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Éthique

3 fraudes immobilières fréquentes dont vous ne voulez surtout pas être victime

Devenir propriétaire est le rêve d’une vie pour de nombreux Canadiens. Hélas! les arnaques immobilières sont monnaie courante, et les choses pourraient empirer avec la pandémie de COVID-19.

Femme, regarder, vente, signe, rue Si vous souhaitez acquérir une propriété, faites affaire avec un professionnel que vous aurez vous-même choisi. (Getty Images/Leo Patrizi)

Malgré plusieurs mesures de soutien financier offertes aux Canadiens en raison de la pandémie de COVID-19, de nombreux propriétaires vont avoir du mal à rembourser leur emprunt hypothécaire dans les prochains mois, faute de travail et de revenu. La preuve : déjà plus de 710 000 particuliers ont demandé à leur institution financière un sursis ou un report de paiement, selon l’Association des banquiers canadiens (ABC). 

Cette précarité, les fraudeurs en sont, hélas! conscients, souligne Sylvain Paquette, président de Bureau canadien du crédit, une entreprise spécialisée dans la protection des consommateurs en matière de fraude et de crédit. Voici quelques types de fraudes immobilières dont il faut se méfier selon lui.

1) FRAUDE LIÉE À LA SAISIE D’UN IMMEUBLE HYPOTHÉQUÉ (FORCLUSION)

La plupart des banques permettent de reporter ou de sauter les paiements hypothécaires pendant une période allant jusqu’à six mois, explique Sylvain Paquette. Mais attention, les intérêts reportés seront ajoutés au capital, autrement dit, les gens paieront des intérêts sur les intérêts. « Quand les gens auront épuisé les reports consentis par les banques, tous n’auront pas retrouvé leur emploi, et certains auront accumulé des dettes. Les fraudeurs vont sauter sur l’occasion pour leur proposer du financement non traditionnel. »

« Leur objectif est simple : que la victime signe un prêt de premier, deuxième ou troisième rang, ou une hypothèque légale du constructeur (qui empêche un propriétaire de vendre un bien sans d’abord rembourser les personnes ayant participé à sa construction ou à sa rénovation), ce qui leur permettra d’apparaître sur le titre de propriété. Ensuite, il ne restera aux escrocs qu’à provoquer un défaut de paiement, en prétextant le non-respect d’une obscure clause par la victime, pour faire valoir leurs droits. Dans l’impossibilité de payer, la victime n’aura d’autre choix que de vendre la propriété pour rembourser le prêteur », précise Sylvain Paquette.

D’après l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, « une fraude en forclusion se produit généralement si vous avez de la difficulté à effectuer vos paiements hypothécaires. On pourrait vous convaincre par la ruse de transférer votre titre de propriété à quelqu’un afin d’obtenir un prêt qui vous aidera à effectuer vos paiements. Habituellement, les fraudeurs conservent les paiements que vous effectuez et possèdent également le titre associé à votre propriété, qu’ils peuvent revendre ou refinancer ».

« Une telle fraude, fait observer Sylvain Paquette, menace tous les propriétaires, à la ville comme à la campagne, mais elle est bien plus rentable sur un immeuble commercial dont la valeur a augmenté au fil du temps. Les gens ne réalisent souvent pas qu’ils ont été l’objet d’une fraude, alors ils ne portent pas plainte. Ils pensent que c’est la procédure normale de reprise d’une propriété et éprouvent de la honte, alors ils remettent les clés aux fraudeurs. »

Comment se protéger? « Ne jamais céder aux offres faites sur les réseaux sociaux par des sociétés de consolidation de dettes ou de restructuration financière, prévient l’expert. Ne jamais non plus appeler les numéros sur les panonceaux Achetons maison comptant, qui ont été placés à des endroits stratégiques pour attirer certains propriétaires. Enfin, ne jamais hésiter à consulter un professionnel indépendant que vous aurez choisi vous-même. » 

2) FRAUDE LIÉE AU TRANSFERT D’UN TITRE DE PROPRIÉTÉ

Pour s’emparer d’un titre de propriété, les fraudeurs devront d’abord voler l’identité d’une personne. Les victimes sont le plus souvent des propriétaires qui possèdent un bien sans hypothèque ou avec une hypothèque peu élevée.

Pour arriver à leurs fins, les fraudeurs se servent de données dérobées aux entreprises ou directement auprès des particuliers. Interception du courrier ou courriel, appels frauduleux, campagnes d’hameçonnage… tout est possible, et la pandémie actuelle stimule l’appétit et la créativité des escrocs. 

