Passer au contenu principal
Des collègues discutent de graphiques
Outils

Comment mieux établir les objectifs grâce aux neurosciences

Bien qu’ils soient largement utilisés dans les organisations, les processus d’établissement des objectifs ne tiennent pas souvent compte des principaux facteurs de motivation. Jennifer Gervès-Keen explique comment il est possible d’améliorer ces processus.

Des collègues discutent de graphiquesLes organisations doivent comprendre que l’évaluation d’un processus d’établissement d’objectifs ne repose pas seulement sur la réussite financière. (Getty Images/Westend61)

L’établissement d’objectifs est un processus courant dans la plupart des organisations, mais il pourrait souvent être plus efficace. CPA Canada s’est entretenue avec Jennifer Gervès-Keen de JGK Consulting à Richmond, en Colombie-Britannique. Mentore pour cadres supérieurs, animatrice, conférencière et autrice primée, cette coach agréée spécialisée en gestion du changement et en leadership a mené des recherches approfondies sur les neurosciences et leurs liens avec le comportement humain. Elle nous fait part de ses réflexions sur l’établissement d’objectifs et son incidence sur la performance et la santé mentale.

CPA CANADA : Quels sont les outils les plus utilisés pour établir des objectifs?

JENNIFER GERVÈS-KEEN (JGK) : Les outils d’établissement des objectifs ne sont pas nouveaux. Chaque organisation semble avoir un processus qui lui est propre et qui se conclut habituellement par des évaluations. Certaines organisations utilisent des indicateurs clés de performance (ICP), d’autres, des objectifs et des résultats clés, ou encore des objectifs SMART (spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporels).

CPA CANADA : Dans quelle mesure ces outils sont-ils efficaces?

JGK : D’un point de vue neuroscientifique, ces processus laissent manifestement de côté un élément clé : l’aspect émotionnel. À aucun moment on ne se demande si les gens se soucient de l’objectif. Si une personne ignore les raisons pour lesquelles elle doit atteindre les objectifs fixés, si elle ne participe pas à leur définition ou si elle ne prend pas part à l’établissement de la marche à suivre pour les atteindre, sa motivation sera faible.

Il y a une grande différence entre poursuivre des objectifs qui vous ont été imposés et des objectifs logiques qui vous tiennent à cœur. Dans bien des cas, l’établissement d’objectifs repose sur l’atteinte d’objectifs de revenus ou d’autres cibles de performance, mais ne tient pas compte des motivations de l’employé ou de la façon dont les objectifs s’inscrivent dans la vision d’ensemble.

CPA CANADA : Quelles sont les répercussions sur la santé mentale?

JGK : L’hésitation et le manque de concentration observés en cette période d’incertitude ont des répercussions importantes sur la santé mentale. Certaines organisations qui adoptaient autrefois des plans stratégiques décennaux ou quinquennaux prévoient maintenant sur un horizon de 18 mois ou moins. De nos jours, personne ne sait ce qui se passera dans 3 mois, et encore moins dans 12 mois.

Si le supérieur d’un employé travaillant dans un secteur instable et durement touché par la pandémie exige de lui qu’il établisse des objectifs annuels, il adoptera une réaction défensive et figera, se mettra en retrait ou, s’il se sent réellement impuissant et sous-estimé, partira.

Considérer l’établissement d’objectifs comme une fin en soi n’est pas un outil de motivation efficace. Si vous ne parvenez pas à trouver un facteur de motivation qui plaît autant aux employés qu’à l’entreprise, le processus sera pénible pour tout le monde.

CPA CANADA : Comment les organisations composent-elles avec les contraintes liées aux objectifs et, plus globalement, à leur établissement?

JGK : La santé mentale est un facteur qu’il faut absolument prendre en compte. Certaines organisations s’intéressent vraiment à ces questions et apportent de nombreux changements. D’autres conservent les mêmes processus d’établissement des objectifs que dans le passé, mais il devient de plus en plus évident qu’elles ne favorisent pas le succès de leurs employés.

