Collage de CPA : Aanu Adeleye, Lisa Laronde et Riley Turnbull
Comptabilité
La profession

Plus il y a de diversité, mieux c’est

À l’occasion de la Journée internationale des femmes, trois CPA reviennent sur les hauts et les bas de leur carrière.

En l’honneur de la Journée internationale des femmes, nous avons interviewé trois femmes CPA à différentes étapes de leur carrière au sujet de leurs réussites, de leurs difficultés et de leurs espoirs d’avenir pour elles-mêmes et la profession comptable.

Lisa Laronde est la première femme présidente de RSG International, un chef de file mondial des infrastructures de sécurité routière, et supervise à ce titre la stratégie et le fonctionnement de l’entreprise. Dévouée à la diversité et à l’inclusion, elle s’attache à instaurer un climat de sécurité psychologique au travail.

Riley Turnbull, directrice de projets au Conseil sur la comptabilité dans le secteur public du Canada, apporte son appui aux permanents et aux bénévoles du Conseil, qui se consacrent aux normes comptables pour les entités du secteur public.

Aanu Adeleye est directrice principale du groupe KPMG Entreprises privées. Elle est responsable de services d’audit pour des clients du secteur public, notamment des établissements d’enseignement, y compris d’enseignement supérieur, des administrations locales et des organismes sans but lucratif.

CPA CANADA : Quelles difficultés avez-vous éprouvées en début de carrière?

Lisa Laronde (LL) : Le passage du monde de la comptabilité à celui de la construction n’a pas été facile. J’étais auparavant une dirigeante respectée, et j’ai senti, à mon arrivée dans ce secteur traditionnellement masculin, qu’on ne m’appréciait pas à ma juste valeur.

Riley Turnbull (RT) : À mes débuts, dans l’Alberta du milieu des années 2000, le concept de diversité, équité et inclusion (DEI) n’existait pas; c’était un environnement très traditionnel. Je suis une femme transgenre, mais à l’époque, je ne l’avais pas encore dévoilé. Bien des choses ont changé depuis.

Aanu Adeleye (AA) : Quand je faisais mes premières armes dans la profession de CPA, on remettait en question mes compétences. À différentes étapes de ma carrière et plus souvent que mes pairs, j’ai dû, en tant que femme d’origine étrangère, lever les doutes exprimés quant à mon expertise.

CPA CANADA : Quels défis uniques la profession comptable vous a-t-elle posés?

LL : J’ai composé avec bien des problèmes qui restent d’actualité, comme l’équité en matière d’emploi, l’écart salarial entre les sexes et la discrimination, mais dans l’ensemble, mon expérience a été positive. En ma qualité de CPA, j’ai toujours senti du respect envers ma personne et mes opinions.

RT : Mon parcours professionnel m’a amenée petit à petit vers l’authenticité. À mes débuts, je me sentais obligée de dissimuler qui j’étais pour réussir dans la profession. Mais les temps ont changé, et je peux aujourd’hui assumer pleinement mon identité.

AA : Certains comportements à mon endroit n’étaient pas intentionnels, je le sais, mais ça ne diminue en rien leur influence sur ma façon d’exercer la profession. Par chance, je n’étais pas seule, et grâce à de bons appuis, j’ai pu progresser et démontrer avec assurance mon leadership et mon expertise à titre de CPA.

CPA CANADA : De quelle réalisation professionnelle êtes-vous le plus fière?

LL : Obtenir mon titre de CPA, c’est l’une des meilleures décisions de ma vie. Ce titre ouvre beaucoup de possibilités, et en conservant mon statut de membre, je peux le garder pour la vie. Il m’a permis d’expérimenter plusieurs carrières dans différents secteurs, et même d’enseigner pendant quelque temps.

RT : J’occupe un poste privilégié qui me permet de participer à l’élaboration de normes pour le secteur public au Canada, et j’en suis honorée. L’obtention de mon titre de CPA a été une étape marquante, mais le jour où je me suis affirmée, où j’ai commencé à me montrer telle que je suis, figure aussi parmi mes grandes réussites.

