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Nouvelle norme sur les audits de groupe : êtes-vous prêt?

Une nouvelle norme concernant les considérations particulières relatives aux audits d’états financiers de groupe sera publiée sous peu. À quoi faut-il s’attendre, et quels sont les éléments à retenir?

Le Conseil des normes internationales d’audit et d’assurance (IAASB) a décidé de reprendre, en janvier 2019, les travaux à l’égard des modifications qu’il se propose d’apporter à la norme ISA 600. Un exposé-sondage a été publié en avril 2020 (ES-600), et la période de commentaires a pris fin en octobre.

Nous expliquerons, dans le présent billet, quelques-unes des difficultés qu’éprouvent les auditeurs canadiens par rapport à la norme actuelle, ainsi que les mesures proposées par l’IAASB dans l’ES-600 pour y remédier. Par la suite, nous résumerons certaines des réserves exprimées par le Conseil des normes d’audit et de certification (CNAC) dans sa lettre de réponse à l’IAASB concernant l’ES-600. 

DIFFICULTÉS ET SOLUTIONS PROPOSÉES

Quelles sont les difficultés liées à la norme actuelle, et que fait l’IAASB pour corriger le tir?

Identification des risques : approche ascendante et approche descendante

Selon la norme ISA 600 actuelle, l’auditeur du groupe est tenu d’identifier les composantes importantes et, en fonction des risques d’anomalies significatives, de mettre en œuvre au moins l’une des procédures exigées. Il faut souvent pour cela auditer les informations des composantes importantes en fonction du seuil de signification applicable à chacune d’entre elles. Quant aux composantes qui ne sont pas des composantes importantes, l’auditeur du groupe peut, si nécessaire, mettre en œuvre des procédures analytiques ou effectuer des travaux supplémentaires.

La stratégie consistant à déterminer l’étendue d’un audit en s’appuyant sur l’identification des composantes, ce qui constitue une approche ascendante, peut ne pas se traduire dans tous les cas par une évaluation adéquate des risques d’anomalies significatives au niveau des états financiers du groupe. Il se peut aussi que cette approche mène à l’identification de risques liés à une composante qui ne sont pas pertinents au niveau du groupe. Le CNAC privilégie le recours à une approche descendante fondée sur les risques qui implique d’abord l’identification des risques d’anomalies significatives au niveau du groupe, puis l’analyse des composantes importantes et des risques importants qui y sont liés. Les travaux d’audit devraient ainsi mieux étayer l’opinion sur les états financiers du groupe.

L’IAASB a conçu, dans l’ES-600, une nouvelle approche appelée « approche fondée sur les risques » qui est étroitement liée aux exigences de la norme ISA 315 (révisée). L’accent est davantage mis sur la responsabilité qu’a l’équipe affectée à l’audit du groupe d’identifier et d’évaluer les risques d’anomalies significatives au niveau des états financiers du groupe et au niveau des assertions. Les exigences proposées dans cet exposé sondage sont axées sur l’obtention d’éléments probants suffisants et appropriés (et non sur l’« audit » systématique des informations financières des composantes) 

Champ d’application de la norme ISA 600 et interaction avec les autres normes ISA

La norme ISA 600 exige l’application de toutes les autres normes ISA pertinentes, ce qui, en pratique, pose problème aux auditeurs. Ces derniers souhaitent avoir plus d’exemples concernant l’application des normes ISA dans le contexte d’un groupe. Il est donc nécessaire de fournir des indications sur l’application des normes ISA 315 et 320 (caractère significatif) dans un tel contexte. Le CNAC est d’avis que le champ d’application de la norme ISA 600 doit établir plus clairement la distinction entre les audits d’entités à établissements multiples et les audits de groupe.

L’IAASB a apporté, dans l’ES-600, des éclaircissements sur le champ d’application et l’applicabilité de la norme. L’exposé-sondage établit d’entrée de jeu l’existence d’un « processus de consolidation », élément fondamental de la définition d’états financiers du groupe. Si les succursales ou divisions d’une entité ne préparent pas séparément des informations financières qu’il faut regrouper au moyen d’un processus de consolidation, les états financiers ne constituent pas des états financiers de groupe. L’ES 600 établit également qu’une équipe affectée à l’audit du groupe peut juger qu’il est efficace et plus efficient pour obtenir des éléments probants de planifier et de réaliser la mission sur la base d’emplacements, de fonctions ou d’activités dont le découpage ne correspond pas à celui des entités ou des unités établi par la direction, par exemple en raison du recours à des centres de services partagés. 

