Télétravail hors frontière et lieu d’imposition: ce qu’il faut savoir
De plus en plus de pays proposent des visas conçus pour encourager les employés à travailler depuis leur territoire. (Westend 61 / Getty Images)
Au cours des deux dernières années, les organisations sont devenues expertes dans la gestion d’employés en télétravail. Mais le terme « télétravail », souvent utilisé pour désigner le travail à domicile, englobe aussi dorénavant d’autres lieux géographiques.
« Un nombre croissant d’entreprises permettent à leurs employés de télétravailler d’ailleurs qu’à la maison », souligne Sonia Gandhi, CPA, associée et leader nationale, Mobilité internationale, chez KPMG à Toronto. « C’est un fait désormais tangible pour les employeurs. »
Si certains de vos employés souhaitent exercer leurs activités dans des endroits où le régime d’imposition est différent ou si vous songez à élargir votre politique de télétravail, voici quelques conseils à garder à l’esprit.
RÈGLES RELATIVES À LA PAIE ET À L’IMPÔT
Les employeurs canadiens doivent d’abord étudier les incidences du télétravail hors province ou territoire sur l’administration de la paie ainsi que l’impôt des particuliers et des sociétés.
Comme l’explique Howard Levitt, associé principal chez Levitt Sheikh à Toronto, les sociétés dont une partie de l’effectif travaille à distance depuis d’autres lieux d’imposition (par exemple, à l’extérieur de l’Ontario) seront assujetties aux lois qui régissent ces ressorts territoriaux. « Des procédures comptables, fiscales et réglementaires différentes de celles en vigueur en Ontario pourraient s’appliquer. »
Ainsi, on se demande souvent quelle table d’impôt provincial ou territorial utiliser pour les travailleurs en activité au Canada. Les politiques de l’ARC sur le lieu d’emploi décrivent les principales lignes directrices à suivre. « Cela dit, ces règles ne tiennent pas compte du contexte actuel, où le télétravail s’est généralisé », précise Bruce Ball, FCPA, vice-président, Fiscalité, à CPA Canada.
TRAVAIL DANS UN AUTRE PAYS
« L’embauche transfrontalière constitue un défi encore plus grand, ajoute Bruce Ball. On ne peut s’attendre à ce que les règles soient les mêmes dans un autre pays, surtout lorsqu’un employé est appelé à prendre des décisions clés et à passer des contrats. Les organisations qui emploient un résident permanent à l’extérieur du Canada pourraient devoir s’inscrire auprès des autorités fiscales de l’autre pays et y prélever des impôts. Et d’autres questions fiscales outre la relation d’emploi pourraient se poser. »
Si un employé demande à travailler depuis l’étranger pendant une longue période, il est important de vérifier s’il a le statut adéquat en matière d’immigration et l’accréditation nécessaire pour y exercer ses fonctions. De plus en plus de pays proposent des visas de télétravail ou pour travailleurs nomades afin d’encourager le travail à distance depuis leur territoire, fait remarquer Sonia Gandhi, et ces visas se sont multipliés au cours de la dernière année.
Il faut aussi prendre en compte le transfert de compétences et le droit d’exercice, poursuit Howard Levitt. « On ne peut pas faire valoir un titre d’ingénieur, de pharmacien ou de CPA quelque part si on ne détient pas le droit d’exercice sur ce territoire. »
SOINS DE SANTÉ ET CONDITIONS SALARIALES
Les employeurs doivent aussi vérifier si leur couverture de soins de santé s’applique à d’autres territoires. Dans la négative, ils doivent trouver un fournisseur dont la couverture géographique est plus vaste ou un assureur établi dans le pays d’emploi. Ce facteur a été une considération essentielle pour Josh Zweig, CPA, chef de la direction de LiveCA, dont l’effectif compte 110 membres en télétravail qui se déplacent souvent dans diverses régions du monde.
« Plutôt que de dépenser des centaines de dollars pour un avantage que l’employé pourrait ne pas utiliser, nous avons voulu nous assurer que nos avantages sociaux étaient suffisamment étendus pour permettre aux gens d’en profiter même lorsqu’ils sont à l’extérieur du pays. Par exemple, nous avons mis en place un compte gestion-santé qui permet au personnel de se faire rembourser des frais payés à l’extérieur du Canada. Mais il existe d’autres solutions, comme une assurance couvrant les travailleurs nomades. »
Il est aussi parfois complexe de déterminer les niveaux de rémunération, dit Josh Zweig. « Si vous adoptez un taux de rémunération provincial maximal pour tous, vous pourriez vous retrouver à trop payer certaines personnes et à sous-payer des employés établis dans des provinces différentes. Vous devez adopter une stratégie de rémunération très claire et vous assurer que les employés comprennent bien les disparités. »
NORMES D’EMPLOI
Les entreprises doivent aussi tenir compte d’autres aspects législatifs comme les normes du travail provinciales ou étrangères, les dispositions relatives aux heures supplémentaires, les lois sur la protection des renseignements personnels et les exigences de sécurité.
« Au Canada, les lois de la province ou du territoire où réside l’employé sont généralement celles qui régissent son emploi », souligne Emily Siu, avocate spécialisée en droit de l’emploi, du travail et des contrats au cabinet torontois SpringLaw.
Elle ajoute que ces normes se complexifient quand d’autres pays entrent en jeu. « Dans la plupart des cas, l’employé en télétravail est assujetti aux lois du pays où il se trouve, même si son employeur est en Ontario et qu’il est payé en dollars canadiens. »
« Il est primordial pour les employeurs de toujours savoir où l’employé en télétravail s’acquitte de ses tâches, rappelle Bruce Ball. Certains employeurs instaureront des règles qui interdisent à l’employé de travailler à l’extérieur du Canada, sauf lors de brefs voyages personnels. »
« Une des questions les plus épineuses pourrait être la cessation d’emploi, précise Emily Siu. Il ne faut pas négliger non plus les heures supplémentaires et l’horaire de travail. Ces éléments différeront d’un lieu à l’autre selon les lois du travail qui y sont en vigueur et pourraient engager la responsabilité de l’employeur. »
Enfin, avoir des employés dans différents fuseaux horaires présente des problèmes d’ordre pratique et requiert certains aménagements. Il faut aussi respecter certaines obligations en matière de santé et sécurité.
Les complexités et incertitudes fiscales liées à la gestion de personnel en télétravail complet persisteront tant que la législation n’aura pas rattrapé le retard, soutient Bruce Ball. « La meilleure solution consiste à prendre conseil auprès d’un fiscaliste. »
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