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Un livre blanc est présenté avec deux pièces d'échecs rouges sur la couverture.
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Sexiste, la langue française? Loin d'être inclusive en tout cas.

Dans Le Cerveau pense-t-il au masculin?, trois spécialistes expliquent pourquoi il faut se débarrasser du filtre masculin qui brouille notre perception du monde.

Un livre blanc est présenté avec deux pièces d'échecs rouges sur la couverture.Par facilité comme par automatisme, notre cerveau se réfère naturellement à ce qu’il connaît déjà, soit des associations d’idées bien établies – hélas, souvent stéréotypées. (tous droits réservés)

« Les CPA aiment le sport. » En lisant cette phrase, qui n’a pas davantage pensé à des hommes qu’à des femmes? Mais si on avait dit : « Les CPA aiment la lecture », qu’en aurait-il été? Si l’association d’idées vous semble tendancieuse, elle n’en reflète pas moins une réalité indiscutable. Parler français, c’est souvent percevoir le monde à travers un prisme masculin, truffé de clichés, d’où la nécessité d’adopter un langage plus inclusif, expliquent Pascal Gygax, Sandrine Zufferey et Ute Gabriel, respectivement psycholinguiste, linguiste et psychologue, dans Le Cerveau pense-t-il au masculin? (Le Robert, 2021).

UN REGARD AU MASCULIN

Depuis des siècles, l’androcentrisme qui règne dans notre société (cette « tendance à considérer les hommes comme la norme de notre espèce et, par conséquent, à les placer au centre de nos préoccupations ») influe sur notre langue. Sous l’effet de « pressions misogynes et patriarcales », des vagues de masculinisation ont amené le masculin en position de supériorité, essayant au mieux de faire croire qu’il exprime une certaine neutralité. Pourtant, « la forme masculine avec une valeur neutre est incompatible avec la manière dont notre cerveau fonctionne ».

Et les exemples d’aveuglement ne manquent pas dans le livre, tirés tant d’études scientifiques que d’expériences ludiques que les trois universitaires ont tentées, avant de proposer à leur lectorat de les répéter. 

Ainsi, et même si aucune information ne dit qui fait le tour de passe-passe, les numéros de magie sont considérés comme mieux faits quand on les pense exécutés par des hommes. Face à un dessin de visage androgyne, les gens voient plus souvent un homme qu’une femme. Et si on demande dans un sondage, par exemple, « Quel est votre musicien préféré? », seulement entre 15 % et 25 % des personnes sondées citent une femme, alors qu’elles sont 40 % à le faire quand on demande « Quel est votre musicien ou votre musicienne préférée? » Plus grave encore, dès l’âge de 3 ans, de nombreuses filles considèrent ne pas être faites pour certaines professions décrites seulement au masculin, alors qu’elles sont bien plus convaincues de pouvoir exercer ces mêmes métiers si on les présente au masculin et au féminin.

Au quotidien, le masculin l’emporte sur le féminin quand vient le temps d’accorder un participe passé ou un adjectif avec un sujet mixte. Certains noms de métier n’existent qu’au masculin, comme médecin, et on dit toujours mari et femme ou Adam et Ève, jamais l’inverse. Et que dire de la différence de sens entre un secrétaire et une secrétaire? De nombreux termes féminins qui désignaient des métiers et des activités conçues par la société comme étant plutôt masculines ont carrément été supprimés, notamment au XVIIe siècle, comme le mot autrice, qui existait pourtant déjà en latin (auctrix).

Contenant des dizaines d’exemples puisés dans 40 ans de recherches en psycholinguistique, l'ouvrage détaille avec simplicité mais éloquence les défis relevés par notre cerveau au quotidien. En quête constante de sens, et par facilité comme par automatisme, le cerveau se réfère naturellement à ce qu’il connaît déjà, soit des associations d’idées bien établies – hélas, souvent stéréotypées. 

Si la société renforce constamment ces clichés en les véhiculant, nous avons aussi une part de responsabilité individuelle puisque nous les relayons, soulignent les spécialistes. Heureusement, bien que ces associations soient difficiles à briser, « nous pouvons y arriver avec un peu d’effort ».

UNE SOLUTION AU FÉMININ

Comment? Entre autres en reféminisant notre langue par le recours à d’autres règles d’accord (on peut très bien dire certaines étudiantes et étudiants ou les femmes et le chien se sont promenées), en mettant le féminin en premier « pour compenser la pratique inverse très courante et très ancienne de mettre les hommes d’abord », ou en exposant davantage les femmes elles-mêmes à une forme inclusive pour « non seulement changer [leur] visibilité dans la société mais aussi modifier certaines associations fortes », comme en politique.

Les doublets (mécanicien et mécanicienne) ou les formes contractées (étudiant·e) fonctionnent bien aussi, tout comme la reformulation dégenrée (au lieu de dire les participants ont trouvé la fête fantastique, on peut dire la fête était fantastique). On peut parler de la direction plutôt que du directeur ou utiliser des termes épicènes, soit non genrés (le mot comptable en est un). À défaut de posséder un pronom neutre comme il existe en anglais (they), on peut aussi opter pour le pronom iel. En 160 pages, on découvre une multitude de pistes faciles à explorer.

Bien entendu, il y aura toujours des personnes pour s’opposer à une réforme langagière, parce qu’elles considèrent ces problèmes sans importance, qu’elles sont sexistes ou ont une vision trop rigide de la langue. L’enjeu est pourtant clair : l’adoption d’un langage non exclusif, qui représenterait « les femmes bien sûr, mais de manière plus large toutes les personnes qui ne s’identifient pas à la catégorie homme », aidera à mieux accompagner les révolutions sociétales que nous vivons. Nous ne sommes plus au XVIIe siècle, après tout.

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