Considérations relatives à l’acceptation et au maintien de la mission, y compris les restrictions d’accès

En ce qui concerne la décision d’accepter ou de maintenir la mission, il importe que l’auditeur du groupe décèle rapidement les cas où les conditions préalables à la réalisation d’un audit ne sont pas réunies, et plus particulièrement lorsqu’il n’aura pas accès aux informations ou aux personnes qui lui permettraient d’obtenir des éléments probants suffisants et appropriés. La norme ISA 600 ne donne aucun exemple qui aiderait l’auditeur à déterminer les conditions dont il doit tenir compte au moment de l’acceptation d’une relation client, ainsi que l’incidence que pourraient avoir ces conditions sur son accès aux informations. 

Les auditeurs peinent à obtenir des éléments probants suffisants et appropriés lorsque la composante est une participation comptabilisée selon la méthode de la mise en équivalence ou une autre forme de participation ne donnant pas le contrôle, et que la direction du groupe exerce peu ou pas de contrôle sur l’accès aux informations financières de la composante. Si l’auditeur du groupe n’a pas accès à la composante ou à son auditeur, les seules informations financières à sa disposition sont les états financiers audités de la composante et l’opinion d’audit s’y rapportant. La norme ISA 600 devrait fournir des indications sur l’utilisation qui peut être faite de l’opinion d’audit concernant les états financiers de la composante à titre d’éléments probants dans ces circonstances.

Des problèmes d’accès peuvent survenir lorsque l’équipe affectée à l’audit du groupe n’a pas l’autorisation d’exécuter des travaux d’audit en territoire étranger, rendant ainsi nécessaire le recours à un auditeur de la composante. 

L’ES-600 indique que divers problèmes d’accès peuvent survenir dans un audit de groupe. Il fait la distinction entre les restrictions d’accès imposées par la direction et celles découlant de circonstances indépendantes de sa volonté. Il précise que les restrictions de l’accès aux personnes ou aux informations ne dispensent pas l’équipe affectée à l’audit du groupe de l’obligation d’obtenir des éléments suffisants et appropriés, fournit quelques exemples de types de restrictions et explique de quelle façon l’équipe peut trouver des solutions dans diverses circonstances, notamment en ce qui concerne les restrictions d’accès liées aux participations comptabilisées selon la méthode de la mise en équivalence.

Travaux à exécuter à l’égard des composantes qui ne sont pas des composantes importantes

La norme ISA 600 renferme des exigences que doit respecter l’équipe affectée à l’audit du groupe lorsque celle-ci sélectionne des composantes qui ne sont pas des composantes importantes et met en œuvre, ou demande aux auditeurs de la composante de mettre en œuvre, au moins l’une des approches spécifiées à l’égard des informations financières de chacune des composantes sélectionnées. Pour ce faire, l’auditeur doit largement faire appel à son jugement. Dans le cadre de leurs inspections, les autorités de réglementation canadiennes ont constaté un manque de procédures d’audit suffisantes et appropriées par rapport à la taille de la composante et aux risques qui y sont liés. 

Selon l’ES-600, l’équipe affectée à l’audit du groupe déterminerait la stratégie qui convient le mieux pour obtenir des éléments probants suffisants et appropriés, ainsi que la nature, le calendrier et l’étendue des procédures d’audit complémentaires en réponse à l’évaluation des risques d’anomalies significatives. Elle pourrait décider d’utiliser des approches différentes, ou une combinaison d’approches, pour recueillir des éléments probants sur les catégories d’opérations, les soldes de comptes et les informations à fournir, et choisir les endroits où il est nécessaire de mettre en œuvre des procédures d’audit complémentaires (les composantes) et l’équipe qui sera chargée de la mise en œuvre des procédures d’audit complémentaires en réponse à l’évaluation des risques d’anomalies significatives. 

Mauvaise compréhension du risque de regroupement et du seuil de signification pour la composante

Il importe de comprendre le risque de regroupement et d’y répondre dans une mission d’audit de groupe, parce qu’il y a une probabilité plus élevée que des procédures d’audit soient mises en œuvre à l’égard de catégories d’opérations, de soldes de comptes ou d’informations à fournir qui sont ventilés entre les composantes. De façon générale, le risque de regroupement est d’autant plus élevé que le nombre de composantes où des procédures d’audit sont mises en œuvre séparément. Puisque la norme ISA 600 ne définit pas le risque de regroupement, il se peut que les auditeurs comprennent mal le concept et ne l’appliquent pas adéquatement, ce qui influera sur les travaux visant les états financiers du groupe. 

L’ES-600 ajoute une définition et des modalités d’application s’y rapportant pour expliquer le concept plus en détail.

La norme ISA 600 actuelle fait référence à la fois au « seuil de signification pour la composante » et au « seuil de signification pour les travaux au niveau de la composante ». Cependant, les auditeurs ont une compréhension insuffisante du calcul du seuil de signification pour la composante dans le contexte d’un groupe, ce qui a mené à une importante disparité des pratiques. 

