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Magazine Pivot

En exclusivité : Entretien avec Mark Carney

Celui qui a été gouverneur de la Banque du Canada puis de la Banque d’Angleterre discute de l’avenir des affaires : comment concilier les buts à se donner et les profits à réaliser?
Miniature vidéo de l'interview d'un expert.

 

Dans l’univers de la finance, peu de Canadiens ont un curriculum vitæ aussi impressionnant que celui de Mark Carney. Gouverneur de la Banque du Canada (il a guidé le pays de main de maître pendant la Grande Récession) puis de la Banque d’Angleterre, il dirige aujourd’hui l’investissement responsable chez Brookfield Asset Management et agit à titre d’envoyé spécial des Nations Unies pour le financement de l’action climatique. Pivot a rencontré Mark Carney à Ottawa avant son départ pour Glasgow, où il conseillera la présidence britannique de la Conférence sur les changements climatiques 2021.

Michael Massoud, directeur de projets, Activités, Responsabilité sociétale, à CPA Canada, s’est entretenu avec lui de son livre Value(s): Building a Better World for All. Il a été question notamment de la façon dont les CPA peuvent exploiter leurs compétences et leurs perspectives pour promouvoir les valeurs qui favoriseront une réforme des entreprises, et de la manière dont les stratégies peuvent être axées sur la lutte contre les changements climatiques et d’autres défis. Ce point de vue concorde tout à fait avec le mandat de Pivot, soit de ne pas s’arrêter aux chiffres, mais de tourner les projecteurs vers des personnes, entreprises et organisations qui ont à cœur de renforcer le milieu des affaires et d’adopter des pratiques responsables sur les plans social et économique. Peu de questions sont plus pressantes de nos jours que celle du dérèglement climatique. Et comme le dit Mark Carney à qui veut l’entendre, nous devons nous y mettre dès maintenant.

Pivot : Mark, merci d’avoir accepté de me rencontrer.
Mark Carney (MC) :
C’est un plaisir, Michael.

Pivot : Vous êtes depuis longtemps un fervent défenseur des pratiques commerciales durables. En 2014, déjà, le pape François et vous déclariez que « les personnes et leur bien-être doivent être au centre de la vie économique et politique ». Votre livre montre avec éloquence que les citoyens, les entreprises et les États doivent faire des choix pour assurer l’avenir de la planète. Pourtant, la situation économique, environnementale et sociale est préoccupante. Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié cet été en a encore fait la démonstration. Comment en sommes-nous arrivés là?
(MC) :
Plusieurs facteurs ont contribué à cette situation. C’est en partie la raison pour laquelle j’ai écrit ce livre, et pour laquelle j’insiste sur les pratiques commerciales durables et l’information sur la durabilité des pratiques commerciales. Je suis un grand partisan du marché, mais on va au-devant des ennuis si on ne s’en remet qu’au marché. Il y a d’abord les difficultés classiques, les imperfections du marché – monopoles, externalités liées à l’environnement –, dont il faut s’occuper. Il y a ensuite la nature humaine. Nous sommes tous, moi y compris, irrationnellement impatients : les événements récents prennent souvent une importance disproportionnée. Ce qui engendre des choses comme la tragédie des horizons. Enfin, il y a le fait, fondamental, qu’on ne peut pas mettre un prix sur tout. Mais c’est plus fort que nous, nous avons mis en place des systèmes qui n’évaluent que ce qui a un prix. Or, si le prix d’une chose ne peut être établi, cette chose est exclue de l’équation. L’environnement en est un exemple; les questions touchant la collectivité et la durabilité en sont un autre. Il est impératif de concilier la valeur du marché et les valeurs de la société. Et nous pouvons le faire. Diverses mesures, que je présente dans le livre, nous permettraient d’y parvenir.