Nous incitons les organisations à adopter des objectifs organisationnels et possiblement des objectifs d’équipe. Toutefois, les gens doivent aussi se fixer des objectifs qui favorisent leur perfectionnement personnel, leur santé mentale ou leur résilience après les événements des dernières années. Les chercheurs affirment que les effets de la pandémie sur la santé mentale pourraient se faire sentir pendant 10 ans.

CPA CANADA : Comment établit-on des objectifs efficaces?

JGK : Un objectif efficace doit avoir du sens et susciter un certain attachement émotionnel chez la personne concernée. Il doit aussi être communiqué clairement. Les gens doivent savoir quelle sera la première étape à suivre et quelle forme elle prendra. Sinon, ils seront indifférents ou ne pourront pas amorcer le processus.

Même si vous considérez comme un but à atteindre un objectif qui ne vous intéresse pas, vous ne vous sentirez pas lié à lui et aurez tendance à le remettre à plus tard, ce qui rendra le processus beaucoup plus difficile.

Si toutes les conditions sont réunies, c’est-à-dire que l’objectif vous intéresse, est logique et s’inscrit dans une démarche claire, vous parviendrez plus facilement à éviter les distractions et la procrastination.

CPA CANADA : Pouvez-vous nous indiquer des pratiques exemplaires en matière d’établissement d’objectifs?

JGK : Vous devez d’abord déterminer pourquoi vous fixez des objectifs. Il y a une grande différence entre l’établissement d’objectifs dans l’unique but d’évaluer la performance en fin d’exercice et le déploiement d’objectifs de façon à communiquer au personnel le plan stratégique pour l’année, le rôle de chacun et la manière dont les objectifs s’inscrivent dans la vision d’ensemble.

Il est essentiel d’expliquer les objectifs fixés et de préciser les raisons pour lesquelles chacun doit les atteindre. Pour un employé, il peut être très motivant de travailler à l’atteinte d’un objectif commun en ayant conscience des retombées sur l’ensemble de l’organisation. C’est beaucoup plus intéressant que de se faire imposer un objectif par son supérieur.

Les objectifs doivent aussi être liés aux valeurs de l’organisation. Lorsque votre secteur d’activité ou le monde entier traverse une crise majeure, il est important de revenir à des valeurs qui comptent et de les intégrer dans le processus d’établissement des objectifs. La communication fondée sur les valeurs offre une stabilité qui fait contrepoids à l’incertitude actuelle.

Aussi, vous devez affecter les responsabilités et déterminer la forme qu’elles prendront. Quelle sera la responsabilité de chacun? S’accompagnera-t-elle d’incitatifs financiers et autres? Cette responsabilité vous permet-elle de parvenir à vos fins grâce au processus d’établissement d’objectifs?

CPA CANADA : Avez-vous autre chose à ajouter?

JGK : Les organisations doivent comprendre que l’évaluation d’un processus d’établissement d’objectifs ne repose pas seulement sur la réussite financière. Il s’agit de fidéliser vos employés, de retenir leur attention et de créer un milieu de travail positif. Vous ne pouvez pas le faire si vous ne comprenez pas leurs motivations.

Beaucoup de comportements improductifs se traduisent par un désengagement discret, une démobilisation ou un épuisement professionnel. Les dernières années ont été éprouvantes et les gens sont fatigués, qu’ils soient en première ligne pour servir les clients ou qu’ils occupent un poste de direction où ils doivent prendre des décisions difficiles concernant des mises à pied.

Or, il est possible d’apporter des changements positifs et profonds. Toutefois, pour saisir cette occasion, vous devez mieux comprendre la façon dont les gens travaillent et leurs motivations.

AFFINEZ VOS COMPÉTENCES EN LEADERSHIP

Dans nos cours en ligne, Jennifer Gervès-Keen explique comment utiliser l’intelligence émotionnelle pour devenir un meilleur leader et comment mettre à profit ses compétences en mentorat pour améliorer la gestion de la performance. Aussi, ne manquez pas de vous inscrire au Colloque sur le secteur public, où Jennifer Gervès-Keen animera le 25 octobre 2023 une séance sur le leadership de l’avenir.