Selon l’ES-600, l’équipe affectée à l’audit du groupe déterminerait le seuil de signification pour les travaux au niveau de chaque composante où des procédures d’audit seront mises en œuvre, et communiquerait ce seuil aux auditeurs des composantes lorsque ces derniers participent à la planification et la réalisation des procédures d’audit complémentaires au niveau des composantes. L’IAASB a également ajouté des modalités d’application pour expliquer les facteurs dont l’équipe affectée à l’audit du groupe peut tenir compte pour établir le seuil de signification pour les travaux au niveau de la composante. Ces facteurs se rapportent essentiellement au risque de regroupement, notamment l’étendue de la ventilation des informations financières entre les composantes, et la nature, la fréquence et l’ampleur attendues des anomalies dans les informations financières de la composante. 

Renforcement nécessaire des exigences relatives à la documentation

La norme ISA 600 contient des exigences concernant la documentation, qui touchent notamment la nature, le calendrier et l’étendue de l’intervention de l’auditeur du groupe dans les travaux effectués par les auditeurs des composantes importantes. Certains sont d’avis qu’elle devrait fournir des indications supplémentaires sur le jugement que doit exercer l’auditeur du groupe en ce qui concerne les constatations de l’auditeur de la composante, notamment sur les types de communications importantes devant être consignées dans la documentation et sur la façon de consigner l’évaluation que fait l’auditeur du groupe des constatations de l’auditeur de la composante.

L’ES-600 contient des exigences révisées concernant la documentation, et l’IAASB a étoffé les modalités d’application. Il incombe à l’équipe affectée à l’audit du groupe de déterminer si la documentation de l’audit du groupe satisfait aux exigences de la norme ISA 230. 

AVIS DU CNAC SUR LES MODIFICATIONS PROPOSÉES DANS L’ES-600

Quel est donc l’avis du CNAC sur les modifications proposées dans l’ES-600?

Dans le cadre de la rédaction de sa lettre de réponse à l’ES-600, le CNAC a effectué des tests de terrain pour mieux comprendre l’interprétation que peuvent faire les équipes de mission des exigences et les incidences pratiques des propositions. De façon générale, le CNAC est satisfait de la façon dont l’ES-600 traite des principes d’un audit fondé sur les risques et tient compte des nouvelles normes de gestion de la qualité. Il apprécie les éclaircissements qu’apporte l’exposé-sondage sur les responsabilités de l’équipe affectée à l’audit du groupe, notamment sur l’intervention dans les travaux effectués par les auditeurs des composantes, la communication bilatérale et constante entre l’équipe affectée à l’audit du groupe et les auditeurs des composantes tout au long de la mission et les mesures à prendre à l’égard des restrictions d’accès au moment de l’acceptation, du maintien ou de la documentation d’une mission d’audit de groupe. 

Par contre, le CNAC a encore quelques réserves, notamment les suivantes : 

  • L’ES-600 doit traiter avec plus de rigueur des questions complexes liées à l’utilisation d’éléments probants obtenus dans le cadre de l’audit d’une composante, comme un audit légal des états financiers d’une composante.
  • Le CNAC craint que les auditeurs de groupes peinent encore à déterminer dans quels cas il faut demander l’intervention des auditeurs des composantes pour la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et de procédures d’audit complémentaires, ainsi que la nature, le calendrier et l’étendue de ces procédures.
  • Le passage à la nouvelle approche fondée sur les risques pour les audits de groupe sera un défi pour de nombreux auditeurs, surtout au chapitre de la compréhension des cas de figure qui entrent ou non dans le champ d’application de cette norme et de l’application des concepts de la norme ISA 315 aux audits de groupes complexes. Des dispositions transitoires détaillées seront vraisemblablement nécessaires pour favoriser la mise en œuvre réussie de la nouvelle norme.

QUELLES SONT LES PROCHAINES ÉTAPES?

L’IAASB examine les réponses reçues au sujet de l’ES-600 et espère publier la version définitive de la norme ISA 600 (révisée) en 2021. La date d’entrée en vigueur serait dans les 18 à 24 mois après la publication, ce qui semble très éloigné. Cependant, étant donné l’incidence des modifications sur les audits de groupe et sur les rôles des équipes affectées à l’audit du groupe et des auditeurs des composantes, il importe que les personnes prenant part à des audits de groupe acquièrent dès maintenant une bonne compréhension des propositions et de leurs conséquences pour leur cabinet et leurs missions.

Pour se préparer à appliquer la nouvelle norme, les auditeurs devraient tout d’abord lire l’ES-600 et acquérir une bonne compréhension des questions abordées dans le présent billet.

CPA Canada élaborera des indications sur la nouvelle norme en temps voulu. Restez à l’affût!

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Avertissement

Les opinions et les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et ne représentent pas nécessairement ceux de CPA Canada.