Sylvain Paquette fait remarquer qu’une stratégie pourrait gagner en popularité, plus d’un million de Canadiens ayant perdu leur emploi en mars : « La fausse offre d’emploi qui permet au fraudeur de recueillir en toute impunité un maximum d’informations personnelles directement auprès du postulant. »

Le problème? Une fois la main mise sur ces renseignements, « les fraudeurs fabriquent de faux papiers d’identité (avec leur photo) et de faux documents, comme des titres de propriété. Puisque les notaires ne demandent pas nécessairement les originaux, les escrocs se font passer pour les propriétaires et réhypothèquent la propriété. Si celle-ci est libre d’hypothèque, ils peuvent obtenir jusqu’à 80 % de sa valeur ».

« S’ils sont encore plus gourmands, poursuit Sylvain Paquette, les fraudeurs peuvent carrément vendre la propriété, mais ce type de stratagème est plus compliqué, car il suppose la visite, par des acheteurs potentiels, de la maison (qui doit être vide) et la vente. Donc, plus de complices et plus de risques d’erreur. Mais rien n’est impossible. »

« Pour des risques souvent minimes, les profits sont mirobolants, ajoute Sylvain Paquette : une seule transaction peut rapporter des centaines de milliers de dollars. Un fraudeur peut aussi demander une carte de crédit [sur une marge de crédit hypothécaire, par exemple] à votre nom en indiquant une autre adresse de livraison et un autre numéro de téléphone. C’est seulement quand une agence de recouvrement va hériter du dossier et vous retrouver que vous découvrirez l’escroquerie. Or, ce sera à vous de prouver que vous n’étiez pas au courant. »

3) FRAUDE LIÉE À LA DEMANDE D’UN PRÊT HYPOTHÉCAIRE

Cette troisième fraude se déroule davantage entre la banque et le notaire, par l’entremise du courtier. Dans les faits, un propriétaire pourrait bien ne se rendre compte de rien, jusqu’à ce qu’il ait plus de mal à rembourser son emprunt hypothécaire et comprenne qu’il a acheté un logement qui n’était théoriquement pas dans ses moyens. « Exactement comme certaines personnes sont tentées de mentir pour obtenir un prêt hypothécaire, certains courtiers falsifient les documents soumis pour que le dossier de financement soit accepté », a constaté Sylvain Paquette.

Ici, il a suffi d’intervertir deux chiffres pour transformer un revenu de 57 000 $ en revenu de 75 000 $. Là, l’employé d’une banque a trafiqué les chiffres (comme le dossier de crédit) dans plus de 110 demandes soumises, pour un montant total d’opérations de 46 M$. En 2015, Home Capital Group Inc., un important prêteur hypothécaire non traditionnel au Canada, a même cessé de travailler avec 45 courtiers (pour un volume d’affaires de 960 M$) après avoir été averti anonymement qu’ils rédigeaient de fausses lettres d’emploi et produisaient de fausses déclarations de revenus.

« La suite logique du problème, constate le spécialiste, c’est que de nombreuses institutions ne portent pas plainte quand elles découvrent la fraude, de peur de ternir leur image. Elles réclament juste la démission du fraudeur, qui va travailler ailleurs ou change de secteur. De plus, si les clients découvraient la fraude, certains pourraient poursuivre la banque, prétextant que leur dossier n’aurait jamais dû être accepté. »

LA VIGILANCE EST DE MISE

Protéger nos renseignements personnels par tous les moyens est donc crucial, rappelle Sylvain Paquette. Si vous pensez être victime de fraude, la Société canadienne d’hypothèques et de logement vous invite à porter plainte auprès de votre service de police local et à contacter le Centre antifraude du Canada. L’ABC fait aussi plusieurs recommandations.

