nous remplissions les déclarations de revenus avec un crayon et en cas d’erreur, nous devions tout recommencer. C’était certainement un excellent apprentissage, et je leur dois beaucoup. »

Michael Pickup aimait tisser des liens avec les gens et travailler individuellement avec chaque client. Puis, il a commencé à s’intéresser à la recherche de l’efficience dans le secteur public. « J’ai trouvé intéressante l’idée de vérifier l’optimisation des ressources (ce qu’on appelle aujourd’hui l’audit de performance) quand j’ai vu que le vérificateur général du Canada d’alors avait réalisé l’audit d’un projet routier qui n’avait pas abouti en Nouvelle-Écosse. »

Les audits de performance se penchent sur la prestation des programmes et services aux citoyens à l’échelle du pays. « C’est ce que je voulais faire. »

« Le Bureau du vérificateur général du Canada vérifie les finances de grandes organisations du secteur public. À mes débuts, j’ai donc pris part à l’audit de sociétés d’exploitation houillère, de transport maritime, de transformation du poisson et de fabrication détenues par l’État. »


« Le travail de vérificateur est beaucoup plus intéressant qu’on pourrait le penser. Au cours de ma carrière, j’ai passé trois jours en prison, embarqué en mer dans le plus grand porte-conteneurs au monde et visité une mine à quatre kilomètres sous le plancher océanique. »


« Le travail de vérificateur est beaucoup plus intéressant qu’on pourrait le penser. Au cours de ma carrière, j’ai passé trois jours en prison (dans le cadre d’un audit visant un établissement correctionnel), embarqué en mer dans le plus grand porte-conteneurs au monde et visité une mine à quatre kilomètres sous le plancher océanique. »

« C’est un être hors du commun », affirme Elaine Hepburn, ex-directrice des responsabilités des cadres du Bureau du vérificateur général de la Colombie-­Britannique. « Il se démarque par sa gentillesse, son entrain et sa bonne humeur. Son arrivée à titre de vérificateur général a suscité beaucoup d’enthousiasme. Il a cherché à nouer des liens en traitant tout le monde de la même façon, qu’il s’agisse du concierge ou du premier ministre. Il est essentiel pour lui que chacun assume pleinement son identité, peu importe son parcours. »

« Il donne aussi aux autres les moyens d’agir, poursuit l’ancienne directrice. Lorsque Michael est entré en fonction, je n’étais pas encore membre de l’équipe de direction. Je me rappelle avoir demandé à Michael si je pouvais prendre la parole lors d’une réunion. Il m’a répondu que je n’avais pas à demander la permission et que je pouvais dire ce que je voulais; nous étions tous sur le même pied d’égalité. Sa réaction m’a époustouflée. »

Michael Pickup a dû lui aussi prendre son destin en main. « Pendant longtemps, la comptabilité a été considérée comme un milieu conservateur au relent colonial. C’est à Ottawa, où j’ai emménagé dans les années 1990 pour occuper le poste de chef de projet au Bureau du vérificateur général, que je me suis senti à l’aise de dévoiler mon orientation sexuelle au travail, grâce aux encouragements de l’ancien vérificateur général Denis Desautels. »

À Ottawa, Michael Pickup travaillait avec plus de 600 personnes réparties dans tout le pays, alors qu’avant son bureau ne comptait que 15 ou 20 personnes. « Nous étions quatre à porter le même prénom dans ce petit bureau! »

Il a été promu directeur après un an au Bureau du vérificateur général. Puis, en 2001, Sheila Fraser est devenue la première vérificatrice générale du Canada. « Elle apportait une bouffée d’air frais. Elle se préoccupait davantage de la diversité et de l’inclusivité. »

Traiter les gens avec respect, acceptation et amour est depuis longtemps une priorité pour le premier vérificateur général LGBTQ et autochtone au Canada. (Photo Vishal Marapon)

« Ce n’est qu’en Colombie-Britannique que j’ai vraiment accepté l’idée que j’allais marquer l’histoire en tant que premier vérificateur général LGBTQ et autochtone au Canada. Jusque-là, je craignais que mon identité fasse oublier mes réalisations et mes compétences. »

Et ces réalisations sont nombreuses. En juillet 2014, il a décroché le poste de vérificateur général de la Nouvelle-Écosse, qu’il a conservé jusqu’à ce qu’il accepte le même rôle en Colombie-Britannique, où il en est à la quatrième année de son mandat de huit ans. Outre son diplôme et son titre professionnel, il a obtenu un certificat en diversité et inclusion de l’Université Cornell et un certificat en leadership LGBTQ de l’Université Stanford. Il a formé et encadré des auditeurs en Afrique et en Amérique du Sud. Il a également publié l’ouvrage Nan-Made: How a Grandmother Made a Man, dans lequel il raconte sa vie avec sa grand-mère paternelle.