Pivot : Dans ce livre, justement, vous parlez des multiples facteurs essentiels à un changement positif. Vous mentionnez la nécessité de renforcer la résilience et la capacité, et d’être proactif. Quels sont les principaux catalyseurs dont nous avons besoin pour changer le cours des choses? 
(MC) : 
Comme vous le savez, j’étais gouverneur de la Banque du Canada lors de la crise financière. J’ai été épaulé – et, surtout, le pays a été épaulé – par des gens comme David Dodge et ses collègues, qui avaient déjà réfléchi à ce qui pourrait arriver et qui s’étaient préparés au pire scénario. Nous avons pu compter aussi sur de grands dirigeants du secteur privé, notamment Ed Clark, de la Banque TD. C’est cette discipline de réflexion qui nous a permis de nous en sortir. Le fait de ne pas chercher à se rassurer en se disant que la catastrophe ne se produira pas, mais de penser plutôt à ce qui se passera si elle se produit, et de s’y préparer. À l’inverse, aucune administration n’a pris de mesures sérieuses pour parer à une éventuelle pandémie, alors que nous savions qu’une pandémie était presque inévitable. La question est : pourquoi? Je reviens à votre question : quelles structures pourrions-nous mettre en place pour favoriser ce genre de mesures et renforcer notre résilience? Dans le secteur financier, je ne dirais pas que nous avons résolu la question, mais nous avons certainement fait des pas de géant. Nous disposons d’institutions, comme la Banque du Canada, chargées d’analyser ce genre de risque. Il existe des structures entre les organismes fédéraux et les organismes provinciaux qui doivent se pencher sur ces risques. Il nous faudrait la même chose en santé et en environnement. Nous devons mettre en place ces structures et – je sais que ça peut sembler pessimiste – envisager l’échec, supposer qu’on va échouer, déterminer ce que nous aurions pu faire pour éviter le piège. Si nous le faisons, alors nous serons résilients. Nous sortirons victorieux de la crise.

Pivot : Vous parlez d’échec dans votre livre, et de l’importance d’agir maintenant. Combien de temps nous reste-t-il?
(MC) :
Eh bien, en matière de climat, il nous reste très peu de temps. Vous avez fait référence, Michael, au rapport du GIEC. Une des choses les plus frappantes dans ce rapport – outre la description des phénomènes extrêmes et le fait que nous avons déjà dépassé de 1,1 °C les niveaux préindustriels – est qu’avec les taux d’émissions actuels, pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris, qui est de limiter le réchauffement à 1,5 °C, nous avons moins d’une décennie. Nous aurons dépensé tout notre budget carbone d’ici une décennie. Les CPA connaissent bien les budgets, je les laisse faire le calcul. Donc, il faut aplatir les courbes, et de beaucoup. Bon an mal an, nous devons réduire les émissions annuelles d’environ 7 % au cours des 10 prochaines années. Et nous devons commencer dès maintenant. Le temps presse vraiment. La bonne nouvelle, c’est qu’on reconnaît de plus en plus l’importance de la carboneutralité, nécessaire pour atteindre la cible de 1,5 °C. Elle n’est pas seulement prise en compte dans les programmes nationaux, mais aussi dans les entreprises et, en particulier, dans le secteur financier.

« Notre société doit être plus inclusive, et notre économie, plus durable. »