  • « Ne donnez jamais vos renseignements personnels au téléphone, par courriel ou dans Internet à moins d’avoir vous-même initié le contact ou de connaître la personne avec qui vous faites affaire.
  • « Si cela vous paraît trop beau pour être vrai, il en est probablement ainsi – avant de révéler tout renseignement personnel, sachez comment il sera utilisé et s’il sera partagé.
  • « Soyez attentif à vos cycles de facturation. Renseignez-vous auprès des créanciers lorsque vos factures n’arrivent pas à temps.
  • « Surveillez votre courrier. […] Retirez rapidement le courrier de votre boîte aux lettres après la livraison. Assurez-vous que le courrier est acheminé ou réacheminé si vous changez d’adresse.
  • « Conservez les articles portant des renseignements personnels dans un endroit sûr. Un voleur d’identité fouillera le contenu de votre poubelle ou de vos bacs de recyclage. Assurez-vous de déchirer ou de déchiqueter les reçus, les copies de demandes d’adhésion de carte de crédit, les formulaires d’assurance, les relevés du médecin et les propositions de crédit que vous recevez par la poste.
  • « Réviser [régulièrement] votre rapport de solvabilité peut vous aider à savoir si quelqu’un a ouvert un compte financier en votre nom sans autorisation. Il existe deux agences d’évaluation du crédit au Canada : Equifax Canada et TransUnion Canada
  • « Vous pouvez également mener une recherche de propriété auprès du bureau d’enregistrement des titres de propriété de votre province pour vous assurer que le titre de votre maison est à votre nom. »
  • Enfin, vous pouvez aussi vous procurer une assurance-titres, qui paiera les coûts en cas de poursuite civile pour fraude. Certaines provinces indemnisent les consommateurs ayant subi des pertes financières résultant de certains types de fraudes immobilières (c’est le cas en Ontario avec la Caisse d’assurance des droits immobiliers).

ALERTE À LA FRAUDE

Selon le Sondage sur la fraude 2020 de CPA Canada, près de 45 000 Canadiens ont été victimes de fraude en 2019. Dans le contexte actuel de pandémie, les fraudeurs font preuve d’une créativité encore plus grande, et vendent des produits contrefaits ou lancent des campagnes de financement trompeuses.

Pour mieux vous protéger, prenez connaissance de nos conseils pratiques sur la détection de la fraude dans la rubrique Votre argent et vous : Comment vous protéger contre la fraude et l’usurpation d’identité. Soyez également vigilant face au vol de numéros d’assurance sociale et à la fraude par rançongiciel.

TOURS DE PASSE-PASSE IMMOBILIERS

Outre la fraude par saisie d’un immeuble hypothéqué, transfert d’un titre de propriété ou falsification d’une demande de prêt hypothécaire, voici quelques stratagèmes récurrents dans le secteur de l’immobilier qui servent à blanchir de l’argent.
Le prête-nom
Des personnes cherchent une propriété pour y exercer des activités criminelles, comme blanchir de l’argent. Elles demandent à un particulier de s’en porter acquéreur contre une rémunération de quelques milliers de dollars. Un complice fournit tous les documents contrefaits nécessaires pour prouver l’occupation d’un emploi et la perception de revenus.

Le riche étudiant

Pour blanchir un gros montant d’argent, on soudoie un étudiant pour qu’il se porte acquéreur d’un luxueux condo. Puisqu’il en fait sa résidence principale – du moins, sur papier – et qu’il paie très peu d’impôts sur ses revenus (peu élevés), la revente du condo est d’autant plus payante. L’étudiant n’a plus qu’à reverser le profit au vrai bailleur de l’opération.

Les travaux non déclarés

L’opération consiste à acheter un immeuble pour le « flipper », soit le revendre très vite après l’avoir rénové de fond en comble. Pour maximiser le profit, l’investisseur engage des ouvriers au noir et se sert d’un prête-nom qui déclare le bien comme étant sa résidence principale. L’impôt à payer sur le gain en capital, à la revente, sera donc moins élevé.

La fausse surenchère

Un fraudeur et son complice, munis de faux documents, se vendent et s’achètent mutuellement la même propriété plusieurs fois de suite et rapidement afin de faire gonfler artificiellement son prix. Ensuite, l’un d’eux demande un prêt hypothécaire d’un montant bien au-dessus de la valeur réelle de la propriété, empoche l’argent, puis le remet à l’autre en guise de paiement. Et puis ils disparaissent, laissant la banque sans recours.

La sous-offre

Ici, un escroc propose à un propriétaire d’acheter sa propriété à un prix moins élevé que celui du marché, mais en lui reversant la différence en espèces, sans la déclarer. Il s’agit d’une pratique frauduleuse selon le Service canadien de renseignements criminels puisque « la véritable nature de la transaction (prix d’achat, source du revenu, emploi, etc.) est dissimulée. Le criminel peut ensuite revendre la propriété à sa valeur réelle et blanchir ainsi des fonds de provenance illicite. »