AA : Les réussites les plus déterminantes de ma carrière, je les ai vécues en apportant mon aide à d’autres comptables. Parvenir à accompagner et à outiller quelqu’un pour ensuite le voir s’épanouir sur les plans personnel et professionnel, c’est une belle victoire pour moi. Les prix ne symbolisent pas nécessairement le succès, mais j’ai eu l’honneur de recevoir le prix Impact KPMG 2022 pour le plus grand nombre d’heures consacrées au bénévolat.

CPA CANADA : Quels changements positifs pour les femmes avez-vous observés depuis le début de votre carrière?

LL : J’estime que les choses se sont vraiment améliorées. Le mouvement #MoiAussi a été un moteur de changement. Par ailleurs, je vois davantage de femmes qui participent à des congrès et assemblées dans des secteurs traditionnellement dominés par les hommes. Les participantes représentent aujourd’hui environ 10 % de l’assistance, alors que j’étais bien souvent la seule femme auparavant.

RT : Récemment, j’ai remarqué qu’on accepte et encourage plus qu’avant l’expression de points de vue diversifiés. J’ai fait partie du comité sur la DEI de CPA Canada, un lieu privilégié où j’ai pu parler de mon vécu de femme transgenre. Dans ce comité, j’ai travaillé à l’évolution des politiques en faveur de la DEI et je suis fière de ce que nous avons accompli.

AA : Les femmes CPA ont ouvert la voie à de nouveaux modes de travail et de réflexion. Comme changements positifs, j’ai constaté que les femmes jouent, plus que jamais, un rôle de premier plan dans l’encadrement des leaders de demain, et que beaucoup d’organisations adoptent des objectifs alignés sur les valeurs fondamentales qui animent les femmes qu’elles emploient. J’ai en outre vu des progrès dans les efforts pour favoriser l’équilibre travail-vie personnelle sans restreindre les possibilités de promotion.

CPA CANADA : Quels changements positifs pour les femmes espérez-vous voir dans la profession?

LL : Il doit y avoir plus de femmes dans des postes de haute direction. Pour y arriver, les employeurs doivent offrir plus de flexibilité aux employées qui ont des responsabilités familiales. D’autre part, les femmes doivent aussi se porter candidates. Selon certaines études, les femmes postulent un emploi seulement si elles répondent à 100 % des exigences, alors que les hommes se contentent d’en satisfaire 60 %. On m’a invitée à poser ma candidature au conseil d’administration de l’Association des constructeurs de routes de l’Ontario, où j’ai été élue récemment. Je préside une entreprise de construction de routes ontarienne qui vaut 350 millions de dollars, mais je n’y avais pas pensé! 

RT : Certaines initiatives de DEI demeurent parfois une façade; une adhésion réelle des conseils d’administration est nécessaire. Malheureusement, il reste encore des gens pour qui l’équité hommes-femmes et la représentativité se résument à des formalités qu’on est contraint de suivre.

AA : Nous avons progressé, mais j’aimerais que plus de femmes CPA de tous les horizons occupent des postes de haute direction. Depuis des années, nombre d’études ont prouvé que la présence de dirigeantes favorise la collaboration, la loyauté envers l’organisation et l’équité. Et c’est sans compter le bon sens des affaires et l’expertise des femmes CPA. Tout cela nous rappelle qu’il reste du chemin à faire, et que les organisations perdent au change en ne tirant pas pleinement parti de l’extraordinaire bassin de talents que représentent les femmes.

CPA CANADA : Selon la dernière étude de CPA Canada, seulement 27 % des CPA qui siègent à un conseil sont des femmes. Comment accroître la représentation des femmes dans les conseils d’administration?

LL : L’établissement de quotas – par exemple, le fait d’exiger que 25 % du conseil se compose de femmes ou de membres de groupes sous-représentés – peut être utile. Le réseautage est par ailleurs l’activité par excellence où les femmes peuvent étoffer leurs contacts et se faire remarquer. Il n’est pas rare que les membres du conseil choisissent des personnes provenant de leur cercle rapproché. Et pour couronner le tout, les candidates aux conseils d’administration sont peu nombreuses. Je siège moi-même à deux conseils, je sais que ça demande beaucoup de temps.