Pivot : Parlons maintenant de la COVID-19. Il ne fait aucun doute que la pandémie a marqué un nouveau départ pour les citoyens, les entreprises et les États. Elle a donné à tous l’occasion de prendre du recul et de revoir leurs valeurs. Ce qui a donné un nouveau souffle au concept de mission d’entreprise. Vous estimez que, pour favoriser une reprise durable, nous devons privilégier « la régénération plutôt que la redistribution » et fonder nos actions sur « les bonnes valeurs ». Pourriez-vous nous en dire plus sur cette démarche et sur sa portée?
(MC) :
Abordons certains de ces points, en commençant par les entreprises axées sur des objectifs. En définitive, l’activité d’une entreprise consiste à résoudre des problèmes, que ce soit sous la forme d’un service dans le secteur technologique, par exemple, ou d’un nouveau produit. La question est de savoir : quel type de problème? Prenons Shopify, un fleuron canadien sur la scène mondiale. Que fait cette entreprise? Elle propose une plateforme aux entrepreneurs. Sa motivation, ce sont les entrepreneurs, les entreprises. Ses dirigeants commencent chaque journée en se demandant – jusqu’à tard dans la nuit, à ce qu’il paraît – comment perfectionner la plateforme. Ce qui amène leurs employés, leurs fournisseurs et leurs clients à travailler tous ensemble, dans cet écosystème, à améliorer le fonctionnement du commerce mondial. Shopify accomplit une mission. Pas une mission du genre, disons, du développement durable. Mais une fin unificatrice, une mission qui inspire les employés, les fournisseurs et les clients, et qui rend les frontières de l’entreprise plus perméables. Tout le monde avance dans la même direction. Une extraordinaire création de valeur, dans tous les sens du terme : autant création de valeur financière que création de valeur sociale. Parallèlement à cela, il y a la reconnaissance croissante des responsabilités plus larges des entreprises en tant que membres de la collectivité. La société se bute à de graves problèmes, et on n’est jamais plus solide que la société. Notre société doit être plus inclusive, et notre économie, plus durable. Votre entreprise est-elle en phase avec cela? Ses pratiques d’embauche, ses pratiques de développement professionnel sont-elles en accord avec cela? En fin de compte, ce qu’on demande aux entreprises en matière de climat, c’est : avez-vous un plan pour atteindre la carboneutralité? Le Canada a enchâssé dans la loi un objectif de carboneutralité, comme 130 autres pays, et même une adolescente suédoise peut comprendre le budget carbone, et calculer que nous avons moins de 10 ans pour atteindre la carboneutralité et stabiliser le climat. Si vous êtes une entreprise et que vous avez une mission, eh bien, quel est votre plan? Tous ces plans doivent converger.

Pivot : Vous avez parlé de la contribution d’une grande entreprise comme Shopify. J’aimerais que vous nous parliez des changements profonds que nous pouvons apporter comme Canadiens. Dans votre livre, vous affirmez que le Canada, malgré une population peu nombreuse, pourrait servir de modèle en ce qui a trait aux valeurs et aux politiques. Dans quelle mesure le Canada s’est-il fait le champion du changement et de l’innovation? Avez-vous des exemples?
(MC) :
Je pense à un aspect en particulier. Cela peut sembler étrange, mais il s’agit des processus. Comme vous le savez, à la Banque du Canada, je travaillais à la réglementation du secteur de la finance. Mais, bien sûr, la Banque ne détient pas tous les outils : d’autres organismes, comme le BSIF ou la SCHL, et les autorités provinciales, jouent un rôle crucial. Savoir concilier des parties dans un but commun, pour essayer de résoudre des problèmes communs, voilà une aptitude typiquement canadienne. Cerner le problème est déjà un défi. Il vaut toujours mieux le faire avant qu’une crise éclate, et c’est ce qu’on fait la plupart du temps. Le processus de prise de décision est une aptitude que nous savons mettre en valeur et que je vois transposée, par exemple, dans les initiatives de l’Union européenne. Les Canadiens peuvent se révéler très efficaces sur la scène internationale pour concilier différentes parties, différents points de vue, trouver un consensus, proposer une synthèse. 

Sur la question de la durabilité, dont je sais que les CPA se soucient beaucoup et sur laquelle ils sont bien informés, il y a beaucoup d’avis divergents. Cette aptitude canadienne à concilier les points de vue et à aboutir à une décision est donc particulièrement importante. On pourrait citer aussi des cas de politiques et de pratiques commerciales, mais je souligne cette qualité essentielle parce qu’elle me semble fondamentale. Et en tant que Canadien, vous savez comme moi qu’il faut la mettre en pratique presque tous les jours, car nous sommes constamment appelés à servir d’intermédiaires entre des parties.