« Il a fait émerger une nouvelle perspective sur la diversité, l’équité et l’inclusion, de l’avis d’Elaine Hepburn. Nous avions un peu de retard dans ce domaine, et il a exigé que les dirigeants au sein de son équipe, dont moi, suivent le programme du certificat en diversité, équité et inclusion de Cornell. »

Michael Pickup, qui a toujours accordé une grande importance à la diversité et à l’inclusion, fait en outre preuve d’une rigueur professionnelle inégalée. « Il est axé sur les tâches, et sa méthode de travail donne des résultats. Il lit de 100 à 200 pages de notes, de rapports et de présentations la fin de semaine, puis transmet ses commentaires à son équipe le lundi. »

L’enthousiasme du vérificateur général pour la diversité d’idées a amélioré l’efficacité du processus d’audit tant en Nouvelle-Écosse qu’en Colombie-Britannique. Evangeline Colman-Sadd ajoute : « Ici, en Nouvelle-Écosse, il s’est attaché à simplifier la communication des résultats des audits. Personne n’a envie de lire des rapports d’audit toute la journée, pas même nous. Il a veillé à ce que les résultats soient communiqués sous une forme plus succincte pour en faciliter la compréhension. »

Elaine Hepburn partage le même avis, précisant qu’à cette fin, Michael Pickup a créé un résumé d’audit d’une page destiné aux députés et aux autres parties intéressées. « Il remet le résumé aux médias lors des conférences de presse, mais peut très bien se référer à une page précise du rapport sur-le-champ. » Ce souci d’efficacité a également eu une incidence sur le nombre de recommandations formulées par son bureau et la mise en œuvre réussie de celles-ci. « Nous avons réalisé ensemble des audits de performance portant notamment sur le financement d’immobilisations dans les écoles, les foyers de soins spéciaux, la gestion de la capacité du système hospitalier de la Nouvelle-Écosse, les listes d’attente en chirurgie et les garderies accréditées, se remémore Evangeline Colman-Sadd. Nos recommandations doivent donc être pratiques et réalisables; la décision de les mettre en œuvre ou non revient ensuite au gouvernement. Grâce à Michael, les recommandations, dont le nombre est passé d’une trentaine à une dizaine, se concentrent sur les éléments à risque élevé dans l’espoir d’accroître leur taux de mise en œuvre. La démarche de Michael a vraiment porté ses fruits, puisque ce taux a augmenté de façon notable pendant son mandat. »

« Notre travail consiste principalement à fournir aux élus une assurance sur le fonctionnement de divers systèmes et mécanismes, explique Michael Pickup. Je ne tiens pas le gouvernement pour responsable; je donne aux élus un outil. Il revient à eux de décider de la façon de l’utiliser pour considérer le gouvernement comme responsable. S’ils veulent interroger un ministre ou des fonctionnaires d’un ministère, ils disposent de l’information nécessaire pour le faire. En revanche, beaucoup d’entre nous continuent de faire ce travail parce que les recommandations que nous formulons sont généralement acceptées et, espérons-le, mises en œuvre. C’est ce qui nous motive. Nous avons déposé l’hiver dernier un rapport d’audit sur les services en santé mentale qui mettait l’accent sur les contrevenants autochtones dans les établissements correctionnels. Nous espérons que nos recommandations amélioreront la prestation de services dans ce domaine. »

Comment Michael Pickup envisage-t-il l’avenir? Il aimerait bien écrire un deuxième livre, cette fois-ci sur sa grand-mère maternelle, mais il reste ouvert aux possibilités. « Je ne veux pas m’imposer de limites. J’ai besoin de me sentir libre. »

FONCTION PUBLIQUE

Lisez notre entrevue avec Tim Houston, FCPA, premier ministre de la Nouvelle-Écosse, ainsi qu’une entrevue avec Carlene Alexander, CPA, et contrôleuse générale de l’Ontario.