RT : Les quotas suscitent des réticences, mais ils sont essentiels pour parvenir à la mixité dans les conseils d’administration et les comités. Autrement, rien ne changerait. Genres, races, cultures, générations, plus il y a de diversité au conseil, mieux c’est.

AA : Les organisations doivent se fixer un nombre cible de postes réservés aux administratrices, notamment à des femmes d’horizons divers, puis vérifier où ils se situent par rapport à cette cible et prendre des mesures en conséquence. Par le passé, on présumait souvent que seuls les gens influents et bien nantis pouvaient siéger à un conseil d’administration, écartant d’emblée la candidature de bien des femmes. Les organisations doivent réévaluer les besoins du conseil d’administration en tenant compte des compétences que les femmes ont à offrir.

CPA CANADA : L’étude fait état d’une présence accrue de femmes CPA et de jeunes CPA dans les conseils d’administration et les comités d’audit. Que pensez-vous de cette évolution?

LL : C’est bon pour tout le monde! Une meilleure diversité dans l’équipe de haute direction favorise souvent la rentabilité. D’après le cabinet-conseil McKinsey & Company, les entreprises dont le conseil d’administration se situe dans le premier quartile quant à, d’une part, la mixité, et d’autre part, la diversité ethnique, sont respectivement 27 % et 13 % plus susceptibles de dégager une surperformance financière que celles du dernier quartile. La diversité des origines permet à l’équipe de considérer les choses tout autrement.

RT : Le processus décisionnel reste parfois le même, mais la présence au conseil de gens aux horizons et aux vécus diversifiés aboutit assurément à des décisions plus éclairées. J’ai constaté par moi-même l’influence notable des jeunes CPA dans les conseils et les comités, du fait de leurs apports et de leurs points de vue différents. Les conseils se doivent d’accueillir de jeunes CPA et des femmes CPA aux identités intersectionnelles afin de bénéficier de leurs perspectives distinctes.

AA : C’est une évolution encourageante que nous devons favoriser et soutenir. Il faut continuer d’augmenter la présence des femmes CPA et des jeunes CPA dans les conseils d’administration et les comités d’audit. Il faut aussi épauler ceux et celles qui y sont déjà, et les aider à se perfectionner afin qu’elles et ils grimpent les échelons. Et pour préserver ces acquis et contrer la diversité de façade, il faut veiller à ce que les compétences et l’expertise des femmes CPA et des jeunes CPA répondent aux besoins des conseils d’administration et des comités d’audit.

CPA CANADA : Quelles mesures importantes la profession peut-elle prendre en faveur de la DEI?

LL : Pour commencer, on peut saluer les réussites des femmes CPA et leur donner l’occasion de briller sous les feux des projecteurs. On ne souligne pas assez le travail des femmes! 

RT : La DEI doit figurer parmi les aspects fondamentaux des programmes d’agrément des CPA. Le milieu comptable est déjà extrêmement diversifié, et il le deviendra encore plus à l’avenir.

AA : Nous avons besoin de politiques inclusives, de formation continue, de pratiques de recrutement inclusives, de programmes axés sur l’avancement professionnel, d’échanges avec des communautés diversifiées et de modalités de travail flexibles. Chaque mesure est déterminante pour atteindre nos objectifs de DEI. Les bonnes intentions ne suffisent pas. Pour s’engager résolument sur la voie de la diversité et de l’inclusion, la profession comptable doit agir, apprendre, désapprendre, persévérer et se responsabiliser.

LE LEADERSHIP DE L’AVENIR 

Le Sommet mondial de l’AICPA-CIMA sur le leadership des femmes a lieu du 11 au 13 novembre 2024; soyez au rendez-vous. Découvrez les facteurs derrière l’écart salarial persistant entre les sexes, et renseignez-vous sur un obstacle majeur à l’accès des femmes aux conseils d’administration.

Légende : De gauche à droite, Aanu Adeleye, Lisa Laronde et Riley Turnbull, toutes trois CPA, partagent leurs expériences professionnelles. (Images fournies)