Pivot : J’aimerais revenir sur vos commentaires concernant les CPA et les valeurs canadiennes, et parler du rôle du Canada dans l’adoption de pratiques commerciales durables. CPA Canada croit à la conception spécifiquement canadienne d’une économie saine et prospère qui profite à l’ensemble des citoyens tout en préservant l’environnement. Il y a plusieurs années, l’organisation a même formulé ce qu’elle appelle l’idéal canadien d’une saine gestion. À votre avis, que peuvent faire les CPA pour promouvoir les pratiques commerciales et sociales durables?
(MC) :
Vous avez mis le doigt sur le point essentiel : cet idéal a été incorporé dans vos pratiques, et vous l’incarnez depuis des années. C’est devenu, en partie, une façon d’être. C’est le premier point. Ensuite, je pense qu’il faut avoir une conception large de la durabilité, qui inclut les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Comme vous le savez, et comme les CPA le savent, il y a deux aspects à considérer. D’abord, les facteurs qui risquent d’avoir un impact sur la valeur de l’entreprise. Ce peut être une question d’acceptabilité sociale, la capacité de l’entreprise à recruter, des externalités, un changement dans les politiques publiques, des répercussions sur l’écosystème, etc. Il faut identifier ces facteurs, les surveiller et les gérer. En fin de compte, l’entreprise doit décider comment elle veut les gérer et les améliorer, mais la discipline est essentielle dans la gestion de ces facteurs. 

L’autre aspect – les opinions divergent dans le monde à ce sujet – est l’impact sur la « valeur durable ». Quelque chose qui n’a pas nécessairement d’effet direct à court ou moyen terme sur la valeur de l’entreprise, mais qui pourrait avoir une incidence importante sur les facteurs ESG dans leur ensemble. Développer ces techniques et ces perspectives, informer l’entreprise et toutes les parties prenantes, s’assurer qu’elles reçoivent l’information est, je crois, fondamental dans votre travail. Et grâce à la mission et à l’expertise dont vous vous êtes dotés, vous êtes déjà à l’avant-garde de cette réflexion.

Pivot : Approfondissons la question. CPA Canada réunit régulièrement des parties prenantes pour discuter d’idées novatrices en faveur de meilleures pratiques et politiques commerciales. Récemment, elle a formé un vaste réseau d’organisations canadiennes pour appuyer la candidature du Canada comme hôte de l’International Sustainability Standards Board, ou ISSB. Si notre candidature est retenue, la capacité des organisations canadiennes à promouvoir l’adoption de politiques et de pratiques durables au pays s’en trouvera accrue. Dans quelle mesure une organisation comme la nôtre doit-elle être un agent de changement?
(MC) :
Tout d’abord, je ne saurais trop insister sur l’importance de l’International Sustainability Standards Board. Il s’agit d’une étape décisive vers la durabilité de la croissance économique, à l’échelle mondiale. Le projet a été approuvé par les ministres des Finances du G20, qui se sont réunis à Venise. Imaginez ça : une première rencontre en personne, et ils ont pu aller à Venise, rien de moins! [rires] Nous espérons que son lancement sera l’un des événements phares de la COP26 qui se tiendra en novembre à Glasgow. L’ISSB sera en mesure d’élaborer des normes rigoureuses en matière d’information sur la durabilité à partir des normes actuelles, bien intentionnées et pas nécessairement mauvaises, mais disparates et insuffisantes. 

Donc, I’ISSB est important, et je félicite CPA Canada pour ce projet, qui recueille un appui massif des préparateurs d’états financiers, mais aussi du secteur financier, des grandes entreprises et des gouvernements. Tout un travail! Une fois le conseil créé, il restera néanmoins l’essentiel : passer à l’action. Comme vous le savez, et comme le savent vos membres, la première mission du conseil, son premier objectif, sera de soumettre un projet de norme sur la présentation de l’information relative aux changements climatiques à l’été. Autant dire demain. Ça témoigne, premièrement, de l’urgence de la question, deuxièmement, de l’importance de savoir mobiliser des groupes aux intérêts divergents, et, troisièmement, de la qualité des personnes qui vont y travailler.

