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Lutte contre le blanchiment d’argent

Protection des lanceurs d’alerte : un aspect crucial, selon un nouveau rapport

Dans une publication conjointe, l’IFAC et CPA Canada soulignent l’importance d’aider la population à dénoncer des actes répréhensibles.

CPA Canada se trouve depuis longtemps à l’avant-garde de la promotion d’un cadre efficace pour la protection des lanceurs d’alerte. L’an dernier, elle a lancé un projet conjoint avec l’International Federation of Accountants (IFAC) afin d’examiner les orientations législatives et les recherches récentes sur le sujet. Le rapport qui en résulte, intitulé Protection des lanceurs d’alerte : comprendre les lois, les pratiques, les tendances et les principaux aspects de la mise en œuvre, fait ressortir l’importance de mesures législatives rigoureuses et le rôle que peuvent jouer les CPA pour favoriser une culture de prise de parole et l’adoption de politiques appropriées.

Michele Wood-Tweel, FCPA, vice-présidente, Affaires réglementaires, et Sarah Mulhall, CPA, directrice, Affaires réglementaires et intérêt public, toutes deux à CPA Canada, discutent du rapport et d’autres questions clés.

Pourquoi CPA Canada et l’IFAC ont-elles fait équipe dans la préparation du rapport intitulé Protection des lanceurs d’alerte : comprendre les lois, les pratiques, les tendances et les principaux aspects de la mise en œuvre?

Michele Wood-Tweel (MWT) / Sarah Mulhall (SM) : La protection des lanceurs d’alerte est un enjeu mondial de la plus haute importance. C’est aussi une question d’intérêt public.

Pour offrir aux lanceurs d’alerte un niveau de protection comparable à celui dont ils bénéficient dans certains autres pays, le Canada doit envisager des solutions sous un angle plus global. À l’heure actuelle, de nombreuses lacunes persistent, l’ensemble des diverses lois d’ordre fédéral et provincial ou territorial ne se traduisant pas par une approche intégrée de la question.

CPA Canada collabore de longue date avec l’IFAC dans plusieurs domaines de recherche. Ainsi, les deux organisations se sont notamment penchées ensemble sur la question de la lutte contre la corruption et la criminalité financière, une étude qui supposait l’analyse de nouvelles mesures législatives au chapitre de la protection des lanceurs d’alerte dans différents pays.

La profession comptable ayant un rôle central à jouer dans la protection des lanceurs d’alerte, les deux organisations ont décidé de publier un rapport conjoint. Nous espérons qu’il amènera les professionnels comptables et les cabinets à participer aux discussions qui ont lieu à l’échelle locale, nationale et internationale sur le sujet.

Quel est le lien entre la protection des lanceurs d’alerte et une culture de prise de parole?

MWT / SM : Dans une culture de prise de parole, les gens ont la capacité, les connaissances et les conditions nécessaires pour dire la vérité lorsqu’ils découvrent des actes répréhensibles.

La protection des lanceurs d’alerte est bénéfique pour la société à plusieurs égards, en plus de favoriser une culture de prise de parole à tous les échelons de tous les types d’organisations, tant privées que publiques.

Aujourd’hui, la dénonciation est un enjeu mondial. Où en sont les mesures législatives de protection au Canada?

MWT / SM : Comme de nombreux autres pays, le Canada s’est engagé à l’échelle internationale à promouvoir la protection des lanceurs d’alerte. Mais pour réaliser de véritables progrès, il devra adopter une approche plus globale.

Rappelons qu’au Canada, les différentes lois provinciales n’offrent pas le même type de protection et que ces écarts ne sont pas comblés par des mesures fédérales. Dans un tel contexte, une personne qui dénoncerait de bonne foi une situation dans le cadre de la loi fédérale pourrait voir sa responsabilité engagée en vertu d’une loi provinciale et risquerait même de faire l’objet d’une poursuite civile.

Ailleurs, par exemple aux États-Unis, on constate des progrès importants : adoption de différentes lois à ce chapitre, récompenses financières pour les lanceurs d’alerte...

Au Royaume-Uni, la Public Interest Disclosure Act 1998 s’avère plus complète, et relève d’une approche plus globale de la question, que les mesures législatives en vigueur au Canada.

Les pays membres de l’Union européenne doivent, en vertu d’une directive, adopter des lois pour protéger les lanceurs d’alerte, et la plupart d’entre eux l’ont fait dans une certaine mesure.

Bien qu’à l’échelle mondiale, aucune loi en la matière ne soit parfaite, le Canada doit continuer à faire des progrès sur ce front et trouver des moyens d’améliorer le cadre législatif applicable aux particuliers disposés à agir dans l’intérêt public devant des actes répréhensibles, qu’ils en soient témoins ou victimes.

Quelles sont les retombées économiques d’une protection législative stricte des lanceurs d’alerte?