Pivot : J’aimerais aborder la question de la résilience. Le Canada s’est doté d’une excellente plateforme pour s’atteler à la durabilité. Les valeurs canadiennes sont en phase avec les considérations sociales émergentes. Notre gouvernance est reconnue et respectée dans le monde entier, notamment grâce à la robustesse de nos marchés financiers et à notre système bancaire. En tant qu’ancien gouverneur de la Banque du Canada, que suggérez-vous que nous fassions pour renforcer notre résilience?
(MC) :
Premièrement, nos institutions phares doivent élaborer des plans touchant la carboneutralité. Ce qu’elles sont en train de faire, à divers degrés. Deuxièmement, s’il faut envisager l’échec, comme je l’ai dit, il faut aussi envisager le succès. Qu’est-ce que le succès quand on parle du climat? C’est d’atteindre la carboneutralité, de stabiliser le climat et de plafonner la hausse à 1,5 °C. Mais ce faisant, certaines entreprises qui sont aujourd’hui concurrentielles dans un monde à fortes émissions polluantes cesseront de l’être. La question pour les institutions financières est : comment aider ces entreprises à décarboner leurs activités? Quelle stratégie adopter? Car nous ne pouvons pas laisser nos organisations échouer pendant que la société réussit. Cette réflexion et cette planification sont absolument essentielles. Nous devons viser la carboneutralité. Concrètement, cela veut dire fournir des capitaux aux entreprises qui décarboneront ou investiront dans la décarbonation. Il ne s’agit pas d’abandonner des entreprises ou des secteurs, mais de les accompagner. Nous devons le faire maintenant, et avec résolution.

L’autre point que je voudrais souligner, c’est que nous pouvons maintenant compter sur le fait que le pays a légiféré sur la carboneutralité. Nous sommes en train de mettre en place un organisme indépendant qui évaluera l’efficacité des politiques. Aux échelons fédéral et provincial, diverses politiques ont déjà été adoptées, et tous nos partis proposent des politiques. Nous avons donc une idée de la direction à prendre, et diriger les capitaux là où les besoins sont les plus pressants est primordial.

Deux hommes en costume se tiennent près l'un de l'autreMark Carney en compagnie de Michael Massoud, CPA, lors de l’entrevue à Ottawa. (Rémi Thériault)

Pivot : Nous avons parlé plus tôt du Canada comme d’un modèle pour le monde. Vous avez fait allusion à certains secteurs, et je veux poser la question à laquelle tout le monde pense. Étant donné sa dépendance aux combustibles fossiles, le Canada peut-il vraiment être un modèle?
(MC) :
Je pense que nous devons l’être, pour plusieurs raisons. Je suis sensible à la question. Je suis né juste au nord des sables bitumineux, et j’ai grandi à Edmonton, juste au sud des sables bitumineux. Toute ma vie, il y a eu des innovations, d’abord pour rendre les sables bitumineux viables en tant que secteur d’activité, et ensuite, graduellement, pour stimuler leur exploitation. Aujourd’hui, une grande partie des efforts visent la réduction de l’empreinte carbone des activités d’exploitation, pour atteindre la carboneutralité. Ainsi, notre expertise en matière de combustibles fossiles, et d’énergie en général, s’étend aux technologies propres, et nous devons faire de la recherche de solutions une priorité. Mais nous n’atteindrons cet objectif qu’à la condition de ne pas en démordre et de nouer, en bons Canadiens, des partenariats entre les administrations fédérale et provinciales et les entreprises. 

Voici comment je vois les choses. Nous disposons de formidables ressources, de « liquidités », pour parler comme les CPA. Une partie de ces liquidités va aux entreprises, et une grande partie va à l’État. Nous devons réinvestir ces liquidités dans les énergies d’avenir, dans la transition de nos activités de base, et dans le renforcement des compétences des personnes qui travaillent dans ce secteur d’activité. C’est tout à fait à notre portée. Mais comme vous le savez, cela ne se fera pas par hasard. Ce doit être fait avec résolution, en poursuivant un objectif clair. Et d’une manière où tout le monde trouvera son compte.