MWT / SM : Un cadre législatif rigoureux, au même titre qu’une culture de prise de parole devant des cas de corruption ou d’autres comportements inappropriés, peut avoir des retombées économiques considérables. Comme il est expliqué dans le rapport, un plus grand nombre de fraudes et d’autres crimes économiques sont détectés par les lanceurs d’alerte que par d’autres moyens, et certains pays constatent que les avantages potentiels dans le secteur public uniquement sont très importants sur le plan quantitatif.

Et dans une entreprise, ces individus contribuent à une saine gestion financière : ils permettent par exemple de s’assurer que les prix payés pour des biens et services sont justes et qu’il n’y a pas d’activité ni de versement inapproprié ou illégal.

La protection des lanceurs d’alerte peut être un outil efficace pour lutter contre la criminalité financière, notamment le blanchiment d’argent et le financement d’activités terroristes. Quelles autres raisons sous-tendent l’importance d’une approche globale de cette protection?

MWT / SM : En plus de permettre de lutter contre la criminalité financière, la protection des lanceurs d’alerte peut s’avérer bénéfique à de nombreux autres égards, comme l’environnement et la santé et sécurité.

Quiconque dans une organisation – employé, gestionnaire, bénévole – pourrait connaître l’existence d’une situation qui doit être dénoncée afin de mettre fin à des actes répréhensibles, voire de prévenir une catastrophe.

Que fait CPA Canada pour accroître la sensibilisation à cet égard? Et quelles sont les principales préoccupations qu’elle a soulevées?

MWT / SM : Il y a déjà plusieurs années que CPA Canada appuie le renforcement de la protection des lanceurs d’alerte, notamment en participant à des consultations et en présentant des mémoires prébudgétaires au gouvernement fédéral. Elle a ainsi, entre autres, souligné l’absence d’un cadre pancanadien global ou complet en la matière, et la nécessité de combler les lacunes évidentes.

CPA Canada a également témoigné au sujet de la nécessité d’assurer la protection des lanceurs d’alerte devant la Commission d’enquête sur le blanchiment d’argent en Colombie-Britannique (Commission Cullen), qui a publié son rapport en 2022.

Dans le rapport conjoint de CPA Canada et de l’IFAC, on trouve un « questionnaire en huit points ». Pourriez-vous expliquer de quoi il s’agit, et comment l’outil peut aider les professionnels et les organisations comptables ainsi que d’autres utilisateurs dans l’adoption et la mise en œuvre des lois sur la protection des lanceurs d’alerte?

MWT / SM : Les politiques de protection des lanceurs d’alerte doivent être adaptées au cadre législatif et réglementaire en vigueur.

Cet outil de discussion et d’information permet aux professionnels comptables, aux décideurs et aux autres parties prenantes de faire le point sur les leçons tirées dans le domaine de la protection des lanceurs d’alerte, notamment les pratiques exemplaires. Les professionnels comptables peuvent s’en servir pour établir des politiques et des procédures adaptées à leur organisation, et les décideurs, pour adopter et mettre en œuvre des mesures législatives.

Que peuvent faire les CPA pour rehausser la protection des lanceurs d’alerte contre le harcèlement, l’intimidation et les représailles dans leur organisation?

MWT / SM : L’apport des CPA touche à la fois les fondements de la culture de prise de parole et la question de l’éthique et de la responsabilité. Les organisations qui encouragent la dénonciation sont plus résilientes, proactives et responsables lorsque des actes répréhensibles sont commis.

Les CPA peuvent participer à la mise en œuvre des lois applicables en veillant au volet risques et conformité. Ils peuvent également promouvoir et renforcer des mécanismes de dénonciation efficaces et sûrs dans l’organisation, accessibles aux employés et à d’autres personnes, tout en appuyant une bonne gouvernance et en s’assurant que des mesures concrètes sont prises à la suite d’un signalement.

Les CPA peuvent soutenir ces cadres et politiques, quel que soit leur rôle au sein d’une organisation : employé, gestionnaire, membre du conseil d’administration ou bénévole. Ils peuvent ainsi jouer un rôle crucial en incarnant la conscience de l’organisation, rôle particulièrement nécessaire lorsque d’autres facteurs, d’ordre financier ou non, risquent d’amener les décideurs et d’autres parties à s’écarter du droit chemin.

EN SAVOIR PLUS

Consultez le rapport conjoint de CPA Canada et de l’IFAC sur la protection des lanceurs d’alerte et les nombreuses ressources sur la lutte contre le blanchiment d’argent que vous propose CPA Canada.

Lisez aussi notre entretien avec Stephen Shedletzky, auteur de l’ouvrage Speak-Up Culture.

Légende : Question d’intérêt public, la protection des lanceurs d’alerte est un enjeu mondial de première importance. (Shutterstock / Shawn Hempel)