Pivot : Vous avez parlé de l’importance d’injecter des capitaux dans certains secteurs. Comment s’assurer qu’on répond aux problèmes de l’ensemble des secteurs et des régions?
(MC) :
D’abord, il faut cerner ces problèmes. Ensuite, il faut prendre conscience des deux grands problèmes auxquels le monde est confronté. Du côté de l’énergie, nous avons l’expertise nécessaire, et nous pouvons être résolus, nous venons de le dire. L’autre grand problème concerne le virage numérique, qui est en train de transformer le monde du travail et qui offre une formidable occasion d’élever diverses régions au niveau national. Encore une fois, ça passe par les infrastructures. Depuis le temps qu’on en parle, on doit absolument donner accès à la haute vitesse à tous les citoyens. Il faut former la main-d’œuvre, réinvestir les profits des secteurs qui sont concurrentiels aujourd’hui, mais ne le seront plus demain. Il faut de la cohérence entre les différents ordres de gouvernement. La révolution durable et la révolution numérique offrent une occasion exceptionnelle.

Pivot : Quelle est l’importance de la communication de l’information, notamment pour la transition vers un monde meilleur?
(MC) :
Elle est fondamentale. En matière de climat, de durabilité au sens large, de facteurs ESG, etc., il n’existe pas de solution unique, mais certains éléments sont cruciaux. Nous ne pourrons pas atteindre la carboneutralité sans une communication efficace de l’information relative aux changements climatiques. Impossible. C’est tout simplement trop complexe. La carboneutralité concerne toutes les entreprises de tous les secteurs dans toutes les régions du monde. Nous avons besoin de cette information. Nous devons savoir qui a un plan, qui a besoin de capitaux, qui est à la traîne, et le système doit fonctionner. Toutes les parties prenantes ont besoin de cette information, en fait, alors c’est vital. 

J’ajouterais que l’innovation dans le secteur privé, y compris à CPA Canada et chez les clients des CPA, a permis de faire de grands progrès. Maintenant, le secteur public au sens large doit prendre ces innovations et établir une norme par l’intermédiaire, notamment, de l’ISSB. Nous avons besoin d’un cadre cohérent et complet de communication de l’information pour continuer à progresser.

Pivot : Pour conclure, j’aimerais vous donner l’occasion d’inviter les 220 000 détenteurs du titre canadien de CPA à faire chaque jour un geste qui contribuerait à instaurer une société durable pour les générations à venir. Qu’aimeriez-vous leur demander?
(MC) :
C’est une excellente question! Le mot qui me vient à l’esprit est « humilité ». Qui suis-je pour dire aux 220 000 CPA canadiens ce qu’ils doivent faire? L’humilité est importante. J’essaie de me le rappeler chaque jour. Je termine le livre par un court chapitre – pour une fois, un court chapitre [rires] – sur l’humilité et sur son sens pour nous tous, pas seulement comme gens d’affaires ou décideurs politiques, mais aussi comme individus. L’idéal pour avancer est de combiner humilité et ambition. Nous devons nous rappeler notre place dans la société. Le fait est que ce que nous laissons en fin de compte comme héritage, ce sont nos valeurs. Quelles sont les valeurs qui vous ont guidé au quotidien dans votre vie personnelle et professionnelle? C’est dans cet héritage que les jeunes CPA iront puiser. C’est ce qu’ils assimileront, et c’est ce qu’ils transmettront. Bref, je recommande de pratiquer l’humilité chaque jour, et de comprendre que ces valeurs ont une incidence non seulement sur nous, mais aussi sur les autres.

Pivot : Merci, Mark. Ça a été un honneur de vous rencontrer et de vous interviewer.
(MC) :
Tout le plaisir a été pour moi, Michael.

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CPA Canada offre de nombreuses ressources ayant trait à la durabilité. Aussi, apprenez-en davantage sur la candidature du Canada pour accueillir l’ISSB et voyez pourquoi le pays est le meilleur choix pour cela. Enfin, informez-vous sur les facteurs environnementaux, sociaux et liés à la gouvernance (ESG) sur les activités d’une organisation.